Editeur : Square Enix
Développeur : Crystal Dynamics
Plateforme : PC / PS3 / Xbox 360
Date de sortie : 5 mars 2013
La vie est un album photo dans lequel les souvenirs se compilent. Il y a de ces sensations anachroniques, celles que l'on vit par procurations en se projetant dans un souvenir, un moment mémorable que l'on essaie de rattraper dans un coin de la mémoire. On ressort les dossiers comme de vieilles cartes postales jaunies par le temps, sans qu'à aucun moment ils n'aient pris une ride. Quand l'Histoire rattrape Lara c'est uniquement pour nous rappeler qu'avant même sa naissance, elle existait déjà.
«Weird», vous dîtes vous. Et pourtant c'est cet angle d'approche que le nouveau Tomb Raider s'offre comme une coquetterie narrative. Le reboot de Tomb Raider, c'est un peu comme lire une lettre retrouvée dans le Titanic 100 ans après qu'il ait coulé. L'impression de mener l'enquête, de s'arrêter à un carrefour et de prendre un chemin inespéré pour faire une rencontre fortuite avec un parent éloigné.
Bizarrement en lançant le jeu, je me suis souvenu de « Smoke » le film de Wayne Wang, écrit par Paul Hoster. Il y a cette anecdote que raconte William Hurt entre deux clopes et trois cigares : l'histoire d'un homme, il y a de ça 25 ans qui était allé skier seul dans les Alpes. Après une avalanche son corps avait été englouti par la neige et n'avait jamais été retrouvé. À cette époque il avait un jeune fils. Les années passèrent et le jeune homme devint à son tour un skieur émérite. Un jour qu'il sillonnait la montagne, il s'arrêta près d'un rocher pour y déjeuner. Alors qu'il mangeait, là, juste sous ses pieds il découvrit un corps figé dans la glace. Il se baissa pour l'observer de plus près et se vit comme dans un miroir. Le corps avait parfaitement été conservé et semblait figé dans un temps parallèle, en le dévisageant, il eut une sensation étrange, puis il réalisa d'un seul coup qu'il regardait son père. La chose qui est étrange dans cette rencontre, c'est qu'à ce moment le père est plus jeune que le fils. L'enfant était devenu un homme et il était plus âgé que son père figé dans le cristal.
« Weird » bis. C'est pourtant cette sensation que j'ai ressentie et ce parallèle que mon cerveau s'est amusé à faire dès les premières minutes de jeu sur ce nouveau Tomb Raider. Un nouveau Tomb Raider qui chronologiquement est aussi le plus ancien de la série puisqu'il nous plonge dans le passé de Lara et ses débuts d'aventurière en herbe. Et dans le genre violent, elle sait y faire. L'occasion de cryogéniser ces instants que l'on espérait à peine, mais aussi une manière pour Crystal Dynamics de reprendre les rênes de la licence et de donner un nouvel alpha au jeu créé à la base par Core Design.
Pour ceux qui ont manqué le coche, il doit y en avoir, sachez qu'il n'est jamais trop tard pour vous replonger dans une des séries totem des années 90. Vous pouvez toujours prendre des cours par correspondance pour remonter le temps, chopper les anciens épisodes sur Steam ou si vous êtes possesseurs de PS3 vous replonger dans la compilation Tomb Raider Trilogy.
une compilation essentielle pour les die-hards de la franchise qui retrace en une galette les péripéties de la belle. Et ce Tomb Raider ? Eh bien c'est très simple, il rappelle beaucoup ce que l'on peut voir dans le milieu du cinéma américain. Ces films des années 80 qui sont réadaptés à la pelle sur les écrans. On modernise, on utilise les technologies du moment, les outils de l'époque, les angles et objectifs à la mode, on dépoussière le passé et on lance sur le marché. On vit l'ère de l'update et parfois, ça a du sens.
D'abord Tomb Raider s'offre un nouveau moteur pour le déhanchement de son héroïne. Il fallait au moins ça. Photogénique, Lara l'est restée, aucun doute. Et avec ce reboot l'aventurière signe un retour éclatant sur les écrans. Détails à profusion, effets de lumière saisissants, modélisations plus poussées, animations fluides, la composition a assez de classe pour immerger au premier regard. Il n'est pas question ici d'un simple portage mais bien d'un travail qui caractérise un nouveau départ, un nouveau souffle pour la série. On sent la volonté du studio de redonner de l'éclat à sa pierre précieuse.
Rythme haletant, cinématiques passagères, ambiance noire, Tomb Raider dévoile dès son intro son potentiel cinématique. Les scènes se découpent suivant des processus de mise en scène assez poussés. Les anachronismes et les flashbacks s'invitent épileptiquement dans la narration, court-circuitant le présent comme pour en doper l'intrigue. La mise en place, très écrite, fait la part belle à l'ambiance viscérale que le jeu veut mettre en avant.
