Aujourd'hui Augustin "Review" Heliot, revient pour MGG sur la décision rendue en première instance du contrat entre Epic et Apple, rendue il y a quelques jours seulement.
Quand Epic Games désobéit à Apple en ajoutant à la version IOS de Fortnite un bouton invitant les joueurs à aller acheter directement des V-bucks sur son site plutôt que d'utiliser IAP, le tout-puissant système de paiement automatique d'Apple par lequel passent normalement toutes les transactions effectuées sur l'app store, le développeur sait qu'il ne sera plus jamais le bienvenu sur l'app store. Problème : dans l'écosystème IOS, si l'on n'est pas bienvenu sur l'app store, on n'existe pas. Il n'existe après tout qu'une seule et unique boutique pour télécharger tous les jeux et programmes accessibles aux utilisateurs d'Iphone. C'est parce qu'IOS est un système fermé, un "jardin fermé" même qu'Apple défend jalousement, expliquant à qui veut l'entendre que l'objectif final : c'est la sûreté de ses utilisateurs qui, contrairement aux propriétaires de PC, n'auront jamais à se soucier de ce qu'ils mettent sur les ordinateurs de poche.
S'ensuit un feuilleton juridique faisant intervenir des acteurs venant d'horizons bien plus larges que le jeu vidéo (Spotify et Tinder sont publiquement du côté d'Epic dans cette histoire) un feuilleton dont le premier épisode a pris fin il y a quelques jours avec une décision.
Une décision qui repose ultimement sur la définition du marché sur lequel on accuse Apple de posséder un monopole illégal, s'agit-il seulement de l'écosystème IOS comme Epic l'affirme ? Ou bien est-il plus juste de les juger sur le marché des transactions gaming, ce que défend Apple. La juge finira par trancher la poire en deux, c'est le marché des transactions gaming mobile (mobile seulement) qui est le marché concerné.
C'est là qu'Epic faute, n'ayant pas préparé ses arguments pour un marché aussi large, il ne parviendra pas à démontrer que les 57% de parts de marché détenues par Apple sur les transactions mobile gaming constituent un monopole. Si le monopole n'est pas établi, il n'est pas utile d'aller regarder si les pratiques d'Apple sont anticoncurrentielles (toute forme de compétition est, après-tout, anticoncurrentielle par nature, une entreprise cherchant toujours à prendre de l'avance sur ses rivaux), ce n'est qu'en présence d'un monopole établi que ces pratiques anticoncurrentielles peuvent donner lieu à des sanctions.
Sur tous les autres points Epic perd de la même façon, incapable de démontrer que la taxe de 30% prélevée par IAP est trop importante, incapable de démontrer qu'il était dans son bon droit au moment de violer le contrat qui le liait à Apple, incapable enfin de passer outre la taxe de 30% qu'Epic devra reverser pour tous les bénéfices réalisés sur Fortnite IOS.
Seule lumière dans les ténèbres, Epic parvient à invoquer les lois anti-steering qu'on trouve dans le Cartwright Act de la loi californienne sur les pratiques anticoncurrentielles pour forcer Apple à laisser les développeurs de l'app store rediriger leurs clients vers leurs propres sites pour effectuer leurs transactions. Attention : Apple a toujours le droit à sa taxe de 30% (c'est répété à de nombreuses reprises dans la décision), mais celle-ci ne sera pas obligatoirement et automatiquement prélevée par IAP à chaque transaction comme c'était le cas jusqu'à maintenant.
On se retrouve au final avec une décision qui donne tort à Epic à peu près partout, mais qui laisse comprendre que la gestion d'IOS par Apple n'a rien de normal non plus. Epic aurait pu faire un meilleur travail, et si ce travail avait été fait, le monopole d'Apple et derrière, ses pratiques anticoncurrentielles caractéristiques d'un monopole illégal auraient pu être démontrées. C'est une carte de 185 pages, détaillant les erreurs des conseillers d'Apple que la juge nous lègue finalement, une décision de première instance qui parvient à la fois à donner raison à Apple sur tous les points et à être extrêmement menaçante pour la marque à la pomme.