La saison 2 vient de se finir (du moins compétitivement) nous offrant un spectacle digne d'une mi-temps de Super Bowl remportée par l’équipe TPA après une finale d’un niveau rarement atteint sur le jeu. Bien sûr, l’élimination de l’ensemble des équipes européennes et américaines a tout de suite été remarquée par la communauté, donnant même naissance à des analyses à posteriori comme celle de RoG, dont la traduction est disponible ici même.
« Le joueur européen, de par sa culture appréhende le jeu comme un jouet »
Cependant, il s’agit à mes yeux d’une analyse « triviale » dans le sens où tout le monde est déjà au courant depuis bien longtemps que devenir joueur professionnel (compétitivement ou non) est une chose intégrée au sein de plusieurs sociétés asiatiques, et ce depuis maintenant plusieurs années là où les familles occidentales montrent encore des difficultés à admettre qu’un jeune puisse simplement préférer regarder un match de Starcraft plutôt qu’un match de football. Le joueur européen, de par sa culture, appréhende le jeu comme un jouet tandis que l’asiatique est culturellement habitué à voir son jeu comme un travail.
Mais au milieu de cette histoire, il est bon de mettre en avant un évènement qui m’a beaucoup marqué ces dernières semaines, à savoir la nouvelle « désintégration » de l’équipe Millenium. On assiste impuissant à ce nouveau fiasco francophone, quasiment passé inaperçu, et dans la même semaine à la consécration de l’Asie au-dessus des géants M5 et des autres équipes mondiales. En mettant en parallèle ces deux évènements on se rend vite compte de l’écart qui se creuse entre la France et le reste du monde. D’où mon titre : A quoi joue la France ?
« Certains joueurs voient en Strarcraft II un jeu plus amusant pour passer les après-midi »
Pour mettre en avant ce changement, il est important de faire un pas en arrière, notamment pour ceux qui n’ont connu l’époque où League of Legends était encore un jeu prometteur et non le jeu eSport numéro 1. Cette période lointaine porte le nom de pré-saison ou encore saison 0. A cette époque, deux joueurs sortent totalement du lot : Linak et Alth0r. Ils sont Français, premiers des classements de ELO publiés bimensuellement par Riot, gagnent quasiment l’ensemble de leurs matchs et se font regarder par le monde entier en stream. Leur équipe, Fureur, est considérée comme imbattable et marche sur absolument tout le monde. Lassés de surclasser l’ensemble des équipes, la motivation tombe, certains joueurs voient en Strarcraft II un jeu plus amusant pour passer les après midi et arrêtent quasiment complètement de s’entraîner, persuadés de continuer à enchaîner les tournois. Cette insolente confiance leur coûtera la qualification à la « finale de la saison 0 » où iront à leur place les IWEARACAPIRL qui s’inclineront contre les CLG.
« Personne ne pouvait prédire un avenir aussi médiocre pour LoL en France.»
Quel bilan pour la suite ? On a une saison 1 magnifique avec une équipe soudée de joueurs extrêmement talentueux (sOAZ, Yellowstar,Linak,MoMa,kujaa) pour atteindre la deuxième place de la saison 1 au terme d’une game de légende contre Fnatic. A ce moment, la France est la SEULE nation non continentale (Etats-Unis exclus pour éviter tout malentendu) à proposer une équipe top3 mondiale composée d’au moins 4 joueurs de la même nationalité. Autrement dit, les joueurs français font rêver le monde et la Metagame européenne n’a aucun égal en tournoi. De plus, l’équipe de Skyyart et Jothy, frappent à la porte du top mondial avec de très belles performances. Si l’on remonte à l’automne de l’an dernier (juste avant la PGW) personne ne pouvait prédire un avenir aussi médiocre pour LoL en France.
« Le salaire d’un patron du CAC40 »
Car sans faire le détail de tout ce qui a pu se passer entre temps, le bilan à l’heure actuelle est plus que catastrophique : sur l’ensemble des joueurs présents au S2WC, un seul est français. Et si l’on passe en revue les grosse « écuries » françaises le bilan est encore plus dramatique : aAa n’a plus d’équipe, Millenium essuie encore un échec, Eclypsia ne parvient pas à décoller et doit gérer les ego… ne reste que des éléments qui continuent de passer d’équipe en équipe, perpétuellement « insatisfaits du projet de la structure » a.k.a « J’ai encore rien gagné mais je veux le salaire d’un patron du CAC40 » ou alors « N’ont pas les mêmes objectifs que leur coéquipiers » a.k.a « mon AP carry a fail 3 games et a moins de 2700 ELO je ne peux pas m’abaisser à jouer avec lui». On est passés d’une structure dominante d’écuries reconnues mondialement à un ranch de moutons qui ne jurent que par leur ELO. Car le fait est là, à part en Solo queue, ne vous attendez pas à voir sortir de nulle part une « équipe » capable de faire mal à AF M5 ou TPA…
Les structures sont-elle responsables ?
A mes yeux oui et non. Oui dans le sens où en effet, les structures ne peuvent pas avoir le recul et les fonds nécessaires pour offrir les mêmes services que leurs homologues asiatiques et donc ne sont peut être pas les meilleures dans ce domaine. Et encore, faisant partie de la rédaction Millenium et étant passé par la gaming house, je peux vous assurer qu’il y a bien plus spartiate que de vivre chez Millenium (voyez le plaisir qu’ont les Coréens de SCII à venir à Marseille pour vous en convaincre). A contrario les écuries ne sont pas responsables car le principal objectif des structures se définit par la question « que doit apporter une structure à un joueur ? ». A mes yeux une structure doit apporter un cadre confortable et soustraire les contraintes matérielles à des joueurs professionnels. Le problème est qu’en France, les structures doivent plutôt apprendre à professionnaliser des joueurs qui demandent énormément de confort matériel. Forcément, cela marche beaucoup moins bien dans ce sens.
Alors à qui la faute ?
Les joueurs. Cela est triste à dire car connaissant un bon nombre d’entre eux je peux vous assurer que ce sont tous des types super sympas. Mais les faits sont les faits, et ces mêmes joueurs essuient revers sur revers, sans jamais de remise en question profonde, tout en demandant toujours un peu plus de reconnaissance et de confort matériel. Si l’on veut revoir une équipe au plus haut niveau, cela doit commencer par un plan Marshal dans la tête des joueurs, qui doivent intégrer la notion de souffrance, d’effort et d’abnégation, essentielles à l’aboutissement dans n’importe quel domaine, mais encore plus dans secteur d’excellence absolue qu’est le sport.
La responsabilité revient donc aux joueurs et bien sûr au manque de maturité global dont fait preuve notre pays vis-à-vis de l’eSport. La France est un pays de culture classique où il existe une hiérarchie du divertissement, et sur cette chaîne alimentaire, ne demandez pas au jeu vidéo de tenir la même place que de jouer Bach au violon. Forcément, le joueur « type » n’a souvent ni compréhension ni soutien familial dans l’exercice de son métier, et même au niveau de ses fréquentation amicales, dire que l’on est joueur Pro n’est pas quelque chose de très valorisant. Etre un grand joueur est déjà assez difficile pour qu’il faille en plus s’en cacher… « Mais le jeu vidéo c’est pour les enfants non ? » classique mais tellement récurrent…
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