Alors que lors de son annonce en 2016, Oddworld: Soulstorm devait sortir en 2017, ce n'est finalement qu'en avril 2021 qu'il voit le jour, sans doute du fait d'ambitions et d'un budget revus à la hausse suite au succès de Oddworld: New'n'Tasty (2014). Rappelons que Oddworld Inhabitants a en effet entrepris de remettre un coup de polish aux deux jeux originaux de la célèbre licence. Après New'n'Tasty qui constitue un remake de Oddworld: L'Odyssée d'Abe (1997), place maintenant à celui de sa suite, L'Exode d'Abe (1998). Soulstorm reprend donc l'histoire du jeu de plateforme original et s'inspire de celui-ci pour nous proposer une nouvelle approche. Rappelons d'ailleurs que Soulstorm, le nom de la mystérieuse bière au cœur de l'aventure, était le nom de code de l'Odyssée d'Abe au cours de son développement. Directement proposé lors de son lancement sur le Playstation Plus à destination de la PS5, Oddworld Soulstorm est également disponible sur PC (Epic Games Store), PS4 et PS5. En attendant, en route pour la libération des opprimés et viva la revolución.
- Genre : plateforme
- Date de sortie : 6 avril 2021
- Plateforme : PC, PS5, PS4
- Développeur : Oddworld Inhabitants
- Éditeur : Oddworld Inhabitants
- Prix : 49,99€ disponible sur Amazon
- Testé sur : PC
Tous ensemble, tous ensemble, hey, hey
Si Soulstorm prend directement la suite de New'n'Tasty, c'est à bord d'un train que débute l'aventure. Alors que celui-ci est poursuivi par des Sligs volants, on retrouve Tobby et Alf aux commandes. Face à l'arrivée imminente de la fin de la ligne, les deux compères en panique s'en retournent bien sûr vers Abe, enfermé dans le compartiment voisin et apparemment hypnotisé par une forte source lumineuse. On revient alors 12 heures en arrière. Dans le désert de Mudos, un Mudokon blessé cherche désespérément Abe. Celui-ci se trouve non loin de là dans un refuge où lui et les siens fêtent la destruction de RuptureFarms et leur libération du joug des Glukkons, à grandes gorgées de bière verte Soulstorm. Tout semble se passer pour le mieux, mais la vieille shaman avec laquelle Abe s'entretient ne semble pas convaincue qu'il en soit ainsi. Et en effet, quelques minutes plus tard, le groupe de fugitifs Mudokon est pris d'assaut. Il n'y a alors pas d'autre choix que de fuir à travers les ruines.
Abe tombe alors sur le Mudokon qui le cherchait et celui-ci lui remet un objet apparemment précieux et lumineux, non sans lui avoir demandé auparavant de trouver la Gardienne et lui avoir garanti qu'il avait le pouvoir de tous les sauver. Abe se retrouve donc avec le destin de son peuple entre les mains et tous sont prêts à suivre celui qu'ils considèrent comme leur sauveur. Il ne lui reste donc plus qu'à se montrer à la hauteur en commençant par échapper au cartel de Magog et au dirigeable dans lequel se trouve Molluck, qui veut clairement la peau du petit bleu parmi les verts. Séparé de Alf, il doit ensuite traverser la vallée du Chagrin et le complexe minier pour rejoindre la station Phat et détourner un train. Il découvre alors que tous ses camarades sont malades pour une raison inconnue, mais va réussir grâce à leur aide à mettre au point un antidote pour les soigner. Dès lors, son objectif sera d'en sauver le plus grand nombre tout en ralliant Necrum, l'immense nécropole où les Mudokons enterrent leurs morts, afin de rencontrer la Gardienne et découvrir ce qui se trame là-bas.
Abe, un adepte de Twitter?
