World of Warcraft a 10 ans. Une décennie plus tard, il reste l'un des jeux PC les plus joués au monde, tandis que d'autres peinent à simplement démarrer. Quelle sorcellerie a utilisé le MMO de Blizzard pour gagner et conserver une telle popularité ?
Ce ne sont pas les hypothèses qui manquent. WoW est considéré par beaucoup comme un incontournable, et chacun y va de sa théorie pour expliquer le phénomène et en comprendre ses limites. Penchons-nous sur le cas de World of Warcraft et essayons d'éclairer les raisons de ce succès.
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La Foire aux extensions
On écartera d'entrée de jeu la foire aux extensions. C'est peut-être l'argument le plus répandu. Avec 5 extensions à son actif, beaucoup pensent que World of Warcraft est passé d'un simple MMO à l'incontournable que l'on connaît grâce à des mises à jour plus ou moins importantes.
Nombre d'abonnés (en millions de joueurs) | Evolution | |
Un mois après le lancement de WoW | 1,5 | - |
Au lancement de Burning Crusade | 8,5 | +7 |
Au lancement de WotLK | 11 | +2,5 |
Au lancement de Cataclysm | 12 | +1 |
Au lancement de MoP | 10 | -2 |
À la fin de MoP | 6,8 | -3,2 |
Au lancement de WoD | 10 | / |
Source : Statista |
En réalité, il faut savoir que le succès du jeu aujourd'hui, c'est d'abord son succès d'hier : avant que Burning Crusade ne sorte, le jeu possédait déjà les trois quarts de ses joueurs, soit 9 millions de personnes. Les extensions n'ont donc fait gagner à WoW "que" 3 millions d'inscrits.
D'autre part, aucune des extensions depuis Wrath of the Lich King n'a su enrayer le long déclin de WoW. Plus que de le transformer en succès grandissant, les extensions à répétition ont davantage créé le déclin, puisque aucune d'entre elles n'a su faire repartir le nombre d'abonnés à la hausse. Durant le trimestre qui suit une sortie, on observe certes une légère reprise, mais celle-ci est perdue dès les mois suivants. D'ailleurs, avant la sortie de Warlords of Draenor, celui-ci a enregistré, cette année, son plus bas niveau depuis 2006.
Une décennie, un âge vénérable pour un jeu vidéo
/dance avec les stars
Pour expliquer le succès d'aujourd'hui, il faut donc se tourner vers le passé. Une autre explication récurrente est le background de Warcraft. Warcraft, c'est d'abord l'histoire d'un monde nommé Azeroth. Mais cette histoire avait débuté bien avant WoW : de la guerre des Anciens à l'arrivée du Fléau, le lore de cet univers est narré dans des campagnes, des romans ou des bande-dessinées fort bien scénarisés, contant les pérégrinations de ce monde. Et bien sûr, World of Warcraft a prolongé cette narration.
Ainsi, d'aucuns affirmeraient que nombre de joueurs sont venus pour retrouver les personnages qu'ils avaient croisés dans Warcraft III. Avec le succès de DotA, certains croient que la franchise, encore aujourd'hui, continue d'expédier de nouveaux fans sur le MMO.
D'ailleurs, observons la situation aujourd'hui : Blizzard tente de refaire ce qu'il a fait en 2005, et que personne d'autre n'a réussi à utiliser pour créer un blockbuster. Il a considéré un genre propre à la communauté "geek", comme le trading card game, et il y a apposé sa licence. Ainsi est né Hearthstone. Et ça marche : le jeu de cartes survivra certainement au MMO dont il est inspiré, et permettra à son auteur de continuer à exploiter sa licence sacrée.
De la même façon, les joueurs la retrouvent dans Heroes of the Storm. Certains semblent penser que le jeu est juste un DotA pour les nuls, ce dont Blizzard s'est défendu. Mais du coup, quelle est la raison d'être du jeu, si ce n'est de continuer à exploiter la licence Warcraft ?
Mais il y a un bémol. Une licence, même de grande qualité, ne peut pas justifier à elle seule un tel engouement. À titre de comparaison, le jeu The Elder Scrolls : Online a enregistré un départ bien plus mitigé. Pourtant, son aîné direct, Skyrim, avait fait 7 millions de ventes dans les premières 48 heures de sa sortie, avait obtenu les meilleures notes dans tous les magazines et sites spécialisés, et a entraîné une communauté de joueurs et de moddeurs si importante qu'elle continue de vivre encore trois ans après. Une explication insuffisante, donc.
