Après les scandales chez Riot Games il y a quelques années puis chez Ubisoft dans un passé bien plus proche, c'est aujourd'hui le groupe Activision Blizzard qui se retrouve dans une position peu enviable : celle du banc des accusés. Et non, point de drame en rapport avec la dernière Race to World First, mais bien des soucis concrets et juridiques de la vie "réelle".
C'est Bloomberg qui a dégainé en premier sur le sujet au cours de la nuit, suite à une assignation en justice — datée du 20 juillet 2021 — du groupe californien par le DFEH (Department of Fair Employment and Housing) de l'état. Ce Département Californien de Contrôle de l'Emploi et du Logement a en effet fait suite à sa propre enquête de deux ans menée au sein des rangs d'Activision Blizzard. D'après lui, le groupe serait coupable de discrimination envers ses employées féminines à plusieurs niveaux : embauche, promotions, assignement des tâches et licenciements. De plus, les dirigeants auraient échoué dans leur tâche de prévenir le harcèlement, les représailles et la discrimination entre employés.
Une culture d'entreprise pointée du doigt
Tout cela va dans une seule et même direction, et c'est ce qui est surtout mis en avant par le titre de Bloomberg (et par la suite par le contenu du rapport du DFEH) : la "frat boy" culture. Celle-ci implique que les employés masculins ont "tous les droits" ou presque, et ont des rémunérations plus conséquentes. Les ultimes dérives qui ont été décrites évoquent même de l'alcool en quantité sur le lieu de travail, des gestes et des paroles très déplacés à l'égard des employées féminines, des impossibilités de promotion — pour cause de grossesses potentielles — pour elles, et des blagues aux thématiques graveleuses voire innommables.
Une ambiance que l'on ne souhaite à personne...et qui, selon le DFEH, a contraint une employée d'Activision à s'ôter la vie lors d'un déplacement professionnel avec son supérieur. La plainte ajoute que l'employée avait été la cible d'énormément de harcèlement sexuel de la part de plusieurs de ses collègues masculins, avant de décider d'en finir.
Suite à toutes ces graves allégations, bon nombre de langues se sont déliées et les témoignages n'ont pas tardé à affluer sur les réseaux sociaux. Souvent, les personnes étaient trop effrayées des représailles potentielles pour prendre la parole alors qu'elles étaient en poste. Cette employée explique par exemple ici qu'elle (et à priori d'autres femmes dans la même journée) a subi lors de la BlizzCon 2013 des accolades et attouchements de la part d'un ancien Senior Creative Director de World of Warcraft, Alex Afrasiabi, et surtout en présence de nombreux autres collègues qui n'ont pas pris la peine de la défendre. Celui-ci a par la suite eu des remontrances de J. Allen Brack, le successeur de Mike Morhaime à la tête de Blizzard, qui n'auraient pas été à la hauteur des actes, loin s'en faut (ndlr : Alex Afrasiabi a quitté le groupe dans le courant de l'année 2020).
Voici quelques autres exemples de témoignages d'anciens employés de Blizzard (vous pouvez les retrouver tous regroupés sur cet excellent post Reddit). Certains sont offensifs et montrent des griefs face à leur ancien employeur, d'autres montrent davantage le soutien des "anciens" pour leurs ex-collègues de travail.
La réponse d'Activision Blizzard
Car oui, bien sûr, le groupe californien a voix au chapitre et a déjà diffusé un communiqué que vous pouvez retrouver ci-dessous. En substance, il annonce prendre avec le plus de sérieux possible toutes ces allégations à son encontre, et confirme qu'il lutte chaque jour contre les discriminations et le harcèlement. Il annonce aussi que dans les cas de "comportement problématique", les sanctions adéquates ont été prises.
La suite est bien plus "offensive" puisque le communiqué stipule que "Le DFEH a aussi intégré au rapport des descriptions déformées et souvent fausses de ce qu'est le passé de Blizzard. Nous avons été très coopératifs avec eux pendant leur enquête, en leur apportant toutes les données nécessaires, mais ils ont refusé de nous informer des problèmes qu'ils ont détecté. Ils étaient tenus par la loi d'enquêter le mieux possible et ont préféré uniquement discuter avec les concernés pour essayer de mieux comprendre ce qui s'est passé, mais ils ont échoué dans leur tâche. Au lieu de cela, ils ont rédigé une plainte inexacte et c'est ce que nous démontrerons au tribunal. Nous sommes écœurés par le comportement que nous jugeons répréhensible du DFEH d'intégrer à cette plainte le suicide tragique d'une employée qui n'a rien à voir avec cette affaire, sans le moindre respect pour sa famille endeuillée. Nous trouvons leur comportement honteux et peu professionnel, mais ce n'est malheureusement qu'un exemple de la manière dont ils se sont conduits pendant leur enquête. Et c'est ce genre de comportement irresponsable de fonctionnaires bureaucrates qui est supposé réguler la plupart des plus grandes entreprises de Californie."
Et l'argument principal du groupe, c'est d'avancer que, oui, des choses horribles se sont déroulées il y a maintenant quelques années (à priori vers 2010-2015, si on recoupe la plupart des témoignages), mais que l'entreprise a bien changé depuis et que Blizzard est devenu un lieu de travail où il fait bon vivre.
"L'image que dépeint le DFEH n'est pas le Blizzard d'aujourd'hui. Depuis quelques années maintenant et depuis le début des premières enquêtes, nous avons fait des changements significatifs dans le but d'améliorer la culture d'entreprise et d'apporter de la diversité à nos équipes dirigeantes. Nous avons mis à jour notre Code de Conduite pour empêcher les représailles, nous avons augmenté les programmes en interne qui visent à dénoncer les personnes coupables de manquements à ce Code de Conduite, et tout cela au travers d'une hotline qui garantit une intégrité et un anonymat total. Nous avons renforcé nos engagements avec la diversité, l'équité, l'inclusivité et offrons un soutien encore plus fort à nos employés.
Nous mettons beaucoup en œuvre pour créer des packages d'indemnisation les plus justes possible, et nous aspirons à payer de manière équitable tous les employés qui occupent un poste similaire. Nous avons des process qui nous permettent d'être certains que le salaire n'est pas touché par des critères discriminants.
Nous sommes confiants dans notre capacité à démontrer que nos pratiques à ce niveau sont les bonnes et que nous sommes un employeur qui soutient ses employés sur leur lieu de travail qui promeut la diversité et l'inclusivité. Et nous allons continuer dans ce sens. Il est fort dommageable que le DFEH n'ait pas souhaité discuter avec nous de tout ce qu'il pensait au cours de son investigation."