Tomb Raider commence comme si vous preniez en route la série Lost en pleine montée de Die Hard, la drogue dure de l'inspecteur John Maclane. L'impression d'être tombé dans un traquenard entouré de dingues sur une île maudite en plein Triangle des Bermudes alors que votre navire s'est échoué. Les locaux vous courent après et apparemment ils ne sont pas là pour vous faire signer des autographes. Tout cela aurait pu être très folklo mais malheureusement entre temps vous vous êtes percés le flanc, fracassés la ganache sur le granite froid et humide de la grotte que vous parcourez déboussolés, sans avoir comment vous y avez atterri. L'environnement a tout du piège minéral qui ne vous loupera pas à la moindre glissade. Le tutoriel est bien maquillé et très vite on sait que le côté « Les vacances de Lara » des anciens épisodes, est bel et bien fini.
Niveau du gameplay, là aussi on sent que Crystal Dynamics réinterprète les codes du TPS pour accessoiriser Tomb Raider de tons et de teintes multiples. De l'institutionnelle QTE, à la séance de grimpette, Tomb Raider garde la bouille qu'on lui connaissait. Là où l'on sent par contre la volonté du jeu de se diversifier, c'est d'abord dans ces phases d'approches alternatives avec ce côté furtif et infiltration très en vogue dans le gamedesign des jeux de ces derniers mois. Lara pourra donc, féline, assassiner en silence, sillonner les tableaux pour attaquer ses proies de la meilleure manière qui soit et les finir, une flèche entre les deux yeux ou en brisant les nuques de ses douces mains. Une approche qui densifie tout le gameplay autour des affrontements que l'on pourra rencontrer en jeu et qui lui donne sensiblement une nouvelle profondeur.
Ce sentiment est enrichi par ces possibilités évolutives du personnage de Lara qui mêleront l'expérience que le joueur pourra acquérir en réalisant des actions spécifiques en jeu et la collecte de matériaux récupérés lors de l'exploration des niveaux. Ces derniers serviront à augmenter le potentiel des outils et armes (relativement nombreux) que Lara utilisera. Upgrader son arc par exemple pour une portée accrue ou son piolet pour une meilleure résistance singulariseront l'épopée de chaque joueur suivant leurs choix et l'orientation qu'ils veulent donner à leur aventure. Un système de capacités ou compétences usera de la même mécanique spéculative, dépenser les points d'expérience revêtira un intérêt certain selon les caractéristiques que l'on veut donner à son jeu. Vous pourrez même découvrir Lara en chasseresse, préparant sa tambouille au coin du feu comme une amazone dans son milieu naturel. Pittoresque. Entre survie et aventure, Tomb Raider dérive sous de nouveaux tropiques et le nouvel horizon qu'il semble promettre est intrigant.
D'exploration il est toujours question dans ce nouvel opus. Pour celles et ceux qui pensaient que Tomb Raider se limiterait à une succession de couloirs, nous avons été à moitié rassuré de voir qu'il existait de larges zones dans lesquelles on pouvait se balader, grimper, crapahuter en équilibre sur les façades et autres acrobaties qui font le sel d'un Tomb Raider. À moitié, car ce que tout puriste attend c'est évidemment toute une partie puzzle / plateforme, complexe et dense, avec ses mises en situations périlleuses, ses mécanismes gentiment barrés, ses pièges sortis d'un Indiana Jones sur le retour. Bref cette notion où le décor devient au moins un acteur aussi important que Lara en jeu. Cette interface qui fait que l'on calcule ses sauts, que l'on déchiffre le chemin à prendre à même la pierre, que l'on évalue le moyen le plus efficace pour avoir les meilleurs timings et ainsi faire tourner les rouages de la machine derrière les pièces que l'on parcourt. Bien sûr il existe toujours des puzzles, mais aucun qui n'ait pour l'instant atteint le génie du niveau grec : « La Folie Saint François » dans Tomb Raider Anniversary par exemple. Wait'n'see donc.
Belle comme un cœur, mais esquintée, Crystal Dynamics nous expose sa nouvelle vision de Lara Croft. Une vision uchronique, noire, et magnifiée par un moteur qui projette ses nouvelles promesses à l'écran. Bénéficiant d'une écriture et d'une mise en scène travaillées, le reboot de la série laisse bruire ses velléités de la plus éclatante des manières. Chahutée, mais plus dangereuse que jamais, Lara retrouve la piste de son exploration intérieure, à la recherche de ses origines. Un passé brouillé, au moins aussi trouble que les légendes que l'on prête au Triangle des Bermudes, sera-t-il suffisant pour faire du présent de la belle la rencontre séduisante de ce début d'année ? Maniabilité au poil, ambiance singulière, le jeu d'aventure se réinterprète, mais dans ses envies d'ailleurs il faut espérer qu'il n'a pas oublié ses racines. Le nouveau jeu de Square a tous les ingrédients pour accrocher les joueurs à leurs écrans, ne reste plus qu'à en prendre plein les rétines. Rendez-vous en mars 2013 pour la descente en rappel et on a envie de dire : vivement !