Avant 2011 et l'avènement de StarCraft II, les joueurs ne possédaient pas de lieux dédiés pour se retrouver et suivre leurs compétitions favorites. Il existait bien des cybercafés, mais ces derniers n'étaient pas équipés pour retransmettre convenablement les parties diffusées via le streaming. C'est donc le RTS de Blizzard ainsi que l'arrivée des retransmissions en direct qui ont permis la mise en place d'un nouveau phénomène qui aujourd'hui prend de l'ampleur, particulièrement dans l'hexagone. Originellement appelés « Barcraft » ces bars eSport ont pour la première fois fait leur apparition au printemps 2011 aux États-Unis. Une compétition en particulier aura marqué de son empreinte ce phénomène, la NASL. Aujourd'hui disparue des écrans radars suite à sa faillite, la North American Star League aura finalement été le premier événement international à bénéficier d'un lieu extérieur où les fans de jeux vidéo pouvaient se retrouver autour d'une boisson, alcoolisée ou non. Rapidement d'autres jeux emboitent le pas à StarCraft, ainsi le « Barfight » lié à Street Fighter voit le jour tout comme le « Pubstomps » sur DotA.
Les Barcrafts ont vu le jour aux États-Unis au printemps 2011
Si l'origine du phénomène cloisonnait chaque jeu dans un lieu précis, désormais les bars eSport regroupent tout ce qui peut se jouer avec une souris, une manette ou un stick. En se professionnalisant et en devenant un véritable business, le Barcraft s'est finalement développé en généralisant son offre en dehors du sport électronique trop réducteur. La France aura connu sa première ouverture de ce type en mai 2012 avec l'apparition du Meltdown. Ce qui n'était qu'un projet monté par une bande d'amis fans de jeux vidéo s'est aujourd'hui transformé en une franchise internationale rentable où le terme eSport est employé parfois plus que de raison. Outre les ouvertures dans les capitales européennes, aujourd'hui quatre Meltdown existent en France : un sur Paris, un à Lille, un suivant à Bordeaux, un autre ouvert cet été à Montpellier tandis que le dernier a vu le jour à Aix-en-Provence. En l'espace de seulement deux ans, la croissance est impressionnante et ne semble pas sur le point de fléchir pour l'instant. Mais la franchise Meltdown, même si elle domine notre pays, n'est pas la seule à avoir fait son apparition dans l'hexagone. D'autres lieux indépendants ont ouvert, notamment un sur Rennes appelé WarpZone et qui va prochainement pouvoir accueillir les joueurs bretons.
Alors que StarCraft II était l’élément déclencheur, désormais ce sont tous les jeux qui possèdent une place de choix dans ces lieux de détente. On y retrouve forcément des titres très axés eSport comme HearthStone, League of Legends, Counter-Strike: Global Offensive ou encore Street Fighter, mais d'autres hits plus « casual » ont également le droit de citer. Il n'est ainsi pas rare d'assister à des soirées spéciales avant le lancement d'un quelconque blockbuster comme cela a pu être le cas récemment sur Paris afin de célébrer la saga Resident Evil. Les bars eSport se veulent aussi être des vitrines technologiques proposant par exemple d'essayer en exclusivité l'Oculus Rift. Ainsi le principe même du bar eSport n'est pas de se concentrer exclusivement sur les compétitions, il touche plus généralement le jeu vidéo dans son ensemble ce qui permet du même coup de toucher une clientèle plus vaste. Quoi qu'il en soit le principe de base demeure inchangé, un bar avec des cocktails aux noms évocateurs de personnages vidéoludiques, quelques ordinateurs en libre service pour ceux qui le souhaitent et des écrans retransmettant en streaming des événements en particulier le tout agrémenté de musique.
Un verre avec Raynor et Tychus ?
Ainsi en l'espace de seulement trois années, le phénomène s'est trouvé ses propre codes diversifiant son offre et mettant en place un agenda hebdomadaire permettant de suivre les différents événements proposer. En cela le bar eSport s'est éloigné de son but premier qui était de rassembler les joueurs d'une même communauté autour d'un verre afin de commenter les matchs de leurs joueurs favoris, aujourd'hui vous ne pourrez par exemple pas assister à une MLG ou une DreamHack diffusée en direct depuis le bar. À l'heure actuelle vous ne pouvez par conséquent pas vous rendre à la volée n'importe où, mieux vaut vous assurer que la soirée proposée corresponde à vos attentes. Car chaque joueur intègre une communauté spécifique et, encore plus dans l'eSport, il est compliqué de faire cohabiter ensemble un fan de DotA 2 avec un de League of Legends, tout comme les joueurs Counter-Strike: Global Offensive et ceux de Call of Duty : Ghosts, alors quand vous ajoutez à cela les « casus » le mélange devient explosif. En revanche pour tout passionné de jeux vidéo en général, c'est l'endroit rêvé pour partager sa passion et profiter d'un lieu mélangeant tout ce qu'un public jeune recherche.
Tout comme les cybercafés jusqu'en 2010 qui étaient pour certains des quartiers généraux d'équipes qu'ils pouvaient même sponsoriser (CyberNation, XS Arena ou encore atLanteam), le bar eSport est également un lieu de rendez-vous privilégié pour certaines équipes ou joueurs originaires de la région. Mais là également il subsiste une différence. Si dans le cyber vous pouviez voir un champion venir s'entraîner de manière sérieuse, dans un bar eSport le jeu est avant tout un divertissement. Ainsi vous retrouverez régulièrement des champions amateurs ou professionnels dans ces bars, mais jamais ils ne seront là pour s'entraîner, certains peuvent même être directement sponsorisés par le lieu en question qui leur verse un salaire afin qu'ils viennent faire le show. De cette manière le champion 2011 de StarCraft II Ilyes « Stephano » Satouri ou bien encore celui de Ultra Street Fighter IV en 2014 Olivier « Luffy » Hay sont aujourd'hui soutenus financièrement par le Meltdown et ils organisent régulièrement des rendez-vous avec leurs fans via des tournois ou des événements spécifiques.
L'exemple du Meltdown Berlin : simple et épuré
Nous avons donc choisi de nous intéresser à ce phénomène particulier qu'est celui des bars eSport en partant à la rencontre de ceux qui se trouvent derrière le comptoir. Tous passionnés de sport électronique et de jeux vidéo, ils ont toutefois des motivations et des ambitions variées souhaitant faire chacun à leur manière évoluer l'eSport tout en n'oubliant pas d'en vivre. Car c'est aussi ça le développement des bars, c'est la mise en place d'un nouveau modèle économique viable qui permet d'allier sa passion à son métier. Car si auparavant vous pouviez tenir votre cybercafé et partager avec vos clients, la chute vertigineuse de ce secteur depuis la démocratisation des lignes à haut débit avait laissé un vide que les bars eSport se chargent de combler, lentement mais sûrement. Telles les grandes chaînes de cybercafés tels qu'atLanteam ou Milk, le Meltdown pourrait bien à son tour devenir une marque incontournable pour tous les joueurs.