Cela ne pouvait être autrement. C'est par un énième bras d'honneur à une communauté qui l'aime autant qu'elle le déteste que NaNiwa a mis en pause sa carrière. Sur la plus grande scène jamais construite pour un tournoi de StarCraft II. Devant le public le plus nombreux jamais vu pour un tournoi de SC2. Comme il se devait.
La sortie de piste de NaNiwa symbolise à elle seule les quatre années tumultueuses du Suédois sur le RTS de Blizzard. La date en elle-même représente toutes les contradictions qui ont émaillé ses quatre ans de carrière. Ce vendredi 14 mars marquait en effet le 24e anniversaire de Johan Lucchesi qui avait fêté deux jours plus tôt sa première année passée sous les couleurs d'Alliance, sa neuvième équipe et celle dans laquelle il est resté le plus longtemps. Une date supposément joyeuse donc, pour qui se serait retrouvé dans pareille situation. Seulement voilà, NaNiwa n'est pas le commun des mortels. Et c'est donc deux jours après avoir pré-annoncé son break sur TeamLiquid qu'il a choisi, prétextant un problème d'insonorisation des cabines des IEM World, de tout envoyer valser, délivrant ainsi définitivement le message qu'il souhaitait transmettre depuis quatre ans à la communauté StarCraft II : « Je ne vous dois rien. »
NaNiwa seul pendant que d'autres font la fête, une image commune
Car s'il est une chose (parmi bien d'autres) qu'il faut retenir à son propos, c'est son caractère solitaire. Peu de joueurs peuvent se targuer de compter NaNiwa parmi leurs amis. Si l'on excepte la confrérie des Protoss suédois (SaSe et Bischu pour résumer), ils doivent se compter sur une main. Il s'oppose ainsi à la majeure partie de la scène européenne (et même mondiale) qui si elle s'écharpe de temps en temps paraît néanmoins soudée, notamment lorsqu'elle est réunie dans l'appartement de TaKe pour la HomeStory Cup, un tournoi que NaNiwa snobe depuis bientôt trois ans.
Cet état d'esprit de anti-héros (ou de super vilain, c'est selon) solitaire, NaNiwa le doit en grande partie à une immuable rage de vaincre. Il n'a que faire d'être bien vu par la communauté, que faire de créer des liens d'amitié avec les autres joueurs. Ce que NaNiwa veut (ou voulait jusqu'à ce week-end) c'est être le meilleur, peu importe le prix à payer. C'est ce qui l'a amené, tel un moine shaolin se retirant dans la montagne pour méditer, à effectuer à plusieurs reprises le pèlerinage en Corée. Pour s'entraîner d'une part mais aussi et surtout pour se mesurer aux meilleurs. NaNiwa possède de très loin la plus longue liste de défauts de la totalité de la scène SC2 mais s'il y a un reproche qui ne pourra jamais lui être fait, c'est celui de craindre l'adversité. C'est ainsi qu'il prit part en 2012 à la ligue la plus difficile au monde : la GSL. Quelques mois après avoir provoqué une énième polémique (le fameux probe rush face à NesTea en Blizzard Cup), GOMTV décide de lui redonner sa chance après lui avoir retiré son spot en Code S pour le punir de cet outrage. Le gaucher suédois ne décevra pas en atteignant non pas une mais deux fois les quarts de finale, seulement battu par le vainqueur final la première fois (Mvp) et le meilleur joueur du monde du moment la seconde (DongRaeGu).
NaNiwa après une victoire en GSL
NaNiwa aime l'adversité et s'en nourrit. C'est face aux meilleurs qu'il a livré ses plus beaux combats. Que ce soit face à Jaedong et Leenock à la DreamHack Stockholm, INnoVation aux WCS Monde Saison 2 ou HyuN aux IEM New York. Et c'est si l'on se limite à l'année 2013. Malheureusement pour lui, cette dévotion au culte de la victoire ne se sera jamais traduite par un grand triomphe. Il y en eut bien un en avril 2011 à la MLG Dallas mais la présence de KiWiKaKi, SelecT et iNcontroL dans le top 4 nous oblige à parler d'une époque révolue, une époque où les coréens ne se déplaçaient pas encore dans les tournois internationaux.
Au crépuscule de sa carrière, NaNiwa demeure le joueur non coréen à être resté le plus longtemps au top niveau, à défaut d'être celui qui aura le mieux réussi (la comète Stephano étant passée par là). Et si on ne peut que regretter les incidents qui ont pavé son parcours et qui lui ont valu de se faire haïr par une bonne part des fans de SC2, force est de constater que le Suédois ne peut pas s'en plaindre tant c'est lui-même qui s'est créé cette personnalité et qui a décidé de se montrer sous ce jour aux yeux du grand public. C'est lui-même qui par les gestes comme par les mots a choisi de mépriser organisateurs, spectateurs, joueurs ou commentateurs. On ne peut le dépeindre sans évoquer ses deux facettes : d'un côté NaNiwa, joueur magnifique à la ténacité légendaire et respectée, de l'autre Johan Lucchesi, détestable individu dédaignant autrui.
NaNiwa quittant l'arène de Katowice sous les huées de la foule
C'est ainsi avec cette double identité que NaNiwa a quitté vendredi peut-être pour la dernière fois le circuit professionnel : celle du grand champion qui avait mérité de fouler l'immense scène des IEM de par ses résultats et celle d'un homme méprisable, repoussé par une foule glaciale qu'il avait choisi de se mettre à dos. Comme il se devait.