Habituellement, dans le cadre de nos Focus, c’est nous, Millenium, qui allons à la rencontre des joueurs. Mais cette fois-ci, c’est l’inverse qui s’est produit puisque c’est SonG qui nous a contactés pour faire cette interview en mode « Sire, sire, on en a gros ! ».
Il faut dire que le bougre a la langue bien pendue (ce n’est un secret pour personne !) et il bouillait d’envie de s’exprimer sur les sujets chauds qui font l’actualité en ce début d’automne 2012.
Vu la longueur de l’interview, nous l’avons découpée en six « tomes » pour que sa lecture soit plus digeste :
- Tome 1 : Débuts et parcours dans l’eSport
- Tome 2 : Personnalité et notoriété
- Tome 3 : Alt-Tab Gaming et les structures françaises,
- Tome 4 : Style de jeu, Ministry of Win
- Tome 5 : Championnat Francophone, niveau des joueurs français
- Tome 6 : HotS et fin !
Tome 1 : Débuts et parcours dans l’eSport
BigCrook : Salut SonG ! Y a-t-il un lien entre « Cynober SonG » le joueur de StarCraft II français et « Rigobert Song », le joueur de football camerounais ?
SonG : [rires] Oui... En effet je pense qu'il est temps de vous avouer quelque chose... [re-rires] Ecoute, pas que je sache. C’est peut-être un cousin mais je ne crois pas. Honnêtement, je ne pense pas avoir de branche camerounaise dans ma famille. A priori non. Mais bon, on ne sait jamais !
1998, l’équipe de France de football de Zidane est championne du Monde. C’est également l’année de la sortie de Brood War et le début des premiers pas dans les RTS du petit Timothé, 8 ans, qui suit le bon exemple de ses frères aînés. Comment voyais-tu le jeu quand tu étais môme ?
Déjà, j’ai pleuré quand la France a gagné la Coupe du Monde car j’étais pour le Brésil (j’avais 8 ans). Il y avait au moins quinze personnes de ma famille devant la télé, tous trop contents. Et moi, j’étais tout seul dans mon coin et j’étais trop dégoûté.
Du coup, j’ai noyé mon chagrin dans StarCraft. Au début, c’était en mode « casu » avec la connexion qui faisait des bonds. A l’époque, mes deux frères commençaient à toucher pas mal aux jeux vidéo. D’entrée, je me suis mis à des jeux comme Alerte Rouge, des trucs à l’ancienne. Et derrière, j’ai enchaîné avec StarCraft et d’autres jeux.
Au début du XXIème siècle, j’ai commencé à aller au Cyber avec mes frères, à l’époque où ça a commencé à exploser car il n’y avait pas de bonne connexion dans les maisons et avec le début de l’eSport avec des jeux comme CS.
Après tes débuts sur Brood War, tu deviens un gros joueur de World of Warcraft avant de revenir à tes premiers amours à la bêta de StarCraft II Wing of Liberty. Quel regard portes-tu sur l’évolution de l’eSport en France, que ce soit d’un point de vue intérieur en tant que joueur, mais aussi d’un point de vue extérieur en tant que spectateur ?
Sur WoW, l’eSport, à part de très rares compétitions, était quasiment inexistant alors qu'il y avait pourtant un certain potentiel pour que ça se démocratise. Et puis, avec le PvP ou le PvE, ce n’est pas tout à fait le même eSport dont on parle à l’heure actuelle. L’aspect « compétition » était déjà présent mais l’aspect « professionnalisation » pas vraiment. C’était de la compétition pour la compétition. Maintenant, c’est devenu de la compétition pour l’argent et pour gagner sa vie. Ce n’est plus du tout la même chose. Après clairement, même si je ne faisais pas beaucoup de LANs à l’époque, les sommes en jeu n’étaient pas les mêmes et du coup, l’investissement des joueurs non plus.