Soulstorm reprend bien le scénario général de L'Exode d'Abe, mais il s'en inspire seulement pour proposer sa propre version. Les trains, la mine, la brasserie SoulStorm sont toujours là, mais point d'esprits venant dévoiler quoi que ce soit à Abe ni lui octroyer des pouvoirs. On retrouve aussi les Mudokons malades, mais Abe les soigne cette fois-ci, sans toutefois connaître l'origine de leur mal par contre. Le titre prend donc quelques orientations différentes sans toutefois dévier de l'axe originel. Il se destine ainsi tout autant aux nouveaux venus qu'à ceux qui connaissent déjà les tenants et les aboutissants de l'histoire que nous nous garderons bien de dévoiler, même s'il est difficile de ne pas les connaître à l'heure actuelle. Parabole de la lutte des classes et du choc des civilisations, le titre sait faire preuve d'humour, souvent noir, à travers les réactions des Mudokons, qui ressortent comme à la fois simples et tendres. Comment résister à leurs grands yeux tristes d'esclaves? Ils sont si mignons avec leur allure dégingandée et leur look de Gollum, surtout une fois accroupis. L'univers du jeu et ses personnages attachants sont de surcroît particulièrement bien mis en valeur à travers de superbes cinématiques qui nous plongent clairement dans l'histoire.
Une fois en jeu, les graphismes sont bien entendu moins léchés, mais restent de très bonne facture, surtout en plans éloignés avec beaucoup de profondeur. De près, c'est un peu moins fin, mais cela reste tout à fait acceptable. Finis par contre les écrans 2D qui s'enchaînent par un balayage d'écran comme dans L'Exode d'Abe. Nous sommes en 2021 et nous avons droit à des niveaux sans coupure en 2.5D. L'image peut donc parfois tourner lorsque le personnage se déplace et tout s'enchaîne de manière fluide. Les animations sont également très soignées, du moins lorsque cela ne bug pas. Abe peut en effet parfois rester curieusement bloqué face à vous et se déplacer en crabe, quand il ne se coince pas dans un mur en vous obligeant à reprendre au dernier point de sauvegarde. Quelques finitions font malheureusement parfois défaut. Nous pourrions également citer des objets restant en lévitation, des followers qui se figent et refusent de vous suivre, des caisses qui n'explosent pas sous les tirs de missiles, ... Ce n'est jamais très grave et cela n'empêche pas de profiter du jeu, mais on peut difficilement passer à côté. La maniabilité, quant à elle, demande de la précision et de bien se positionner, mais ne constitue pas à nos yeux un véritable handicap. On peut toutefois s'interroger sur la capacité d'Abe à réaliser des doubles sauts avec possible changement de direction aérien qui ne plaira sans doute pas à tout le monde.
Notre reproche ira plutôt à l'encontre de l'IA. Les ennemis abandonnent vite les recherches, et même s'ils vous ont vu vous cacher, que ce soit dans un casier ou de la fumée par exemple, ils n'en tiendront pas compte et ne viendront pas vous chercher. Ils reprendront simplement leur train-train au bout d'un moment, comme si de rien n'était. Et les Mudokons ont beau ne pas être des flèches, un petit brin de jugeote aurait été agréable. Ils suivent aveuglément sans hésiter à se faire repérer par les ennemis ou à se jeter dans des pièges mortels, un peu comme des Lemmings. C'est le principe, nous direz-vous. Certes, mais c'est parfois vraiment rageant. Même s'ils nous donnent droit à des spectacles de morts bien gores, ce n'est pas une raison. Il faut donc bien réfléchir et doser le timing pour les faire passer. De plus, lorsqu'ils sont nombreux et qu'il faut traverser une zone dangereuse, mieux vaut les prendre un par un ou par petit groupe, ce qui oblige à répéter plusieurs fois le même parcours. Dispensable, surtout qu'en terme de répétitivité, nous avons aussi certaines propositions de gameplay qui nous sont parfois servies plusieurs fois dans un même niveau. Nous pouvons également rajouter ici des points de passage pouvant être placés juste avant une préparation précédant une étape difficile, si bien qu'en cas d'échec, vous devrez répéter tout le processus puisque vous recommencerez juste avant celle-ci. Les points de sauvegarde étant fréquents, il aurait peut-être été plus judicieux de laisser les joueurs sauvegarder quand bon leur semble.
Des Mudo quoi?
