Démarrés en 2006, les jeux de la série Saints Rows ont mené le joueur du rang de simple newbie dans un gang, à celui de président des USA, voire même d'empereur galactique, avant de lancer des missions de sauvetage en enfer face à Satan lui-même. Ce reboot redémarre les choses à zéro, en nous permettant de découvrir les origines modestes du gang, ainsi que ses premiers pas en tant qu'empire du crime.
- Genre : Action-aventure, GTA-like
- Date de sortie : 23 août 2022
- Plateformes : PC, PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series
- Développeur : Deep Silver Volition, DS Fishlabs
- Éditeur : Plaion, Deep Silver
- Prix : 59,99 €
- Testé sur : PC via Epic Games
4 braquages et un enterrement
Comme les titres précédents, on peut créer librement son protagoniste : style vestimentaire, genre, physique, couleur de peau, et même la voix peuvent être paramétrés librement. Il a été entièrement doublé en anglais avec chacune des huit voix disponibles. L'histoire démarre avec une grosse fiesta organisée par les Saints dans leur base, afin de célébrer leur victoire complète, du moins c'est ce qu'ils croyaient, puisqu'on se retrouve aux portes de la mort, et enterré vivant. Plutôt que de nous demander de créer un nouveau protagoniste, Saints Row lance alors l'inévitable flash back de quelques mois, afin de nous inviter à découvrir ce qui a mené à ces événements.
Les débuts sont effectivement modestes pour les Saints, qui n'existent pas encore en tant que tels. À la place, ce sont quatre colocataires et amis, qui ont la particularité de tous être membres d'un gang différent de la ville de Santo Ileso. Quant au protagoniste, il fait office de vulgaire troufion sacrifiable pour Marshal, une multinationale du complexe militaro-industriel, qui est bien entendue dénuée de scrupules. Les dérapages s'enchaînent, et les colocataires décident d'utiliser leurs spécialités respectives afin de mettre sur pied leur propre organisation criminelle. Au grand dam de beaucoup, Johnny Gat n'est pas au rendez-vous, et on a davantage l'impression d'avoir affaire à un groupe d'universitaires sortis de The Big Bang Theory ou d'une autre sitcom gentillette, plutôt que d'une bande de criminels endurcis. Au moins, le protagoniste reste fidèle à l'esprit de la licence, surnommé le "boss", c'est toujours une grande gueule qui se décrit comme une machine à tuer de classe mondiale. Et les nombreuses scènes qui le mettent en scène n'ont effectivement rien à envier aux films d'action des années 80.
On peut compter sur lui pour abattre les ennemis des Saints le sourire aux lèvres, tout en lâchant quelques bons mots dignes d'un rôle de Schwarzenegger. Les exécutions en mêlée des ennemis sont d'ailleurs assez brutales et/ou humoristiques, même si on finit par s'en lasser. L'absence de la moindre goutte de sang et l'évaporation instantanée des cadavres montre que la brutalité est aussi superficielle que la majorité du jeu. Et ce n'est probablement pas pour une raison technique, puisque le jeu a été testé sur PC en ultra, et qu'il était parfois assez laid, avec des modèles et des textures pixelisés à l'occasion. C'est particulièrement notable lors des nombreuses activités aériennes, la dégradation des éléments importants du décor, comme les immeubles, est alors une source de distraction, puisqu'elle est accompagnée de nombreux éléments qui apparaissent soudainement, comme sortis de nulle part. On reste néanmoins sur une nette progression graphique par rapport aux titres Saints Row précédents, si cela peut vous rassurer, il vaut juste mieux éviter de le comparer à un AAA contemporain.
Not great, not terrible.
Les bases du jeu et du gameplay sont relativement inchangées depuis des années, ce sont les mêmes que dans les autres Saints Rows et Grand Theft Auto. Une vue à la 3e personne, on évolue dans une grande ville et dans ses alentours en monde ouvert, et on fait usage des armes et véhicules à disposition pour remplir des missions, ou se livrer à des activités diverses. De ce côté, Saints Row ne réinvente rien. Il introduit néanmoins différents systèmes de progression, avec des attributs passifs ou actifs à équiper et à utiliser lors des combats. Glisser une grenade dégoupillée dans le slip de son adversaire avant de le projeter sur ses petits copains n'est que la première d'entre elles, mais elle donne le ton. Saints Row possède ses propres règles, que ce soit par dessein ou par accident, cela frôle souvent le surnaturel. Ne nous demandez pas d’où vient la grenade. Ces compétences sont alimentées par le flux des points obtenus en tuant des ennemis.
