Alors que les communautés StarCraft II de nombre de pays européens sont déjà moribondes ou en passe de l’être, la scène française a quant à elle bien réussi à résister tout au long de l’année 2014 aux poussées des plus SC2ptiques pour continuer de rassasier notre appétit pour les RTS. Rivalités, performances, déceptions, émotions, réussites, dramas, petits mots, phrases chocs, retour sur une année riche en personnalités, en égos, et surtout en souvenirs.
Au menu de ce tour d’horizon, un florilège d’entrées autour des grandes figures françaises qui ont marqué cette année, un plat en forme d'hommage à toutes les structures qui ont fait vivre la scène online et offline et en guise de dessert un petit retour sur l’un des drama les plus mémorables de l’année.
Dayshaud ou la dayshe ?
Le statut de meilleur français bien en main au début de l’année, Dayshi a eu la lourde tâche de faire vibrer la scène française à l’international et d’assumer à de nombreuses reprises son statut de patron. Et du bon, il y en a eu à l’image de son parcours durant la troisième saison de l’Acer Teamstory Cup III où ForGG et lui ont porté l’équipe Millenium à bout de bras. Dayshi terminera troisième meilleur joueur de la compétition avec un all-kill à son actif et Millenium râtera d’un cheveu sa qualification aux phases finales.
Dayshi fait aussi partie avec FireCake, Lilbow et ToD des heureux français qui auront réussi à se qualifier pour chacune des saisons des WCS. Il aura même toujours atteint la Premier League. Le joueur Terran est d’ailleurs passé à une victoire d’une qualification pour le Ro8 : c’était contre jjakji lors de la saison une, un souvenir qui a dû le marquer autant que nous.
Dayshi au Ro16 de la saison 1 des WCS Europe.
Comment oublier d’autre part son incroyable parcours lors de la Homestory Cup IX où il a atteint le dernier carré après un parcours irréprochable et une victoire de rang contre l’impressionnant Bomber, rien que lui. Enfin, Dayshi aura été l’un des grands artisans de la qualification de la France pour les phases finales des Nation Wars II. Contre la Russie particulièment, en quart de finale, il aura largement fait vibrer les quinze mille personnes rassemblées ce jour-là pour crier en cœur « Wouallez Dayshaud ! ».
Mais Dayshi a aussi son côté sombre et son année aura par ailleurs été marquée de périodes de doute et de baisse de motivation. Rien qu’à l’échelle des tournois français, le joueur Millenium a eu de gros passages à vide comme ces dernières saisons des Underdogs où il a été systématiquement absent du Top 4 de la compétition, obligé aujourd’hui de repasser par une étape de qualification pour regagner sa place dans l’élite française. Son investissement important sur Heroes of the Storm en fin d’année a aussi donné du grain à moudre à ses détracteurs et laissé un goût amer dans la bouche de ses fans. Espérons qu’il ira au bout des engagements qu’il a livrés dans un blog récemment pour nous faire à nouveau vibrer et que sa belle victoire lors des finales du Championnat francophone mi-décembre n’était que les prémices d’un retour en force en 2015.
Au trianon pour les NationWars II (Crédits : Charlotte Lindet).
La montée en puissance de Bilgros
Lilbow a vécu une montée en puissance impressionnante en 2014. Quittant l’équipe française nuit Blanche pour XMG juste après avoir arraché sa qualification en saison 1 des WCS, il s’installe lentement mais sûrement en ce début d’année au sein de l’élite européenne.
Même s’il souffre encore lors des tournois internationaux, il prend rapidement le pouvoir au niveau français. Son palmarès parle pour lui : il a ramené à la maison cinq trophées des Underdogs sur les neuf qui ont été joués cette année et a quasiment systématiquement fait partie du Top 4 de la compétition mensuelle organisée par O'Gaming. À l’heure où ces lignes sont écrites, il est encore en course pour une sixième victoire lors de la saison 13. En fin d’année par ailleurs, il roule littéralement sur tous ses adversaires du tournoi Top français organisé par MakOz, faisant honneur au surnom qu’on aime de plus en plus à lui donner : « Bilgros ».
Lilbow avec Pomf au Meltdown pour la finale de la saison 4 des Underdogs.
