Team Liquid est allé à la rencontre de Erik Johnson, le grand artisan de DotA 2 chez Valve. L'interview est particulièrement intéressante et complète sur de nombreux points dont l'investissement de Valve dans l'eSport. Les questions portent principalement sur The International et la scène compétitive de DotA 2. L'interview nous permet aussi de réaliser que DotA 2 est avant tout un jeu fait pour la communauté et que les développeurs semblent être énormément à l'écoute des remarques et des feedbacks.
Valve sur Interview de Erik Johnson (Traduction - Source)Erik Johnson, Directeur de DotA 2, leader des foules et Messie pour ceux supportant la renaissance de la nouvelle génération de Dota. Un homme de mystère.
Erik est vraiment l’homme derrière DotA 2. Il est le leader, le grand superviseur de ceux travaillant sur DotA et gère tout, allant du fait d’harmoniser les effets en jeu, à organiser les moindres détails pour The International, en plus d’être partie intégrante de la conception de DotA 2. Bien que Valve ne soit pas connue pour avoir des structures auxquelles les développeurs adhèrent, ils ont quand même besoin d’un meneur et d’un responsable de la charge de travail due au développement. Erik est cet homme, et il a été assez aimable de prendre du temps, autre que d’être le chef d’IceFrog, pour nous apporter sa vision du jeu et pourquoi Valve apprécie son point de vue.
Team Liquid : Jusqu’à quel point Valve s’inspire-t-il des autres eSports pour savoir quelles idées fonctionnes ou pas ?
Y’a-t-il eu d’importantes leçons acquises en rapprochant l’eSport du point de vue des développeurs ?
Erik Johnson : La majeure partie du feedback reçu provient des gens de la communauté. Les joueurs professionnels, les teams pour lesquelles ils jouent et les fans du jeu sont tous présents pour nous dire ce que nous faisons de bien et, le plus important, ce que nous avons raté.
Nous avons perçu le premier The International en Allemagne comme un test, afin de voir la réaction de la communauté et aussi comment arriver à organiser un tel évènement dans le futur.
La chose la plus importante que nous ayons retenue est que nous désirions que plus de personnes de chez Valve puissent profiter de l’expérience en personne, pour les simples raisons que nous ressentions que ces personnes pouvaient apporter chacune un petit quelque chose en plus et aussi car il est extrêmement gratifiant de pouvoir observer des joueurs d’un tel niveau se donner à fond, sur un jeu auquel ils ont participé au développement.
Que pensez-vous être le rôle de Valve dans la création et le support d’une scène compétitive ? The International est sponsorisé entièrement par Valve, pensez-vous que les développeurs peuvent aider au recrutement de sponsors extérieurs ou bien en travaillant avec d’autres entités, afin d’apporter les mêmes fonds ?
Nous espérons sincèrement que The International apporte un plus à tous les autres organisateurs de tournois de DotA se déroulants pendant l’année. Nous voyons les joueurs professionnels comme des membres hautement importants de la communauté, en vue de l’impact qu’ils ont sur le reste de la communauté. Notre travail consiste à trouver des manières intéressantes de renforcer le lien entre joueurs et professionnels dans notre gestion de DotA 2.
Les sponsors externes sont plus intéressés d’essayer d’attirer les spectateurs qui pourraient avoir l’envie d’acheter leurs produits, et si Valve produisait de tels goodies, je serai très intéressé à faire participer les joueurs de DotA 2 et les équipes afin d’atteindre des clients potentiels. Par exemple, si vous êtes un fan de Stock Car en Amérique, je ne suis pas sûr que vous changeriez de marque de détergent basé seulement sur les recommandations des sponsors de votre pilote préféré. La différence avec les fans de DotA 2, c’est qu’ils sont aussi des joueurs du même jeu qui a rendu leurs idoles professionnelles. Pour nous, il semblerait que d’essayer d’utiliser la même souris, clavier ou casque que votre joueur favori pourrait vous donner un sentiment d’appartenance à cette équipe.
Dans une interview récente avec Kotaku, vous avez parlé du fait de combien il est dur de rejoindre une partie de Dota en cours et de comprendre qui est en train de gagner et ce qu’il se passe. Quel genre d’idées envisagez-vous, afin de pouvoir faciliter les outils d’analyse du jeu disponibles ?
La majeure partie des difficultés, pour une personne regardant une partie de DotA pour la première fois, sont similaires à ce que rencontrera un nouveau joueur. Au fil du temps, nous avons appris que la seule façon d’apporter un bon système d’apprentissage du jeu, sur les techniques de base, est d’essayer différentes manières, de les tester sur ces débutants et ensuite d’avance en se basant le feedback obtenu. Nous supposons qu’il n’existe pas de méthode magique pour rendre facile l’observation d’un match de DotA 2 ou de débuter, mais nous pensons plutôt qu’il faut améliorer le système d’obtention de feedback et de données sur les problèmes et embuches qu’ils rencontrent, afin de pouvoir leur proposer les solutions adaptées à ceux-ci.
