Annoncé il y a peu, Astral Chain est le nouveau cadeau de Platinum Games à la Nintendo Switch. Mêlant enquêtes policières et combats à l'aide de chimères, nous allons voir que le premier gros projet de Takahisa Taura n'est pas exempt de tout reproche, malgré un concept au potentiel énorme.
- Genre : Beat them all
- Date de sortie : 30/08/2019
- Plateforme : Nintendo Switch
- Développeur : Platinum Games
- Éditeur : Nintendo
- Prix : 49,99€ (disponible sur Amazon)
- Testé sur : Nintendo Switch
Chaine cryptée
Nouvelle licence originale provenant de l'écurie Platinum Games, Astral Chain propose aux mordus de beat them all d'intégrer les forces spéciales de l'Arche, sorte de ville futuriste et accessoirement dernier rempart de l'humanité face à une menace qui ne cesse de croitre. Les habitants du coin doivent en effet composer avec l'assaut des chimères, des créatures sans pitié sortant d'une dimension parallèle. Jeune recrue du N.E.U.R.O.N., l'unité de police dédiée à l'éradication des monstres, vous allez donc devoir apprendre à faire régner la loi à grands coups de matraque 2.0 tout en prenant soin de vos légions, des chimères capturées par les forces de police afin de contrer la puissance des forces ennemies.
Découpé en une douzaine de chapitres, Astral Chain propose un scénario "shônen" tout ce qu'il y a de plus classique, avec une montée en puissance constante pour aboutir à un final aux proportions cataclysmiques. Du déjà vu donc, et avec quelques petits rebondissements qui valent tout de même le détour, l'ensemble pèche surtout par une écriture qui laisse quelque peu à désirer. Ça n'est évidemment pas ce que l'on va aller chercher dans un titre Platinum, cependant le titre s'efforce de vous coller son lore sous le nez, certains débuts de chapitre nécessitant même la lecture des rapports de votre PC avant de pouvoir passer au concret. L'idée derrière Astral Chain a pourtant le mérite d'être original : derrière votre statut d'unique espoir de l'humanité, vous vivrez également la vie d'un agent de la paix, chaque dossier, ou acte du jeu, débutant au commissariat, à une ou deux exceptions près.
Le quartier général du N.E.U.R.O.N. fourmille de PNJ qui ne rêvent que de deux choses : la première, vous raconter leur vie, la seconde, vous demander des "petits services" qui sont autant de quêtes secondaires très superficielles, mais nous aurons l'occasion de revenir sur ce point spécifique. Même si donner un peu de vie au comico partait d'une bonne intention, là encore, la faiblesse de l'écriture et l'intérêt dérisoire de ces à-côté les rend bien peu convaincants. Il y a en fait un gros problème dans la structure même d'Astral Chain : d'un côté, le jeu tente de nous vendre un monde impitoyable dans lequel le sentiment d'urgence est omniprésent, de l'autre, vous devrez remonter le moral de vos collègues déguisé un chien en peluche. Les Yakuza réussissent très bien ce grand-écart périlleux entre humour absurde et scénario premier degré, malheureusement, Astral Chain ne réussit pas à trouver cet équilibre pour un récit finalement couru d'avance.
Si nous prenons le temps d'insister sur le scénario d'un beat them all, c'est tout simplement parce que la promesse derrière ce nouveau Platinum était de mêler grosses bagarres et phases d'enquête dans un univers futuriste. Ce dernier répond bien présent, mais la façon dont il a été exploité loupe clairement le coche. On aurait pu se dire que la mise en scène made in PG corrigerait quelque peu les choses, mais même sur ce point précis, AC déçoit. Les cutscenes épiques se comptent sur une main, tandis que chaque phase de dialogue donne lieu à un ballet d'animations raides comme la justice. Enfin, il est à souligner que des échanges importants entre les personnages ont lieu directement en plein combat, il est alors très facile d'être déconcentré lors des combats les plus ardus du jeu. Attention tout n'est pas à jeter, loin de là, seulement les quelques moments de grâce du jeu n'arrivent pas à effacer les nombreux boulets auxquels le titre est enchainé.
Astral pain
Comme nous le mentionnions plus haut, AC fait le pari de mêler phases d'enquêtes et combats dynamiques. Entre deux arènes remplies de monstres, votre avatar aura donc l'occasion d'aider la veuve et l'orphelin de nombreuses manières, toujours par l'intermédiaire de petits objectifs secondaires : filer un suspect, fermer des portails chimériques, ramener une glace à un enfant... Les objectifs sont très variés et font parfois davantage penser à une collection de mini-jeux qu'à de véritables missions. Le hic, c'est qu'elles sont tout sauf subsidiaires pour qui convoite la note S+ pour un chapitre, soit la récompense ultime pour les amateurs de BTA : si vous les mettez de côté, elles n'apparaitront pas dans le bilan en fin de chapitre, vous pourrez alors dire adieu au score parfait que vous convoitiez.
Là encore, le jeu est tiraillé entre cette envie de nous faire vivre une aventure menée tambour battant et celle de nous détailler l'Arche et les préoccupations de ses occupants. Les fameuses phases d'enquête ne consistent finalement qu'en une série d'actions qui deviennent rapidement redondante, même si le jeu prend le temps d'intégrer les Légions et leur pouvoir dans la première partie du jeu. Ces annexes seront au moins l'occasion de récupérer les ressources nécessaires à l'amélioration de votre équipement, il est donc désormais temps d'aborder le meilleur argument de vente d'Astral Chain, ses 5 légions.
