Ancestors : The Humankind Odyssey est le nouveau jeu de Patrice Désilets, le créateur de jeu vidéo québécois à qui l'on doit notamment Prince of Persia : Les Sables du Temps et le premier Assassin's Creed, deux jeux majeurs dans la carrière d'Ubisoft. Après ses bons et loyaux services dans l'entreprise française, il est remercié par Ubisoft en 2010 et va voir du côté de THQ Montréal, avant qu'ils soient rachetés par Ubisoft (la vie est une ironie). Mais en 2013, il est de nouveau reconduit à la sortie par M. Guillemot et monte Panache Digital Games afin de travailler toutes ces années sur son nouveau bébé, qui a de l'ambition, il faut le dire, et qui sort enfin.
- Genre : Aventure, plateforme, exploration
- Date de sortie : 27 août 2019 sur PC (en décembre sur PS4 et Xbox One)
- Plateforme : PC, PS4, Xbox One
- Développeur : Panache Digital Games
- Éditeur : Private Division
- Prix : 39,99€
- Testé sur : PC
Désilets, on était tous les deux destinés
Ancestors nous place dix millions d'années avant notre ère en Afrique, alors que ce qui se rapproche le plus de l'humain tel qu'on le connaît est un hominidé très poilu avec de grands bras équipés de mains aux pouces opposables, qui court sur ses quatre pattes. L'évolution entame un nouveau chapitre qui durera plusieurs millions d'années et vous avez un rôle important à y jouer, du moins sur votre lignée. Dès le début, Ancestors vous place dans le contexte et vous explique que l'évolution n'est pas inscrite dans le marbre et ne dépend que de vous, et surtout, que vous ne serez absolument pas aidé pendant votre odyssée (ponctuant le tout d'un "bonne chance" peu rassurant). Bien entendu, si vous choisissez l'affichage du tutoriel, vous ne serez pas non plus jeté en pâture au milieu d'un processus qui s'annonce complexe, cependant les aides sont assez minimes : pas de missions définies par un repère, pas de carte globale, un simple journal d'objectif vague pendant le tutoriel.
On comprend que chaque touche de notre manette répond à nos sens : une touche fait appel à notre intelligence à partir de ce qu'on voit (et mémorise un point d'intérêt), l'autre nous permet de nous servir de notre odorat, une troisième utilise nos oreilles et enfin la dernière qui servira d'action particulière (comme courir, sauter et ramasser des choses). Ceci est la base même d'Ancestors (tout se complexifiera avec le temps) et à partir de ça, vous devrez apprendre, explorer, découvrir, tester, afin que votre hominidé évolue, apprenne à être plus efficace et à comprendre le monde qui l'entoure. Le jeu met un point d'honneur à implanter la transmission de génération en génération, avec un besoin d'avoir des enfants accrochés à nous pendant nos différentes escapades. Vous développerez votre dextérité, vos sens, votre intelligence etc. et l'enfant servira de catalyseur neuronal. C'est la branche RPG qui se greffe au gameplay : tout ceci est cristallisé dans une jauge sphérique qui se remplit à chaque nouvelle découverte, des simples propriétés médicinales d'un fruit à votre faculté de vous servir d'une branche comme d'une arme. Ensuite, il ne vous restera plus qu'à accéder à l'interface d'évolution en allant vous reposer sur votre paillasse.
Cette interface se divise en trois onglets (correspondant à trois échelles différentes). Le premier, Neuronal, se concentrera sur votre hominidé actuel : vous pourrez dépenser votre essence dans des nœuds qui débloqueront certaines fonctions (parfois ultra-basiques, comme faire passer un objet d'une main à l'autre) et en amélioreront d'autres. Vient ensuite l'onglet Génération, qui est bien plus global et vous permettra de "bloquer" certains nœuds pour que la prochaine génération garde ses capacités, toutes les autres seront déjà débloquées mais devront de nouveau être raccordées. Une fois vos nœuds choisis, vous pourrez faire s'écouler quinze ans, ce qui permettra aux enfants de devenir adultes, aux adultes de devenir des anciens et aux anciens de mourir.
D'ailleurs, certains enfants auront des prédispositions naturelles dans un nœud particulier qui se développera une fois adultes, ce qui permettra aux générations futures d'avoir une capacité de manière constante et dès la naissance (le principe de l'évolution même). Et enfin, l'onglet Evolution permettra de faire un bond gigantesque dans le temps en fonction de toutes vos évolutions passées. Il prendra en compte vos naissances, vos morts, si vous vous êtes servis d'outils particuliers, vos découvertes etc. Si certaines évolutions sont en avance sur leur temps par rapport aux relevés scientifiques, vous gagnerez alors des années bonus, le but étant, à la fin du décompte, d'aller le plus loin dans la frise chronologique. Une fois ceci fait, vous vous retrouverez de nouveau avec votre clan, explorant cette nouvelle terre mais un million d'années plus tard : le terrain de jeu a évolué (la jungle va progressivement devenir un désert), lui aussi, et vous devrez refaire un tour du propriétaire pour découvrir et apprendre de nouvelles choses.