La partie sonore n'est pas non plus en reste. Si la musique sait rester discrète, elle participe aussi très bien à poser l'ambiance, notamment dans les moments un peu stressants. Quand aux voix, elles sont juste délectables. Cette façon de parler des Mudokons leur correspond vraiment bien et aide encore une fois à leur donner du charme. Par contre, oubliez la version française de L'Exode d'Abe, seule la VO est disponible. Et les sous-titres sont loin d'être au point. Non seulement les espaces entre les mots ont parfois été omis, mais tout n'est pas traduit, dommage. De par sa conception, le jeu est inévitablement très linéaire, mais il regorge également de chemins de traverse dans lesquels s'aventurer. Il vous encourage même à le faire, puisque parmi les divers défis proposés dans chaque niveau, comme piller un maximum de choses, trouver les aides cachées (gelée royale), ou encore détruire le plus d'objets possibles, se trouve la découverte de zones secrètes. Et certaines sont particulièrement bien dissimulées. Non seulement celles-ci permettent de remplir un objectif, mais elles contiennent aussi des éléments intéressants comme des objets ou même des Mudokons à sauver. Rappelons que le but est avant tout de faire échapper le plus grand nombre d'entre eux à leur funeste sort.
Comme dans L'Exode d'Abe, il faut amener ceux-ci vers un portail aux oiseaux pour les mettre en sécurité. En revanche, s'il y en avait 300 à sauver en 1998, ce sont plus de 1300 qui comptent sur nous ici. De même, 4 fins différentes nous attendent toujours, en fonction du nombre que l'on parvient à tirer d'affaire dans chaque niveau. Le but est d'amener 80% d'entre eux vers la sortie. Si vous atteignez ce chiffre dans moins de 7 niveaux des 15 que compte le jeu, vous aurez alors droit à la pire fin. Entre 7 et 11, ce sera la mauvaise fin, et ce n'est qu'à partir de 12 que vous accéderez à la bonne fin. Dès lors, deux niveaux supplémentaires vous seront accessibles et il vous faudra libérer au moins 80% de vos camarades dans les 17 niveaux pour pouvoir voir la fin finale. Heureusement, chacun peut être rejoué pour améliorer son résultat, sans pour autant affecter la progression. Faute de sauvegarde, il faut donc le terminer en un seul jet pour valider le nouveau résultat. Et le titre présentant quelques passages délicats qu'il peut être difficile à franchir, mieux vaut donc prévoir un temps suffisant pour y parvenir. La durée de vie du soft peut être estimée à une vingtaine d'heures, mais cela peut vite être bien plus important si vous rencontrez des difficultés, le titre ne laisse en effet que peu de place à l'erreur. De plus, si l'adresse est nécessaire pour l'aspect arcade et le timing primordial pour l'infiltration, il prend aussi parfois l'aspect d'un puzzle game.
Compte tenu des différents objets que vous débloquez petit à petit, différents axes d'approche sont en effet envisageables, encore faut-il donc trouver le bon. L'envoûtement d'Abe que l'on retrouve ici tout d'abord pour ouvrir les verrous à Chi, est par exemple un bon moyen de repérer les lieux par avance en déplaçant l'orbe de Chi qui permet de surcroît d'illuminer les zones sombres. Prendre possession des Sligs pour ouvrir des portes, les faire s'entretuer ou simplement exploser est bien pratique pour dégager le passage. Cela peut aussi être le seul moyen d'accéder à certaines zones, notamment grâce aux Sligs volants. Mais la présence de suppresseurs d'envoûtement limite intelligemment son usage et vous oblige donc souvent à trouver une autre solution. Le gameplay varie aussi régulièrement avec l'arrivée de nouveaux objets à défaut de nouveaux pouvoirs octroyés par les esprits. Le système d'artisanat mis en place ici permet à Abe de fabriquer et de personnaliser différentes armes apportant chacune des avantages (balles rebondissantes, fumigènes, mines étourdissantes, ...). Pour cela, il doit combiner des objets récupérés sur les ennemis ou en fouillant poubelles, bennes, casiers, ... Certains distributeurs automatiques en proposent aussi, parfois gratuitement, parfois contre de la Moolah, l'argent du jeu. Les armes peuvent également être confiées aux suiveurs pour qu'ils vous apportent leur soutien. Mais même avec cette assistance, le concept du die and retry reste central.