Photo : Xavier DE COOMAN
Aujourd'hui, l'esport est de plus en plus reconnu et il bénéficie surtout d'une meilleure presse. Il n'y a pas si longtemps, le seul prisme qui intéressait les médias généralistes, c'était ceux de l'addiction et de l'incitation à la violence. Heureusement pour nous, même les boomers commencent à changer leur fusil d'épaule et on s'intéresse de plus en plus à la performance et à la passion de la pratique compétitive du jeu vidéo.
De nombreux acteurs non-endémiques se lancent dans l'aventure esport. L'exemple le plus parlant, c'est sûrement les clubs sportifs comme Schalke 04, le FC Barcelone ou encore le PSG. Mais alors que l'esport s'adresse avant tout aux jeunes, les écoles et les organismes de formation sont également présents. À Rennes, l'InsaLan est notamment organisée depuis plusieurs années par l'Insa, une école d'ingé. Sur League of Legends, on peut également parler de la Grosse Ligue, où des joueurs viennent représenter leur université. Voir une école s'engager, ça n'a donc rien d'étonnant. Mais quand c'est une école militaire, la donne est un peu différente et ça fait forcément un peu polémique.
Saint-Cyr, un nom qui parle en-dehors de l'esport
L'École spéciale militaire de Saint-Cyr, plus souvent abrégée en "Saint-Cyr" est un nom qui parle à tout le monde. Elle est chargée de former les officiers de l'armée de terre et fait partie des 6 grandes écoles militaires françaises. Fondée en 1802 par Napoléon 1er, elle porte en elle un héritage, une identité et une marque bien identifiée. Reconnue par certains pour la qualité de sa formation et les valeurs qu'elle défend, d'autres auront un avis beaucoup plus critique sur son côté "conservateur", se basant notamment sur les témoignages dénonçant sexisme et esprit de groupe. Libre à vous de vous forger votre propre avis, mais retenez une chose : Saint-Cyr, c'est quelque chose.
Cette école militaire renommée a décidé de lancer une équipe esport qui représentera l'AMSCC : Académie Militaire Saint-Cyr Coëtquidan. On ne connaît pas encore les détails, mais l'équipe sera composée dans un premier temps de 12 élèves-officiers qui prendront part aux "compétitions nationales e-sport". Évidemment, on n'imagine par voir l'école représentée en LFL (League of Legends) ou en VRL France (Valorant). En revanche on s'attend à retrouver l'équipe dans des LANs française (GA, Lyon e-sport...). Il n'a pas été non plus précisé quels seront les jeux visés en priorité. Le monde de l'esport est vaste et on imagine que l'école s'adaptera également aux profils des joueurs intéressés. On ne sait pas si c'est un indice, mais dans sa communication l'AMSCC a utilisé une photo où on voit des joueurs sur la Faille de l'Invocateur de League of Legends.
Une réception plutôt tiède au sein de la communauté
Cette équipe s'intègre au projet lnx esport, une initiative lancée par le Ministère des armées et Florence Parly. Et comme on pouvait s'y attendre, la communauté est très divisée sur le sujet. Les plus bienveillants applaudissent, partant du principe que chaque initiative pour développer l'esport est bonne. Alors que le milieu a souvent souffert d'un manque de légitimité et de reconnaissance, voir des acteurs extérieurs et classiques débarquer témoigne d'un changement dans les mentalités.
Mais plusieurs voix influentes ont accueilli très froidement la nouvelle. On peut citer Xavier Oswald (Karmine Corp) et Nico Besombes (sociologue). Ces derniers se méfient du pouvoir d'attraction de l'armée, qui essaye régulièrement de parler à la jeunesse pour recruter de nouveaux membres. Et on est très bien placé pour savoir que faire la guerre sur internet ce n'est vraiment pas la même chose que faire la guerre dans la vraie vie. Évidemment, il n'est pas constructif de condamner une initiative qui vient de naître et pour le moment il n'y a pas encore eu de faux-pas. Mais quand on regarde les déboires qu'il y a eu aux Etats-Unis, on a déjà pu voir qu'esport et armée ne faisaient pas forcément bon ménage.