Il y a également eu aussi une évolution des mentalités bien évidemment. Pour devenir joueur professionnel, il ne faut pas se leurrer, il faut faire ce choix très tôt. Il y a 10 ans, dire à ses parents qu’on voulait jouer à des jeux vidéo pour gagner sa vie, c’était inconcevable, à la rigueur une bonne blague. Aujourd’hui, c’est encore inconcevable mais il y a moyen de convaincre car tu commences à gagner un peu d’argent.
Concernant ton parcours personnel, tu as évolué sur plusieurs jeux et au sein de différentes structures. Quels sont les épisodes qui t’ont le plus marqués, que ce soient les tops ou les flops ?
Les épisodes qui m’ont le plus marqué, c’était sur WoW avec les passages chez Millenium et aAa, l’un en PVE, l’autre en PvP. Petit Memory en PVE où c’était à un niveau tellement élevé que ceux que l’on appelait « les Officiers de Classe » regardaient au peigne fin tout ce que les joueurs faisait et qu’à la moindre petite infraction, te mettaient un petit commentaire. C’était juste fou ! D’habitude, on dit que le PVE, c’est un truc de « casu », mais c’était à un tel niveau de préparation que c’était vraiment quelque chose, avec les raids à quarante : on en fait plus des comme çà ! Et puis aAa en PVP, c’est là où j’ai joué contre et avec des joueurs connus comme notamment Athene que j’ai rencontré en Arène. C’était assez sympa et ça a été une très bonne expérience. Sur StarCraft II, les évènements importants ont été les premières fois où j’ai win des joueurs très connus. C’est toujours sympa quand dans ta progression tu commences à rencontrer et battre des joueurs qui avant étaient des « stars » pour toi.
Pour les aspects moins drôles, ce serait les multi-fails de structures. Même si, au final, je n’en ai pas tant souffert parce que j’ai eu beaucoup de chance en terme financier dans le sens où il n’y a pas vraiment de structure qui me doit de l’argent à l’heure actuelle. J’ai eu des coéquipiers qui ont eu de bien plus grosses mésaventures dans les teams où j’ai été.. Je m’investissais beaucoup pour participer au développement et à tous les projets des équipes et, à chaque fois, il y avait quelque chose qui partait en sucette et ça finissait mal. Et çà ce n’était pas très cool.
Quelles sont les personnes qui ont compté pour toi et qui comptent encore aujourd’hui dans ta carrière eSport ?
Alors, il y a les deux personnes qui ont été mes managers dans la team GBT, Jeef et Benni. Cet épisode de ma carrière peut paraître totalement useless, mais c’est grâce à eux que j’ai pu rejoindre mTw. Ce sont donc des personnes très importantes pour moi parce que mTw, ça n’a duré que quelques mois mais ça a quand même été une très bonne expérience.
Il y a eu Shiba bien évidemment, mon manager chez Virus, qui a aussi manager Dota 2 chez mTw, mais qui n’a aucun lien avec mon recrutement. On pourrait croire mais non ! Au-delà des déboires qu’il a connus avec Laukyo et pour lesquels il ne faut plus leur en tenir préjudices aujourd’hui selon moi, c’est quelqu’un qui a toujours suivi ses joueurs et qui les suit encore : je vais régulièrement chez lui pour prac’ en mode « Gaming House ». C’est quelqu’un qui s’investit énormément pour l’eSport à travers l’Iron Squid puisqu’il fait partie des organisateurs avec Kaoru. C’est quelqu’un qui m’a vraiment beaucoup apporté.
Il y aussi illu. À la base, c’était un pote parce qu’on se connaissait déjà quand il était chez LDLC, et on se voyait tout le temps en offline même après qu'il a rejoint Virus. Depuis, on est toujours restés en contact. D’ailleurs juste une parenthèse pour la blague, mais quand tu regardes les joueurs qui sont passés chez Virus et ce qu’ils sont devenus par la suite – UkraineStar, Elfi, Bly, Naama – c’était fou ! illu est donc venu à la Gaming House en Pologne avec moi et il est maintenant manager chez AT. C’est donc effectivement quelqu’un qui est important.