Moins à l’aise lors des évènements offline, on le sent particulièrement fébrile aux deux hf.lan auxquelles il a participé cette année. MiNiMaTh le bat deux fois lors de la septième édition, malgré les facilités du Protoss contre les Zergs. Plus récemment enfin, on ne l’a pas senti au meilleur de sa forme lors des finales du Championnat francophone où les Terrans Millenium, son match-up le plus faible, l’ont mis à genoux.
Malgré ces passages à vide, Lilbow est clairement rentré dans la cour des grands et les nombreuses invitations qu’il reçoit pour les différents tournois qui sont organisés, en particulier ceux de BaseTradeTV, sont loin d’être imméritées. Remportant le Foreigner Fun, il prend la seconde place du Who’s the Best European et fera un excellent parcours lors de The Fight Before Christmas, où ses Blink Stalkers ont bien fait transpirer en quart de finale du tournoi l’excellent Zerg Coréen Solar qui a lui remporté la victoire finale. Enfin, comment ne pas évoquer son improbable parcours dans la Conn.Si Christmas League où il réalise une incroyable performance, seul foreigner parmi les Coréens ?
Lilbow lors des finales du Championnat francophone Version 41.
Comme Dayshi début 2014, Lilbow concentre aujourd’hui les attentes d’une grande partie de la communauté française. Si une saine émulation se met en place au sein de l’équipe Millenium que le joueur Protoss a rejointe tout récemment, nul doute que Lilbow saura gommer ses difficultés connues contre Terran et diversifiera son jeu pour s’installer comme l'un des patrons des WCS.
Les vieux briscards et la relève
Comment faire un récapitulatif d’une année de StarCraft II en France sans mentionner le phénomène Zerg Stephano ? Étudiant, dilettante sur le RTS de Blizzard, il fait encore partie aujourd’hui des streamers les plus appréciés, cumulant quasiment systématiquement plusieurs milliers de viewers lors de chacune de ses sessions. Et cette année encore, il nous a réservé quelques bonnes surprises.
Fin avril, la fin d’année universitaire approchant, Stephano tente sa qualification pour la seconde saison des WCS. Et il réussit haut la main, décuplant par ailleurs le nombre de spectateurs d’une compétition généralement peu suivie. Pour un retraité, il fait par la suite un parcours tout à fait honorable, atteignant même la Premier League à laquelle il avait fait ses adieux en 2013.
Stephano et Smix à la Homestory Cup X.
Jouant aujourd’hui pour le Meltdown, il a fait honneur par ailleurs à la France lors des Nation Wars II marquant des points importants quand il fallait pour voir l’équipe monter sur le podium, félicitée par les hourras d’un public en feu.
Son style Swarm Host en dégoûtant plus d’un, il reste malgré tout très sympathique de le voir continuer à participer à des tournois comme les HomeStory Cup ou le tournoi Top français de MakOz. Même si ses résultats ne sont plus à la hauteur de son palmarès et qu’on ne peut que regretter l’époque où Polt et lui étaient de sérieux rivaux, il anime encore la scène et personne ne peut le lui reprocher.
Stephano affronte MC au Meltdown lors d'un concours un peu spécial.
Au tableau des anciennes gloires françaises, ToD aura plus marqué cette année par son omniprésence en tant que caster sur les plateaux des grandes compétitions internationales que par ses résultats en compétition. Malgré sa participation à toutes les saisons des WCS, il manque à ToD un résultat de référence pour l’année 2014. Nul besoin aujourd’hui d’être un devin pour sentir que l’ancienne gloire de WarCraft III risque de ne plus participer à des compétitions StarCraft II en tant que joueur. On peut même le soupçonner de beaucoup jouer à Heroes of the Storm vu ses dernières réactions sur Twitter. Doit-on d’ores et déjà lui dire adieu ?
Enfin qu’en est-il de la relève française ? Le potentiel est là : FireCake, MarineLorD, MiNiMaTh dont le retour en France est récent, PtitDrogo, PsiOniC et dans une moindre mesure MiniCrow, BlitzTao, Chubz ou DnS sont aujourd’hui solidement installés dans le top français et une saine émulation (si l’on met de côté l’exception FireCake) règne aujourd’hui entre eux. Les retrouver en LAN est un vrai plaisir et certainement pour eux aussi un petit boost de motivation supplémentaire qui les pousse à continuer à s’entraîner régulièrement.