Chacune d'entre elles propose un style de combat et des compétences de terrain différentes : par exemple, la légion Bête sera parfaite pour dénicher des trésors ou des ennemis planqués sous terre, tandis que la légion Poing sera capable de soulever d'énormes obstacles. Cette complémentarité entre les 5 chimères donne une belle profondeur au gameplay des combats et leur personnalisation est suffisamment complète pour passer un peu de temps dans les menus afin d'obtenir de vrais moissonneurs de chimères. En plus d'un petit arbre de talent, chaque monstre dispose de deux emplacements pour des compétences actives et d'un set de passif qui va évoluer en même temps que vos familiers.
Votre équipement de gardien de la paix pourra lui aussi être amélioré, mais augmenter le niveau de votre matraque ou de votre bracelet de Legionis demandera de nombreuses ressources collectées sur le terrain, ainsi qu'une partie de votre salaire, lui-même déterminé par votre rang d'agent. Malgré une interface qui manque parfois de clarté, le côté customization du gameplay d'Astral Chain fonctionne vraiment bien. Pour ajouter une dernière petite couche A-RPG à leur jeu, P* Games a également intégré de nombreux types de consommables permettant d'augmenter les statistiques de votre personnage pendant un court moment : en difficulté "Platinum normal" (de base, le jeu débute en "facile"), il sera parfois nécessaire d'avoir recours à ces bonus, Astral Chain n'hésitant pas à vous balancer des boss redoutables à la chaîne en bout de parcours.
Quand vient l'heure de prendre les armes, les agents du Neuron brandissent leur chaine astrale et la légion qui y est rattachée. Les combats d'AC se font donc en gérant deux personnages à la fois : vos chimères ne peuvent pas rester indéfiniment sur le terrain, il faudra donc veiller sur leur jauge de santé pour éviter de se prendre un long cooldown conditionnant leur réapparition. En plein action, le nombre d'options offertes au joueur donne le tournis : il est possible de changer le mode de son arme, d'utiliser la chaine pour entraver les ennemis ou stopper leur charge, ce à quoi viennent s'ajouter les spécificités de chaque Legion. Clairement, Astral Chain ne va pas se laisser dompter facilement et il vous faudra probablement quelques heures pour vous accoutumer avec son nombre important de commandes et les informations qui explosent en permanence à l'écran.
En progressant, vos alliés gagneront de nouvelles manières de se synchroniser à vos assauts d'agent, ajoutant encore de nouvelles possibilités de combos. En difficulté Platinum normal, le jeu offre un challenge plutôt relevé, mais il n'y a pas que la difficulté des combats qui va se poser en obstacle à la progression de votre enquête. AC est un beat them all bien capricieux et les nombreux problèmes de caméra ou de ciblage ont eu raison de notre patience à de nombreuses reprises. La décharge d'effets visuels finit de plomber la lisibilité de rixes pourtant jouissives une fois ses subtilités assimilées. Le level design est également la cause de bien des déconvenues : vu la place que votre héros et sa Legion prennent à l'écran, les affrontements dans des arènes exigus deviennent vite infernaux, allant même jusqu'à provoquer des morts injustes.
Entre ces rencontres mouvementées, le joueur est invité à compléter les enquêtes secondaires mentionnées plus haut, ou à explorer l'un des nombreux portails chimériques de l'Arche. Dans cet espace, le jeu propose des phases de plate-forme ou des énigmes, toujours très basiques, mettant à contribution les pouvoirs des Légions. Censées varier un peu les situations de jeu, ces dernières sont trop simples et les mécaniques de plates-formes bien trop hasardeuses pour que cela puisse renouveler l'intérêt du jeu en dehors des combats. AC s'échine également à proposer des phases de jeu originales comme de l'infiltration ou des séquences timées, toujours avec la même approximation dans le gameplay, rendant ces passages plus frustrants qu'autre chose.
Un dernier point dessert également le plaisir de jeu et c'est peu dire : le recyclage systématique de zones et de boss. Si le bestiaire est varié et plutôt réussi, chaque terrain sera réutilisé au moins deux fois au cours du scénario, trois fois pour certains. Une petite déception quand on espérait pouvoir exercer nos fonctions dans un monde aux zones interconnectées : chaque chapitre ne propose finalement qu'un périmètre restreint, élargi ensuite avec de nouvelles portions du monde chimérique. Là encore, le potentiel est indéniable et l'Arche donne vraiment envie d'être explorer, mais P* nous en ferme les portes pour nous confiner dans 5 pâtés de maison.
Cel chiadé
S'il y a quelque chose qu'on ne peut pas retirer à Astral Chain, c'est sa direction artistique sublime mêlant cel shading et 3D plus classique, pour un résultat qui explose à l'écran. Un rendu qui ses revers, puisque le framerate, déjà calé à 30fps, tombe régulièrement sous les 20fps lors des situations les plus chargées. En mode nomade, la surcharge visuelle vous fera définitivement perdre tout espoir de comprendre ce qu'il se passe à l'écran dès que la console affiche plus de 3 ennemis simultanément.
Nous en parlions en début de test, la mise en scène du jeu n'aide pas franchement sa patte graphique unique à briller : tout est trop raide, le lipsync est quasiment inexistant et le character design laisse à désirer. Il faut en effet bien avouer que les différents protagonistes de l'histoire ne sont pas tous logés à la même enseigne, pour un casting sans véritable identité, à l'image de votre avatar muet, qu'il est possible de personnaliser en début de partie. Même constat côté bande-son, avec des pistes électro plutôt génériques, malgré quelques compositions qui réussissent à tirer leur épingle du jeu.
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