Darwin Reward
Ce n'est pas chose aisée de jouer à Ancestors, même en mettant de côté le maigre tutoriel. En effet, le jeu et le joueur évoluent en même temps que leur avatar, ce qui rend la première approche plus qu'étrange, voire agaçante. On se demande bien pourquoi on ne peut pas jeter cet objet en courant, avant de se rendre compte que c'est tout bêtement quelque chose à débloquer. Au même titre qu'un Evoland qui faisait progresser le gameplay à travers les âges du jeu vidéo, ici c'est à travers l'évolution que notre gameplay sera plus fluide et plus complet, et il faudra un bon nombre d'heures de jeu avant tout ça. Certaines parties pourront même être assez redondantes, tant la boucle de gameplay pourra rapidement se répéter pour évoluer. Cependant, Ancestors compte sur son public pour jouer le jeu au maximum et passer son temps à expérimenter en continu, et il a plus d'un tour dans son sac. Vous pouvez contrôler n'importe quel hominidé de votre clan en deux touches, et ainsi créer des liens sociaux entre chaque membre afin de former des couples. Évidemment, il y a dix millions d'années, il n'avait pas de conventions sociales, une petite toilette suffit pour draguer un homologue et commencer à se reproduire si la femelle est fertile (à noter que vous pouvez vous accoupler entre mâles, mais ça n'aidera pas trop votre lignée à s'agrandir).
Votre clan pourra aussi vous suivre, vous retrouvant avec une petite troupe qui essayera tant bien que mal de tenir la distance, dans le seul but de migrer vers un refuge plus avancé ou plus à l'abri des prédateurs. Sur votre chemin, vous pourrez même tomber sur des petits camarades en devenir, qui ont besoin d'aide (à manger, à boire, être rassuré etc.), ce sera à vous d'identifier leurs problèmes afin qu'ils puissent agrandir les rangs de votre clan. Certains pourront se blesser pendant votre expédition, il faudra s'en occuper en leur trouvant des remèdes et les protéger du mieux que vous pouvez des différents dangers si vous ne voulez pas voir votre compteur de morts grimper en flèche. Cependant, avant de pouvoir déménager, vous devrez passer quelques zones de peur, des endroits où vous ne connaissez rien, où l'affichage sera sombre et effrayant, des bruits retentiront de partout pour effacer vos repères et vous risquerez de finir en panique si votre jauge de dopamine tombe à zéro. Celle-ci se vide petit à petit mais se remplit en identifiant ce qui se trouve autour de vous, jusqu'à que vous soyez suffisamment rassuré pour pouvoir lutter contre votre peur et débloquer la zone. On vous conseille de faire ça tout seul avant d'emmener votre clan dans un coin particulier, c'est un coup à ce qu'il finisse en quatre heures pour prédateur.
Vous l'aurez compris, Ancestors est une véritable simulation de l'évolution, une bête colossale qui peut rapidement dégénérer si elle n'est pas encadrée, notamment grâce à des mécaniques de gameplay empruntés aux jeux d'exploration, aux jeux de plateformes et aux Rogue-Lite. Tout ceci demande pas mal de travail et de temps, c'est sûrement l'une des raisons pour lesquelles, malheureusement, le jeu pèche techniquement. Il n'est pas non plus hideux, mais le tout manque cruellement de peaufinage, avec des ombres assez grossières, des textures plutôt baveuses, de la modélisation qui manque de raffinement, une distance d'affichage plutôt ridicule etc. Seuls quelques moments de grâce donneront des panoramas satisfaisants et un petit cachet au jeu, remercions la faculté de notre primate de pouvoir grimper absolument partout avec une aisance incroyable, évitant au jeu de nous coltiner des forêts denses et humides au profit des sommets des arbres. Chaque avancée, chaque effort sera en plus ponctué d'une musique de bonne facture, qui alterne entre envolées classiques, minimalisme et percussions tribales. Le sound design joue d'ailleurs un rôle important dans le gameplay : plusieurs interactions demandent un timing dont le temps exact sera défini par un petit son, que ce soit pour tailler une branche, esquiver une attaque ou soulever une grosse pierre.
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