Et puis après, il y a tous les joueurs de la scène française qui forment une petite communauté bien sympathique contrairement à ce qu’ils montrent [rires] !
Ouh là, il y a SpL aussi ! Il ne faut que je l’oublie sinon il va venir chez moi et il va me buter. C’était un caster DotA sur la Millenium TV avec la Frogged TV. C’était un de mes viewers les plus assidus avec lequel je fais souvent des conférences Skype pendant que je joue. En faisant ça avec lui complètement au hasard, je me suis rendu compte en discutant qu’il avait une énorme vision du jeu, qu’il potassait des tonnes de replays et de VODs et qu’en plus, c’était un joueur de haut niveau. On en est donc arrivé à parler sous Skype à chaque fois que je jouais et à discuterr stratégies, etc. Et donc à l’heure actuelle, c’est un peu devenu mon coach et peut-être qu’il va devenir coach officiel AT [spoil !].
De nombreux viewers comptent aussi beaucoup pour moi, parmi eux : Bisounours, Erapsy, Hebus, etc. Certains ont même integrés le staff AT par ce biais.
Au début de StarCraft II, tu formais le 2v2 de l’équipe de France avec ZlaTaN. Regrettes-tu l’époque révolue des Nation Wars ?
En fait, j’ai fait énormément de 2v2 sur Brood War. Donc comme j’avais une bonne vision du jeu en 2v2, j’ai commencé à jouer à haut niveau sur StarCraft II en 2v2. J’ai beaucoup joué avec ZlaTaN où on a fait un clan war avec l’équipe de France où on a perdu 2-1 et deux ou trois clan wars en équipe mais il y en avait déjà très peu. J’ai également beaucoup joué avec UkraineStar. Que ce soit avec l’un ou l’autre, on avait un winrate de 90% en Ladder et on roulait sur tout le Top Europe. A l’époque, il y avait les cups 4PL et on allait, à chaque fois, assez loin dans les arbres des tournois. Ils se sont arrêtés et c’est bien dommage car c’était une weekly à 100 Euros et c’était aussi un des seuls tournois de 2v2.
Comment expliquer que le 2v2 soit tombé en pareille désuétude – pour exemple, la finale de l’ESL Country Championship 2012 opposant l’Allemagne à la Pologne, prévue initialement le 17 juillet dernier a été reportée sine die – ?
Honnêtement, je ne sais pas car je trouve ça vraiment très intéressant les clan wars car ça donne vraiment un esprit de team play. Qui n’a jamais rêvé de faire une GSTL ? En format Coupe Davis, imaginer des évènements comme ça en Europe, même avec moins d’argent, ce serait génial ! C’est dommage que ça ne se fasse pas.
C’est vrai qu’il y a des raisons financières car payer cinq joueurs au lieu d’un seul, ce n’est pas pareil pour un organisateur de tournois. Et puis, il y a un problème de médiatisation avec de mauvaises mises en avant. Par exemple, une des raisons pour lesquelles mTw a décidé de supprimer sa line up à part DIMAGA, c’était parce qu’il n’y avait aucune visibilité et donc aucun intérêt de faire des Clan League. Pourtant, on n’était pas mauvais et on gagnait nos clan wars.
En fait, StarCraft II s’est beaucoup plus focalisé sur les individualités que sur les structures. Avant, même si l’eSport était beaucoup moins développé, Brood War, c’était vraiment des équipes, un team spirit alors que maintenant quand tu dis à quelqu’un « Millenium ? », il te répondra « Stephano ! », quand tu dis à n’importe qui « Evil Geniuses ? », il te dira « IdrA ! ». Mettre en avant les individualités plutôt que les structures, ce n’est pas plus mal. Mais, au final, quand il y a un tournoi, les gens ont envie d’entendre et de suivre des noms de gros joueurs comme ThorZaiN ou MC plutôt que des noms de grosses structures comme EG ou SK.