On dispose aussi d'un vaste arsenal d'armes, allant de la simple hache au lance-roquettes anti-tank, sans oublier quelques inventions plus exotiques tout droit sorties d'une œuvre de science-fiction. Le tout peut être amélioré plusieurs fois en réalisant des mini-défis, ainsi qu'en payant de larges sommes. Il est dommage que les combats soient aussi superficiels, et qu'il soit au final possible de se limiter à une ou deux armes et deux compétences pour venir à bout de tous les combats et de toutes les situations. Tirer dans le tas en activant la super armure, puis exécuter des ennemis pour régénérer de la vie est plus que suffisant. Les combats en mêlée sont quant à eux assez frustrants, à cause, du système de ragdoll excessif, et aux collisions fantaisistes. Voir ses coups traverser l'ennemi et partout dans le vide est vite lassant. À défaut de briller par ses combats, Saints Row permet de jouer en duo avec un ami, ou d’appeler les autres membres des Saints en renfort après un coup de fil, ce qui permet de rendre les choses (encore) plus faciles, et plus fun. L'IA des ennemis est assez simplistes : ils canardent, font une petite esquive, et appellent des renforts.
En apparence, la ville Santo Ileso colle bien à la série, avec un mélange de modernité, d'éléments historiques et de décorations délirantes un peu partout. On dirait une ville dédiée à l'art contemporain, ce qui donne des éléments aussi insolites que variés. Il est dommage que son exploration ne soit pas très satisfaisante, puisque les développeurs sont tombés dans le piège de la facilité. On se retrouve donc avec des collectibles vus et revus, comme des palettes de drogue, ou des "quêtes cachées" marquées d'une icône, et qui consistent simplement à faire le tour d'un site touristique. Et alors que le jeu nous invite à grimper sur les bâtiments et les rochers pour trouver des secrets, c'est assez mal géré, et on ne peut grimper que sur certains éléments précis. On se contente alors de flotter bêtement avant de retomber au sol pour les autres. Ironiquement, le seul élément difficile de l'exploration consiste à trouver le seul élément dont vous avez besoin, les points de voyage rapide, puis à les prendre en photo à la bonne distance et avec le bon angle pour les débloquer. On se croirait presque dans Youtubers Life 2, brrr. Comme il faut aussi fouiller dans les poubelles ici, on peut y voir une tendance.
Heureusement, s'il y a bien une chose que Volition a réussie dans ce jeu, c'est la conduite des véhicules. Elle est bien arcade comme il se doit. Et c'est un véritable plaisir de zigzaguer en roulant comme un fou furieux à contresens sur l'autoroute, que ce soit à moto, en voiture, dans un tank, un bateau ou un hélico. Il y a aussi un VTOL, des véhicules anti-gravité et une wing suit pour varier les plaisirs. On peut sauter d'un véhicule en marche, voire de son hélico, et continuer de semer le chaos à grande échelle. Le moteur Havoc a été bien exploité, et une grande partie du mobilier urbain peut être démolie sans pitié, si on ferme les yeux sur les quelques poteaux indestructibles sans raison, sur lesquels vous allez vous écraser. Les impacts et la durabilité des véhicules sont aussi tout sauf réaliste. Quand vous êtes au volant, votre voiture est en béton armé, et dans le cas contraire, les véhicules ont l'air d'être pleins de nitroglycérine à l'effet thérapeutique pour votre carrosserie. Les voitures aussi peuvent être vampiriques dans cet univers. Volition est aussi parvenu à faire ce à quoi CD Projekt Red n'est toujours pas parvenu : programmer des poursuites motorisées. Pour une fois, tirer en conduisant est une option viable, voire nécessaire afin de survivre. Le passager (vous, le cas échéant), peut même se livrer à la cascade qui consiste à grimper sur le toit du véhicule en marche, afin de pouvoir ouvrir le feu librement avec n'importe quelle arme, et pas juste un pistolet ou une mitraillette, au prix d'une plus grande vulnérabilité.
