La position des carrys AD dans la méta est au centre de toutes les attentions, jusqu'à susciter des réponses de la part des porte-paroles de Riot Games. Avant de nous intéresser à ces clarifications bienvenues, nous ferons un rapide retour sur l'état du poste de carry AD, ses causes et ses conséquences.
Le carry AD, un poste qui a perdu ses repères
Si le poste de carry AD était le rôle principal de toute équipe de League of Legends lors de la saison 2, chaque semaine étant rythmée par de nouveaux clips de pentakills de Doublelift, le rôle a progressivement perdu de sa superbe pour laisser de la place aux autres postes. Sur le principe, c'est une bonne chose : il n'y a pas de raison qu'il n'y en ait que pour ces fanatiques du clic droit ! Malheureusement en voulant équilibrer les rapports de force dans la partie, c'est tout l'intérêt du gameplay des carrys AD qui est en train de leur être arraché.
Analysons les différentes étapes de cette métamorphose qui fait passer les carrys AD du poste de quaterback à celui de porteur de bouteilles d'eau. D'abord les causes de cette évolution :
- L'augmentation drastique de la mobilité des nouveaux champions sortis souvent accompagnée de puissants sorts de contrôles. Si le positionnement était plus facile à gérer auparavant, être à portée d'attaquer pour un carry AD implique maintenant d'être très probablement atteignable par les champions ennemis. Car la distance est une donnée relative au temps mis pour la traverser : comme la portée des champions n'a pas évolué, elle est relativement plus faible qu'avant au regard de l'augmentation de la mobilité
- Le rapport entre le coût des objets d'armure et des objets de dégâts physiques très faible. Si l'objectif était initialement de contrebalancer les coefficients multiplicateurs apportés par les coûts critiques et la vitesse d'attaque, le cumul de tous ces outils « anti carry AD » (présage de randuin, cœur gelé, cotte épineuse) et leurs coûts relativement faibles a rendu la tâche des carrys AD d'autant plus compliquée
- Encore une fois au sujet des objets, les chemins permettant d'arriver aux objets finaux des carrys AD sont difficiles à suivre, impliquant notamment d'acheter la sacro-sainte BF Glaive à 1550 d'or. Si par malheur le carry AD ne réussit pas son début de partie, phase dans laquelle il est le plus vulnérable, il devra se contenter d'objets non optimaux achetés avec les moyens du bord et il sera beaucoup plus difficile pour lui de revenir dans la partie que pour un autre poste (on peut aussi citer les assassins, qui ont cependant des objets plus flexibles
- Les nerfs répétés des champions sortant du lot. On citera récemment Lucian, Graves, Kalista et enfin Sivir
- Évolution de cette dite méta en faveur des toplaners au téléport, sanctionnant toute tentative d'agression sur la botlane)
Hecarim, un des derniers cauchemars en date des Carrys AD
Théoriquement, un carry AD bien dans sa partie peut encore apporter une grande quantité de dégâts. Cependant il faut prendre en compte plusieurs choses. D'abord pour l'amener à ce niveau, l'équipe doit jouer autour de lui et lui apporter les ressources nécessaires dans les premières phases de la partie. Il faut ensuite correctement le protéger, ce qui est de plus en plus difficile, voire impossible, dans certaines configurations – un flash suivi d'un knock-up signifiant généralement la mort de notre brave carry AD et la perte instantanée d'un investissement de trente minutes de jeu pour toute l'équipe. Enfin les dégâts du carry AD peuvent être contrôlés par l'équipe adverse en lui opposant un tank correctement équipé et difficile à contourner.
Nous voilà donc avec une classe qui est devenue un investissement de ressources peu rentable pour les équipes professionnelles, du moins dans son ancienne définition : celle du carry au sens propre du terme. S'adaptant à ce changement, les meilleures équipes tendent maintenant à investir plus de ressources dans leur toplaner tout en demandant à leur carry AD d'apporter quelque chose d'autre que leurs dégâts en teamfights. Mise à part les quelques champions « late game » (Kog'Maw, Jinx, Vayne...), les carrys AD sont maintenant sélectionnés en fonction de leurs atouts annexes comme le poke, la mobilité, le contrôle, ainsi que leur capacité à prendre les objectifs (tours comme monstres neutres).
Les principes du Carry AD
Quel problème me direz-vous ? Enfin une méta équilibrée, sans un tout-puissant carry AD ! Il n'est en fait pas question de puissance, mais plutôt de gameplay. Comme les supports de la saison 3 étaient cantonnés au rôle de « réservoir de balises ambulantes », les carrys AD sont maintenant chargés de faire les tâches ingrates, et certainement pas ce qui a fait apprécier ce poste à tant de joueurs. Ils n'ont plus la capacité de briller dans les combats - et surtout pas en early-game -, plus la capacité d'adopter un comportement agressif en lane, et sont maintenant voués au rôle de nettoyeur de team fights et de destructeurs de tours quand les plus chanceux vont jusqu'à envoyer quelques missiles avant les combats ou accélérer le reste de l'équipe. La différence entre l'impact d'un bon joueur et d'un joueur excellent à ce poste est très minime, et le mot « carry » n'est plus qu'une relique d'un passé où ce poste valorisait l'excellence des mécaniques de jeu.
Tout ça pour expliquer un peu mieux la grogne des joueurs, souvent moquée comme une énième plainte infondée envers Riot : il n'est pas seulement question ici d'équilibrage, mais surtout de l'expérience de jeu.