Arthas, un des héros emblématiques de Warcraft
Lancement pluvieux, lancement heureux
Continuons dans le passé. La situation du MMO aujourd'hui n'a rien à voir avec celle d'il y a 10 ans. Alors, WoW aurait-il bénéficié d'une période de lancement propice ? Il est vrai qu'au milieu des années 2000, le jeu en ligne est en plein essor, et il y a une carte à jouer. Faisons un petit historique du début des années 2000 à nos jours :
- Quatre années avant World of Warcraft, Dark Age of Camelot fait son lancement en 2001. Celui-ci est réussi, en partie grâce à une bonne communication : trois ans plus tard, ce site fait état de 250 000 joueurs actifs. C'est considéré comme un succès, alors que trois mois plus tard, WoW en totalisera 1 500 000... Comme quoi, Blizzard a permis de relativiser ce qu'est le succès d'un jeu.
- Concernant le premier Guild Wars, il est difficile d'estimer son score, mais on peut affirmer sans risques qu'il a été nettement inférieur à celui de WoW, malgré un jeu sans abonnement.
Pour le coup, le calendrier n'a pas aidé NCSoft : à quelques mois près, Guild Wars a directement suivi la sortie de WoW. "Premier arrivé, premier servi" ? Aujourd'hui, le second opus a tiré son épingle du jeu : il profite du background de son aîné, a apporté quantité de nouveautés tant au niveau des graphismes que du gameplay, ainsi qu'un véritable contenu. À suivre.
- RIFT aussi avait ses chances. Il propose une atmosphère propre, et est sorti en 2011, quand le MMO de Blizzard a amorcé son déclin. D'un autre côté, il propose depuis 2013 un mode free-to-play. Mais le jeu ne bénéficie pas du prestige des autres grands. Il reprend les codes des MMO en termes de contenus et son succès sans les réinventer, bien que réel, ça n'est pas suffisant.
- Les données sont les mêmes pour TERA, sorti la même année. Une nouvelle fois, le lancement est un succès, et lui aussi est passé au free-to-play en 2013, ce qui a amené, d'après GameSpot, le nombre de joueurs enregistrés à 1 400 000. Mais là encore, rien de révolutionnaire.
- Mythic a tenté sa chance avec la licence Warhammer. Le studio a tenté de créer un MMO, qui a fermé suite au non-renouvellement du contrat qui liait le studio à Games Workshop. Entre-temps, le MOBA Wrath of Heroes a lui aussi fermé ses portes en moins d'un an.
L'attente était là, et les fans de jeux de plateau auraient pu trouver une adaptation fidèle de leur univers, mais destiné à un public précis, le succès du jeu est à relativiser.
- Star Wars : The Old Republic avait tout pour plaire. Parmi les licences véritablement conséquentes, il est l'un des rares à avoir pu éviter l'heroic fantasy. En termes de background, il est issu de l'une des sagas cinématographiques les plus importantes de tous les temps. Et ce background avait déjà été préparé auparavant par un nombre incalculable de jeux solo, en particulier Knights of the Old Republic.
Pourtant, les millions de joueurs ne répondent pas présent. Dans l'ensemble, le lancement n'est pas réussi, en partie parce que BioWare voulait qu'il sorte absolument pour les fêtes de fin 2011. Et surtout, si le jeu avoisine dans un premier temps les 2 millions de joueurs, son contenu ne parvient pas à les conserver, et encore moins à attirer de nouveaux publics.
- Quant à Final Fantasy XIV : Comme d'autres jeux en ligne cités plus haut, il a dû subir une relance, dont même le nom symbolise bien que le MMO était en déchéance : A Realm Reborn ("La renaissance d'un royaume"). En 2012, Naoki Yoshida lui-même affirmait que le titre avait perdu nombre de joueurs. Et si ARR est lui aussi un succès, ses 2 millions de joueurs n'égalent en rien la légende dont il est question ici.
Alors, si le jeu était simplement sorti au bon moment ?
En fait, au moment où World of Warcraft sort, la scène MMO est loin d'être vide. EverQuest II et Lineage II font leur lancement, et Ultima Online propose une nouvelle extension. Mais on ne peut pas écarter cette explication, car il n'y a pas de nouvelle licence réellement pesante durant cette période. Du coup, il est probable que Blizzard ait répondu à un besoin de nouvelles têtes.
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