MarineLorD lors des finales du Championnat francophone version 41.
La question qui reste en suspens est de savoir si parmi eux émergera en 2015 une des figures françaises de demain. MarineLorD semble aujourd’hui le plus prometteur malgré une saison 2014 pleine de frustrations où il est passé si près d’une qualification pour les WCS Europe. Pour les autres, il sera certainement difficile de percer sans un investissement plus important de leur part sur le jeu. Une telle décision est certainement compliquée sur le plan personnel à l’heure actuelle, la scène StarCraft II traversant une période d’incertitude d’une intensité inégalée depuis la bêta. Certains comme PsiOniC ou FireCake ont déjà clairement indiqué que StarCraft II ne serait jamais leur activité principale. Quant aux autres, on peut imaginer que cela dépendra beaucoup de l’avenir de la scène StarCraft II ainsi que de l’arrivée et la qualité de la dernière extension Legacy of the Void.
Une scène française de qualitay
Que serait aujourd’hui la scène StarCraft II française sans les nombreux acteurs qui continuent de faire vivre leur passion pour le RTS de Blizzard et tentent d’attirer à eux un public toujours plus difficile à convaincre en raison des appels du pied pressants de multiples éditeurs concurrents toujours plus inventifs ? Mieux vaut-il ne pas chercher à imaginer et simplement se contenter de rendre hommage à leurs efforts et leur investissement, bénévole pour beaucoup.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, féliciter c’est aussi toujours s’exposer à l’ire du public puisqu’on ne remercie jamais tout le monde et qu’il faut bien faire des choix qui comprennent toujours une part d’arbitraire et de sensibilité personnelle tout à fait subjective. Toujours est-il que sans état d’âme, un énorme « Wouallez » doit être envoyé à toute l’équipe de O’Gaming pour les heures passées à organiser, commenter et financer les nombreux tournois qu’ils ont mis en place en 2014. Pas moins de dix saisons des Underdogs ont été jouées, rendez-vous régulier de nos lundis soir. L’aventure des NationWars avec deux saisons et des phases finales de folie devant un public chauffé à blanc. Comment oublier les clameurs du public scandant « Eiki ! Eiki ! » ? On ne peut que rêver que l’aventure continue en 2015 et que l’Iron Squid 3 qui est sur les lèvres de tous les fans voie enfin le jour.
Le public en folie des NationWars II (Crédits : Charlotte Lindet).
Cette année encore, les LAN françaises ont continué d’animer et de rythmer la saison de nombre de joueurs français. Deux hf.lan, une InsaLan, une PxL, la Gamers Assembly, l’occasion de se retrouver, d’échanger, toujours avec une bonne ambiance à la clé. À chacune de ces étapes, de nombreux bénévoles sont là pour faire en sorte que tout se passe bien et que chacun puisse s’adonner à sa passion sans s’imposer de limites. Les LAN sont les poumons de la scène eSport et on ne peut que souhaiter leur retour en 2015. Avec les Masters français du jeux vidéo qui ont repris du poil de la bête, la plupart des voyants sont au vert, une seule interrogation subsiste, StarCraft II fera-t-il bien encore partie des jeux séléctionnés pour ces LAN ? Croisons les doigts !
Une petite mention spéciale pour la Proleague française qui malgré quelques râtés a proposé un format de compétition qui manquait sérieusement en France. La plupart des équipes se sont bien prêtées au jeu et malgré la polémique qui a entouré la finale qui a vu les Suisses de Romandy Gaming prendre le meilleur sur l’équipe Punchline, on ne peut que souhaiter qu’une nouvelle saison voie le jour en 2015.
Encore une année où YoGo n'aura pas chômé pour nous faire vivre sa passion (hf.lan 8) !
Au sein de Millenium, même s’il a fallu attendre la fin de l’année pour voir le retour du Championnat francophone, on se doit de saluer le travail de notre cher Docteur YoGo qui a œuvré autant que possible pour continuer à donner de la visibilité à StarCraft II auprès du public Millenium et n’a jamais manqué une occasion de mettre en avant la scène française. Dans le même style, MakOz a constitué autour de son site MakOzfriends une importante communauté de joueurs de StarCraft II qu’il continue d’alimenter en tutoriels et en tournois mettant en scène des amateurs comme des professionnels.
