La scène coréenne est l'une des plus populaires au monde, principalement car c'est là qu'on trouve les meilleurs joueurs de la planète, et par conséquent la compétition la plus relevée : la GSL. Pour autant, cela n'empêche pas cette scène nationale d'avoir de gros problèmes à gérer. Si vous suivez la scène StarCraft, vous avez sans doute noté la restructuration complète de l'équipe MVP, ou encore la presque dissolution de Incredible Miracle. Pourtant ce n'est pas la première fois qu'un tsunami dévaste le mercato coréen. Fin 2013, deux équipes historiques de StarCraft : Brood War ont ainsi disparu : Woongjin Stars et SouL.
Le problème sous-jacent dont souffre la scène coréenne - et que la plupart des autres pays lui envient ! - est celui de la surpopulation, causée par un afflux de nouveaux joueurs en 2012 et une modification des compétitions individuelles nationales. Cela a poussé de nombreux joueurs à soit prendre leur retraite, soit s'expatrier vers d'autres scènes plus accessibles.
L'état de la scène coréenne se répercute sur le reste du monde tant son influence est grande.
Pour mieux comprendre les tenants et aboutissants en jeu, il faut remonter à l'année 2010. La KeSPA - Korean eSport Association - est encore entièrement tournée vers le prédécesseur, Broodwar, et ne veut pas entendre parler d'un nouveau jeu, et ce d'autant plus que Blizzard souhaite garder une mainmise importante sur son nouvel opus, ce qui n'était pas le cas du précédent. Les joueurs coréens décidant de rejoindre StarCraft II ne peuvent donc ni rester ni entrer dans les équipes KeSPA et doivent en rejoindre d'autres : les équipes de la toute jeune eSF - eSport Federation. Cela fonctionne un temps, jusqu'à ce que la KeSPA finisse par rejoindre StarCraft II, en 2012. C'est le début d'un conflit qui va durer plusieurs mois entre la KeSPA et l'eSF, et qui donnera lieu au phénomène dont on mesure encore aujourd'hui les effets : une crise de surpopulation au sein de la scène coréenne.
La scène Coréenne est surpeuplée après la rencontre entre ces structures.
Les compétitions de jeu vidéo ont pris leur essor en Corée, puis dans le reste du monde avec l'évolution des moyens de diffusion. Des structures professionnelles se sont développées afin d'assurer la production et la retransmission d'événements de grande ampleur. De ce fait, les grandes fédérations se sont associées à des entreprises audiovisuelles qui se chargent d'assurer la diffusion des tournois. La principale associée de la KeSPA est l'OGN tandis que celle de l'eSF est GomTV. Chacune de ces structures organise donc sa propre compétition individuelle, l'OSL d'un côté et la GSL de l'autre.
Mettons de côté les conflits qui ont agité cet écosystème pendant l'ère BroodWar, l'ambition de cet article n'étant nullement d'être exhaustif sur l'histoire de l'eSport en Corée, et concentrons-nous sur StarCraft II. Le premier conflit qui s'est présenté a eu lieu pendant l'été 2012, alors que la KeSPA venait d'annoncer la transition de tous ses effectifs sur le deuxième opus de la saga. S'ensuit le refus de chaque structure de rejoindre la compétition individuelle de l'autre. Ce conflit a été résolu après d'âpres négociations et a, du coup, causé un afflux important de joueurs notamment au sein de la GSL et un peu au sein de l'OSL. Néanmoins, la cohabitation des compétitions s'est traduite par de nombreux conflits de planning et une prédominance de plus en plus marquée des joueurs KeSPA au sein de la GSL.
Blizzard n'est pas exempt de toute responsabilité dans cette situation (comme d'habitude).
L'étape suivante du conflit est marquée par l'arrivée d'une troisième entité dans le triangle organisationnel de la scène coréenne : Blizzard. Non, il ne s'agit pas de balance (#plzDavidKim), mais de la modification des WCS. La structure précédente était une qualification nationale puis continentale, menant à la BlizzCon. Le modèle qu'a imposé Blizzard est le modèle actuel avec des saisons donnant des points, les meilleurs joueurs accédant à la BlizzCon. En Corée, cela a causé une alternance de GSL et d'OSL en 2013. L'année 2014, elle, n'est plus constituée que de GSL. Cela a donc causé la disparition de la moitié des compétitions individuelles majeures en Corée. D'autre part, en 2012, la GSL comptait 5 saisons, il n'y en a plus que 3 désormais. En conséquence, le cash-prize distribué a considérablement diminué alors même que le nombre de joueurs avait doublé !
Comme de nombreux pros Coréens, July a décidé de prendre sa retraite pour pouvoir accomplir son service militaire obligatoire.
D'un certaine façon, les premières victimes de la réconciliation entre la KeSPA et l'eSF, forcée par l'entrée en scène de Blizzard, sont les joueurs. Si le conflit avait perduré ou s'était soldé par le dédoublement du nombre de compétitions, il est fort probable que plus de joueurs auraient pu rester en Corée et maintenir un niveau de vie décent. A contrario, des accords ont été trouvés et, avec le temps, les joueurs KeSPA se sont montrés mieux entraînés et plus solides dans l'ensemble que leurs confrères de l'eSF, l'histoire se soldant par la fermeture définitive de cette dernière en janvier 2014. La GSTL, compétition par équipes de l'eSF, ayant elle aussi cessé d'exister quelques mois auparavant, le nombre de compétition est d'autant réduit en Corée.
Cette situation difficile pour les joueurs a en effet un impact direct sur les équipes. Le nombre de sponsors et le gâteau publicitaire n'étant pas infini, un certain nombre d'équipes se sont trouvées en grave difficulté financière et ont dû fermer leurs portes. Du côté de l'eSF, ce fut la disparition de New Star Hoseo ou de FXO. Du côté de la KeSPA, celle de SouL et de Woongjin Stars. La fin de la GSTL, puis de l'eSF a contraint les équipes restante à rejoindre la KeSPA afin de participer à la Proleague. Un certain nombre de joueurs, voyant leurs opportunités de succès restreintes ou se retrouvant sans équipes n'ont eu d'autre choix que de prendre leur retraite. La pression est renforcée, par ailleurs, par l'obligation pour tous les jeunes hommes coréens de faire leur service militaire. D'autres ont fait le choix de rejoindre des équipes étrangères ; c'est le cas de notre Terran, ForGG, ex-vainqueur d'une MSL sur BroodWar, puis joueur notable de l'équipe oGs sur StarCraft II qui a fait le choix de rejoindre une équipe foreigner après la disparition de son équipe de cœur. Bien qu'étant précurseur, ForGG n'est pas un cas isolé et les étrangers réservent un excellent accueil aux Coréens, comme nous allons le voir page 2.