Lors du tournage d'un Nouvel Espoir, George Lucas était à 105 mégalight* d'imaginer qu'il venait de créer l'une des franchises qui marquerait à jamais l'histoire du cinéma, voire de la culture populaire. Star Wars fait partie de ces œuvres rares où l'aura de l'un des antagonistes (ici Dark Vador) finit par dépasser celle des héros alors que ces derniers ont déjà tout pour marquer l'imaginaire des fans. Au fil du temps, Vador est devenu indirectement le visage de la franchise, et pourtant George Lucas n'est vraiment pas tendre avec ce personnage.
*unité de mesure spatiale fictive utilisée dans Star Wars. La vitesse maximale du Faucon Millenium dans l'espace est de 105 megalight/heure.
Pour Lucas, Vador est un homme pathétique
Avant d'aller plus loin, il est important de rappeler les deux définitions du mot pathétique :
- Mauvais au point de susciter le mépris et la consternation ; lamentable ; pitoyable
- Qui émeut fortement, dont l'intensité dramatique provoque un sentiment de tristesse grave
Selon George Lucas : " Vador est un gars pathétique qui a eu une vie vraiment triste." Il faut savoir que l'identité de celui qui allait devenir l'antagoniste principal de la saga n'était même pas claire à l'époque. Selon Lucas, ce flou explique en partie le succès du personnage : "Dans le premier film, le spectateur ne sait pas vraiment si Vador est un monstre ou une sorte de machine. Dans le second volet, il découvre que c'est un homme et dans le troisième que c'est un père.*" C'est probablement cette succession de couches dévoilées au fil des films qui a permis à Vador de devenir ce qu'il est. Si l'on voit très vite où va aller le scénario de la première trilogie Star Wars, ce sont bien les révélations sur le passé de Vador qui créent la véritable surprise chez les spectateurs, expliquant pourquoi les scènes avec le Sith sont souvent celles qui marquent le plus les spectateurs.
*Lucas fait bien entendu référence au comportement, à l'attitude de Vador, pas aux révélations faites aux spectateurs pendant les films.
Pourquoi le mot pathétique est-il parfait pour décrire Vador ?
Si l'on reprend l'histoire depuis le début de la prélogie, il devient alors évident que les mots de Lucas sonnent extrêmement justes. En suivant le chemin qu'à emprunté Anakin Skywalker vers le côté obscur, il est difficile de ne pas ressentir une certaine tristesse devant les déboires de ce jeune homme, dont le seul but est de sauver celle qu'il aime. L'histoire de Vador est une référence directe à la tragédie classique, où même en ayant connaissance de son destin, le personnage ne peut rien faire pour s'y soustraire, et chaque pas qu'il pense faire pour s'en éloigner l'en rapproche encore plus.
Cependant Vador peut également susciter mépris et consternation chez certains spectateurs. Bien qu'il soit décrit et présenté comme un personnage avec bon fond, il baisse totalement les bras face au côté obscur, devenant son bras armé pendant des décennies. Vador abandonne très vite, sans jamais comprendre une leçon essentielle que Luke lui transmettra à la fin, celle qui dit que le côté lumineux n'est pas plus faible que le côté obscur, mais que l'esprit de Vador l'était.
Vador a certes apporté la terreur dans la galaxie, mais il reste aussi cet éternel étudiant qui n'a jamais appris la leçon que ses maîtres lui ont enseigné : si un Jedi se laisse dominer par ses émotions (la colère quand il retourne sur Tatooine, la peur quand il se fait manipuler par Palpatine) alors il prendra de mauvaises décisions. Le tour de force réalisé avec le personnage de Vador consiste à avoir rendu crédible ces deux aspects de sa personnalité, sans que l'un ne fasse de l'ombre à l'autre. Contrairement à un certain Kylo Ren, l'humain blessé ne transparaît pas au travers du masque de Vador, et jamais le Seigneur Sith ne perd en crédibilité en dévoilant les faiblesses de son âme.