L'empire du cringe
Comme mentionné plus haut, l'histoire est centrée sur la formation des Saints, avec les habituelles péripéties auxquelles il faut s'attendre dans un GTA-like. La petite équipe doit acquérir une base, du personnel, des fonds, etc. Une fois, ceci fait, le jeu entre dans sa seconde phase, avec la gestion de l'empire du crime. On pourrait décrire la suite comme un mélange d'activités diverses et d'Idle game. Le principe est un peu similaire à celui des propriétés de GTA, même s'il est développé autrement. Une carte de la ville présente une vingtaine de lieux sur lesquels installer librement des entreprises véreuses, en payant de votre poche, comme un garage, une fausse clinique, des nettoyeurs, et autres, qui vont vous rapporter de l'argent passivement au fil du temps, et qu'on peut simplement encaisser depuis son téléphone. Pour améliorer leur rentabilité, il faut éliminer des menaces dans chaque quartier, puis accomplir leurs missions, par exemple, ramener des véhicules sans les endommager, ou se faire percuter par des véhicules pour frauder l'assurance.
Être deux (ou plus) à mitrailler en roulant n'est pas du luxe, puisque des hordes de véhicules des différentes factions et de la police vont régulièrement vous poursuivre. Le flot presque infini d'adversaires qui tirent en roulant et qui ne vont pas hésiter à nous culbuter nous a souvent envoyé dans la baie de Santo Ileso. Le studio est tout de même allé un peu trop loin en permettant aux poursuivants de tricher. Conduire la supercar la plus rapide du jeu avec de la nitro en ligne droite et se faire doubler facilement par des fourgons et des camionnettes est déplaisant. Cela rend aussi certaines missions annexes quasiment impossibles à valider en solo. Espérons que cela sera corrigé, ou au moins amélioré dans un futur patch. Il faut aussi signaler que de très nombreux bugs ont été rencontrés durant le test, et il nous a souvent fallu faire usage du combo Alt + F4 pour parvenir à quitter le jeu et recharger la partie. Glitches graphiques, objectifs qui ne se valident pas, caméra qui part en balade dans le centre de la terre, défaite instantanée, on ne les compte plus. Une partie d'entre eux devrait être corrigée pour la sortie (du moins, on l'espère), mais il faut s'attendre à quelques semaines, voire quelques mois bien buggés.
Le résultat est assez variable, parfois, c'est amusant, et d'autres fois, beaucoup moins, surtout avec les bugs. On est forcé d'améliorer au maximum un certain nombre d'entreprises pour débloquer le palier suivant de l'empire, avec de nouvelles constructions, et surtout la suite de l'histoire. C'est aussi le seul moyen de rassembler les fonds pour construire les entreprises suivantes, ainsi que pour payer les meilleures améliorations d'arme, vu que les prix s'envolent. Il y a plein d'activités annexes qui ne sont pas liées aux bâtiments, comme les missions en wingsuit, ou des livraisons en temps limité, qui permettent de s'occuper pendant que l'argent rentre tout seul, mais il y a tout de même des moments où on est juste tenté de laisser le jeu tourner et d'AFK purement et simplement afin d'obtenir les fonds requis pour débloquer la suite. Heureusement que les musiques de la playlist sont très variées, avec du synthwave, du metal, et de la musique parmi d'autres styles, et généralement de bonne qualité, on retient facilement quelles sont ses stations préférées afin de les lancer dès qu'on carjack un véhicule, ou même à pied.
Globalement, Saints Row est un mélange très hétérogène, avec du bon et du moins bon. Quand les bugs ne s'en mêlent pas, les activités sont plutôt plaisantes, à défaut d’être très originales. Et même si notre quatuor de Saints est probablement trop gentillet et politiquement correct pour être réconcilié avec ses actions, on passe tout de même de bons moments à l'occasion. Certaines répliques parviennent à faire mouche, et quelques missions sont si absurdes qu'on ne peut s'empêcher de rire. Sans être particulièrement mémorable, le gameplay n'est pas non plus trop désagréable, on se laisse donc porter sans rechigner jusqu'à la fin de l'histoire. Comptez 15 à 25 heures pour finir la campagne principale, en fonction des activités annexes réalisées, et probablement dans les 30 à 50 heures pour le 100%, en fonction de votre niveau de jeu.
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