Comment expliquer ce paradoxe : que WoW soit à la fois le MMORPG payant le plus joué, avec des chiffres insolents, mais qu’il soit en phase de déclin consommé ? WoW est un jeu addictif qui a fait ses preuves. Mais les joueurs les plus chevronnés n’en finissent plus de pleurer ses débuts, et se font les messagers de ce ressenti négatif : WoW est devenu un jeu pour « casus », il est mort (encore et encore), et ne se relèvera plus. Chaque nouveau titre qui fait son arrivée sur la scène trouve pour untel ou untel des qualités qui feront du nouvel arrivant le tueur de WoW : une qualité que les plus acharnés apprécient grandement, la main déjà posée sur le manche de la pelle, prêts à jeter la terre sur le cercueil où ils ont enfermé leur boite de jeu. Pourtant on sent dans certaines réactions quelque chose d’ambivalent et il n’y a qu’un pas de l’amour à la haine. WoW semble être la femme qui a déçu, mais que l’on cherche quand même à retrouver avec chacune de ses conquêtes suivantes.
« Le son du succès » vu par nerfwow.com
Mais voilà, si beaucoup des jeux qui font leur arrivée, proposent des nouveautés sympathiques, ils n’ont ni le passé ni les moyens pour tenir la distance avec World of Warcraft qui a bénéficié de près d’une décennie de développement. Les MMO suivants voudraient d’ailleurs bien qu’on les laisse tranquilles, sans les comparer sans arrêt avec le grand frère américain, mais rien n’y fait. Les désenchantés de Blizzard, ceux qui se sentent être les cocus d’Azeroth veulent se trouver un nouveau champion, un nouveau héros, pour retrouver cette sensation originelle que les errements et les changements de caps ont fait disparaitre à jamais pour eux. De nombreux titres ont beaucoup de qualités, et conservent une base de joueurs correcte, mais il serait totalement illusoire de comparer un jeune MMO et l’ogre qui trône au sommet depuis presque 8 ans. Cela n’empêchera pas les contempteurs de World of Warcraft, avec leur mesure habituelle, de continuer à annoncer la mort de ce jeu plus à leur goût, qui réunit encore des millions de joueurs.
Où trouver les racines de ce déclin prononcé et celles de cette vigueur encore insolente. WoW ne serait pas resté en haut si longtemps sans changer, et sans évoluer. Les développeurs renouvellent régulièrement les classes, le gameplay, et ajoutent de nouveaux éléments et du contenu supplémentaire. Les gamers plus occasionnels auront trouvé leur compte avec un moyen de divertissement à la portée de tous, puisque Blizzard a rendu son jeu accessible à chacun, de l’adolescent le plus curieux, jusqu’à la mère de famille la plus dilettante. Cette accessibilité n’a pas été du goût de tout le monde, et beaucoup ont vu dans l’abaissement général de la difficulté, et la simplification des mécanismes du jeu, une raison pour tourner la page wowienne et aller voir ailleurs si l’herbe était plus verte. C’est cet état de fait qui est en partie à l’origine du torrent de critique qui pleut sur WoW par les joueurs les plus visibles, ceux que l’on entend le plus.
Sinestra, dernier boss du tier 11 de raid, corrigée par Blizzard en même temps que Paragon raidait
Cataclysm a aussi eu sa part dans la déception causée auprès des joueurs. Sortie plus rapidement qu’elle ne l’aurait sans doute dû, la troisième extension a été lancée avant les fêtes de Noël 2010. Mal équilibrée et manquant de contenu à haut niveau, une grande partie du travail des développeurs s’était porté sur la refonte de l’ancien monde, les empêchant de s’investir plus sur le contenu de fin de jeu. La sanction a été annoncée quelques mois plus tard : 600 000 abonnés avaient quitté le jeu en mai 2011. Un véritable choc pour un jeu, qui jusque-là côtoyait les records de ventes et d’abonnements.
Les choix stratégiques et les faux pas de Blizzard ne sont pas les seuls responsables. Malgré la richesse ou la qualité du contenu proposé, la lassitude sera sûrement le pire ennemi de ce meuporg à succès. Les gens ont naturellement envie de fraicheur et de nouveautés, et qu’on le veuille ou non, un jeu qui commence à flirter avec la décennie, en manquera nécessairement, malgré ses qualités intrinsèques.
Réchauffé pour certain, bonheur pour d'autre, la reprise de l'ancien contenu illustre la difficulté à se réinventer sur la longue durée, et de donner une utilité à ce qui est délaissé