N°8 : L'éventail
Connaissez-vous, chers lecteurs, le langage de l'éventail ? Il était utilisé par certaines femmes au XVIIe siècle pour exprimer des émotions, une attirance particulière, imaginez-vous douze mégères de la péninsule ibérique se servir de ce code pour repousser, interpeller, rabrouer, attirer l'attention de leurs prétendants ? J'imagine d'incompréhensibles quiproquos que la gestuelle féminine maladroite entretient ou que l'esprit masculin se figure de lui-même : en fermant l'éventail et se touchant l'œil droit, la Señora Maria Rosa de los Milagros aimerait savoir quand elle pourra voir l'homme qu'elle convoite ; sa voisine de gauche, María Luz de la Costa, importunée par l'ami de ce dernier, place l'éventail ouvert au-dessus de son oreille gauche.
Le regard insistant des deux prétendants réclamait plus de détails et n'avait pas été remarqué par les deux jeunes femmes. La première d'entre elles, devant une pièce de théâtre ennuyeuse baille longuement derrière son éventail (à traduire par : vas t'en, tu m'ennuies !), la seconde, avec un certain raffinement, entreprend de se gratter la poitrine avec son éventail (à traduire par : vous avez gagné mon cœur !). Je vous laisse, chers lecteurs, imaginer le regard hébété des deux hommes face à ce qu'ils imaginaient être un code. Il n'est déjà pas facile de comprendre ce qu'elles désirent, mais si elles se mettent à utiliser d'autres conventions, nous ne sommes pas sortis de l'auberge.