Enfin, et on pourra difficilement tous les citer, terminons avec un petit mot sur le travail d’un bon nombre de structures françaises moins souvent mises en avant mais qui ont malgré tout réussi à organiser régulièrement de petits tournois bien sympathiques : on pourra citer la WarLegend Cup remportée par MarineLorD en juillet, le Team Mistral Tournament qui a vu la victoire de Lilbow ou enfin les cinq JudgeHype Cup qui ont eu lieu cette année, mettant aux prises les meilleurs français avec de redoutables adversaires européens. Petite mention spéciale au tournoi féminin Ladies of the Swarm de la GdA-team, disparue depuis. Espérons que le concept sera repris en 2015. Même si ce type de tournoi est toujours l’occasion de débats interminables, personne ne peut nier que des filles qui s’éclatent sur SC2, ça fait plaisir à voir. Un petit mot pour conclure avec la Pandaria dont la saison 11 vient de se terminer et qui permet à un bon nombre d’équipes essentiellement amateurs et moins visibles de continuer à s’affronter sur StarCraft II. Un bon petit GG à l’équipe LDLC d'ailleurs qui a raflé cette dernière saison.
#WCSenfrançais
Des dramas, il y en a toujours au cours d’une saison StarCraft II, cela fait partie du décor et s’il n'y en avait pas, cela nous manquerait certainement. Au début de cette année 2014 a eu lieu dans l’ombre, une lutte d’influence mettant aux prises l’ESL, Blizzard et les grandes structures françaises Millenium, O’Gaming et aAa pour la diffusion des WCS en français. Ce Game of Thrones made in France (crédits : Llewellys) a enflammé Twitter et les forums du site anglophone Teamliquid où chacun a défendu ses arguments et fait valoir ses intérêts et sa légitimité.
L'image qui a mis le feu aux poudres.
Si la frustration est grande aujourd’hui pour le public de ces structures d’être passés à côté de quelque chose qui avait si bien fonctionné fin 2013, avec plus de dix mille personnes devant les finales de la saison 3 des WCS, un tel évènement est aussi l’occasion de revenir sur Terre et de réaliser que la professionnalisation de la scène eSportive internationale s’accompagne nécessairement d’une rationalisation du comportement des acteurs qui la composent. Une société comme l’ESL ne peut ainsi se permettre de ne pas être rentable et de fait cherche à optimiser les bénéfices qu’elle retire de la médiatisation des évènements eSportifs qu’elle organise. Il n’est point question dans leurs bureaux du développement de la scène StarCraft II en France, ni de rassasier l’appétit du public de petites structures nationales. L’ESL a depuis longtemps passé un accord avec Twitch.tv et même si Blizzard aurait bien aimé réussir à contourner ce problème, en laissant à l’ESL la responsabilité d’organiser les WCS, ils leur ont dans le même temps légué la propriété des droits de diffusion.
Le choix risqué de rendre cette polémique publique avec le lancement du #WCSenfrançais ne s’est finalement pas avéré payant. Jouer sur l’affectif n’a finalement pas convaincu l’ESL qui est resté bien droite dans ses positions et a fait valoir ses droits. Doit-on leur en vouloir ? Difficile à dire. D’un côté, le résultat est frustrant pour le public français. D’un autre, cela lui ouvre les yeux sur le fait que, comme dans tout sport compétitif les questions d’argent ne doivent pas seulement être prises en compte sous le seul prisme de la passion et que l’affectif et le droit ne parlent pas le même langage.
Le duo TKL-MakOz aux commentaires des WCS en français.
En 2015, qui diffusera les WCS, la compétition phare de StarCraft II ? Gaming Live s’est investie cette année quasiment bénévolement dessus. Seront-ils encore présent l’année prochaine ? Toujours est-il qu’avec le départ en masse des Coréens des WCS Amérique et Europe, il serait dommage qu’une telle compétition ne reçoive pas la médiatisation qu’elle mérite.
Il est temps de dire au revoir à cette intense saison 2014 française et d’espérer que la prochaine saison nous apporte autant de plaisir et d’émotions que cette dernière a pu nous en procurer.
Corto