Comme beaucoup à l’époque, je n’aurai pas parié un kopek sur des jeux qui proposaient un abonnement mensuel pour pouvoir y jouer. Les années 1990 étant aussi celle du début de la démocratisation d’Internet, le jeu en multijoueur était également un luxe supplémentaire que peu pouvaient se permettre dans un pays qui voyait la mainmise de France Télécom sur le marché du net. Fort heureusement les choses ont bien changé depuis, les tarifs des abonnements sont devenus autrement plus accessibles qu’auparavant, et l’idée de payer un abonnement pour un jeu n’a rien de saugrenu à une époque, ou certains dépensent des fortunes en biens virtuels.
WoW est arrivé à une époque, où, comme dans d’autres genres, les jeux s’étaient succédé, mais où peu avaient rencontré une réussite si fulgurante. Blizzard lui-même fut dépassé par cette réussite et bien vite le nombre de serveurs se révéla insuffisant. WoW devait cette consécration à une recette qui a toujours fait ses preuves pour le studio californien : assembler ensemble les bonnes idées et concepts qui se faisaient, les bonifier, les améliorer, y ajouter des nouveautés bien pensées de leur cru et les insérer au sein d’un univers à l’histoire recherchée. La compagnie d’Irvine étant connue pour son perfectionnisme, ses titres étaient auréolés de ce rigorisme confinant à l’extrême, faisant de chacun un petit bijou ciselé jusque dans les moindres détails. Simple à prendre en main, mais d’une profondeur et d’une complexité qui leur assuraient le succès auprès des joueurs occasionnels comme les plus exigeants.
Time, vidéo rétrospective sur World of Warcraft. Un regard plein de nostalgie sur le jeu
C’est une ribambelle de mécaniques bien pensées, et de bonnes idées combinées, qui rendirent WoW si addictif, porté par une histoire développée dans la série des Warcraft et que Warcraft III magnifia en proposant aux joueurs une merveille scénaristique et un trésor de gameplay. Ceux qui auront joué aux précédents MMO se souviendront combien WoW, sans innover de façon spectaculaire, combinait des choses si pratiques et devenues aujourd’hui indispensables pour n’importe quel titre : zones instanciées généralisées, quêtes facilement repérables, facilité de prise en main des classes, nouveau contenu disponible régulièrement et gratuitement (hors abonnement), ou plus tard outil de recherche de groupe, banques de guilde, etc.
Un des autres aspects qui a contribué au succès de WoW est la richesse d'offre des addons permise par la politique de Blizzard en la matière. Les statistiques des téléchargements, se chiffrant en millions sur les pages de Curse, sont un bon indicateur du succès de ces modifications qui permettent aux joueurs d'aborder le titre d'une manière encore plus personnalisée, plutôt que de se contenter l'interface et les fonctionnalités de base. Beaucoup des innovations introduites par les addons ont d'ailleurs ensuite été intégrées directement par le studio dans le jeu. D'autres MMO qui eux ne disposaient pas de cette richesse on essuyé plusieurs critiques sur la question, tant les joueurs étaient habitués à ce confort de personnalisation.
Qu'il en soit l'inventeur ou non, WoW a imposé et/ou pérennisé des standards, fussent-ils aussi anecdotiques que les fameux points d’exclamation / interrogation pour les quêtes, ou la couleur des types de discussions lors des interactions sociales. Ces interactions sont d’ailleurs une des composantes de la réussite du titre, puisque World of Warcraft est devenu plus qu’un simple jeu, mais un outil fédérant une communauté de plus en plus large, qui permettait à chacun de tisser des liens très étroits, allant jusqu’au mariage ou aux enfants (avec malheureusement des extrêmes inverses). Le magazine Joystick, dont on connait l’humour, ne se priva pas de caricaturer la chose à l’époque, lorsqu’il testa le jeu, puisqu'il y était classé en tant que « MSN pour riches ». Beaucoup, à la grande heure de WoW avaient dans leur entourage quelqu'un qui y jouait ou des personnes qui en avait entendu parler. Plus qu'un jeu, WoW était devenu un phénomène.
WoW a fait parler de lui jusque dans les séries américaines cultes
Pendant plusieurs années, WoW a été le jeu fédérateur regroupant beaucoup de gens venant passer ensemble un moment d’amusement. Aujourd’hui ce rôle est occupé par League of Legends, qui bien que différend, a su rassembler à son tour de larges communautés de joueurs, avec encore plus d'impact. Le succès de World of Warcraft a atteint son paroxysme en octobre 2010, avec 12 millions de joueurs annoncés par Blizzard. Depuis ce pic, la tendance est à la baisse, plus ou moins prononcée selon les trimestres. La chute est déjà bien amorcée, puisque c’est près de 3 millions de joueurs qui ont déserté Azeroth, pourtant ce n’est pas moins de 9 millions de comptes qui sont toujours actifs, très loin devant la concurrence.