Un des problèmes présents tout au long de l’histoire de Starcraft a été le manque d’un groupe de support pour les joueurs de talents. Est-ce que de quelconques considérations ont été prises par Valve, afin de prendre parti et protéger ces joueurs, alors que la scène s’agrandit ?
Nous sommes tout autant fans de ces joueurs en interne, que les gens externes le sont, donc nous allons tout naturellement faire tout ce qu’il faut, afin de prendre soin de ces joueurs de manière appropriée. Nous voyons aussi tous les joueurs professionnels comme un groupe unique, au niveau de l’impact qu’ils ont sur le reste de la communauté, ce qui renforce notre envie de nous assurer qu’ils soient traités de manière correcte.
The International avait un système plutôt sympathique, qui permettait l’achat de fanions, afin de montrer son soutien à une équipe et d’avoir la chance de gagner des objets en jeu. Est-ce qu’une partie de ces revenus a été utilisée afin de soutenir les équipes et peut-on s’attendre à apercevoir d’autres idées du genre dans le futur ?
Oui et oui. Les fanions étaient ce que nous avons réussi à mettre en place à temps pour The International et nous a permis d’obtenir une pléthore d’informations, afin de pouvoir mieux intégrer les équipes et les joueurs dans l’économie de DotA 2.
Prenez-vous en considération les réactions de la foule comme feedback sur le jeu ? Beaucoup de personnes ont « hué » l’ultime de la Naga Siren, est-ce le genre de choses qui engrangent une discussion sur sa mécanique ?
La chose qui nous a réellement marquée pendant cet évènement a été à quel point les spectateurs étaient en émerveillement par les actions en jeu. Lorsque la foule acclamait Puppey, quand il utilisait un creep pour bloquer le spawn des creeps d’anciens pour ne pas qu’ils se stackent, était vraiment cool. Nous avons aussi remarqué que même si une équipe était favorite par les spectateurs, ceux-ci acclamaient quand même l’autre équipe lors de mouvements épiques de leur part.
En vue de tout cela, je pense que les « hooos » contre la Naga étaient une façon de montrer le mécontentement des joueurs ayant vécu une situation de la sorte en ligne. Les ultis de la Naga n’étaient pas hués quand ils étaient utilisés de manière offensive, ceux-ci ont même créé quelques moments d’excitation avant leurs utilisations, mais quand ils étaient défensifs, je pense que la foule complète partageait un moment collectif de « j’ai déjà vécu ça ».
The International est un évènement de grosse envergure, cela préoccupe-t-il qu’une seule semaine soit mise autant en avant ? En terme de la quantité de stress mise sur les équipes et d’à quel point les autres évènements peuvent se sentir inférieurs.
Bien que cela ait été beaucoup de longues journées pour les gens de chez Valve, cela a été un évènement positif pour les personnes dans l’entreprise.
Tout le monde ici se réjouit de pouvoir recommencer cette expérience.
Nous avons aussi conçu beaucoup de logiciels pour cet évènement qui ne sont pas seulement pour The International, mais qui seront utiles pour des tournois tierces. Une des raisons majeures que nous ayons d’organiser cet évènement, est que c’est le meilleur moyen de simplifier la vie et d’améliorer le rendement des organisateurs de tournois, en organisant nous-mêmes et en observant quels outils et fonctions nous avons besoin de créer. De plus, pouvoir être capable de réunir les équipes de DotA 2 ensemble avec les casters, les joueurs et les manageurs d’équipe pendant une semaine est inestimable et nous permet d’apprendre ce que nous pourrions rajouter, afin d’en faire une meilleure plateforme.
Valve possède actuellement DotA et CS : GO, tous deux étant des jeux ayant un long passé sur la scène compétitive, et il y a des rumeurs que The International 2 aurait un évènement Counter-Strike, est-ce ces équipes travaillent ensemble de près ou ont de l’influence sur les autres ? Devons-nous nous attendre à avoir un département de divers eSports mélangés chez Valve, qui gérera les deux ?
Nous n’avons pas encore vraiment réfléchi aussi loin dans nos prévisions des prochains évènements.
Pour la deuxième partie de votre question à propos d’avoir un département eSport, la réponse est en fait une réponse générale sur la manière dont Valve, et les personnes y travaillant, décident sur quoi travailler. L’équipe DotA 2 a (et continuera très probablement toujours de cette façon) plus de travail que ce qu’elle peut fournir, car le jeu va toujours de l’avant et évolue. Nous pensons que d’avoir des personnes dévolues seulement à la réflexion autour de l’eSport serait une erreur, car seulement les personnes dans l’équipe qui peuvent écrire du code, modifier le design du jeu, créer des animations, produire des modèles, etc. peuvent en effet créer ces outils et implémentations qui sont importants pour la communauté compétitive. Nous préférons grandement que les problèmes restent aussi proches de l’équipe que possible, vu qu’ils sont intrinsèquement liés aux données de la communauté et qu’ils possèdent en même temps la capacité de résoudre ces intéressants casse-têtes.
Traduction par Doyoude