On ne saura jamais véritablement ce qui traîne ou a pu traîner dans les cartons de Riot Games pendant des années, avant de finalement voir le jour — ou pas — dans League of Legends. Combien de concepts ont-ils été proposés aux différentes équipes de développement ? Combien ont été acceptés ou rejetés ? Combien de designs ont-ils été recyclés, réutilisés ou bien simplement abandonnés ?
Ces questions demeurent sans véritables réponses. Cela dit, en dix années de développement, le studio californien n'a pas toujours à marquer ses processus de développement du sceau inviolable du secret et de la confidentialité. En réalité, que ce soient des concept-arts qui ont inspiré de futurs designs, ou même des champions complets ayant été réutilisés pour en créer d'autres, il existe plus d'une douzaine de personnages qui n'ont jamais mis le pied dans la Faille — mais qui aurait peut-être pu.
Petit tour d'horizon de ces champions abandonnés, oubliés ou recyclés.
Ao Shin, aka le prototype d'Aurelion Sol
Annoncé en 2013 comme une sorte de dragon chinois contrôlant le vent et la foudre, Ao Shin est sans doute le plus célèbre de tous les champions recyclés — car les fans l'ont attendu pendant presque trois ans, avant que Riot Games n'annonce son annulation. Son kit de compétence n'avait alors pas passé l'étape de la validation, mais le studio a sans aucun doute réutilisé son modèle pour donner naissance à Aurelion Sol.
A noter d'ailleurs qu'Ao Shin a finalement vu le jour dans Runeterra, puisque, un peu à la manière d'un hommage, Riot a fait de lui une Little Legend...
Averdrian, Gavid et Tabu : du concept au cercueil
Poussé suffisamment loin pour qu'on puisse retrouver leurs kits de compétences aujourd'hui, Averdrian, Gavid et Tabu sont quelques uns de ces champions sur lequel Riot a travaillé lors de la Closed Beta 1 de League of Legends, en 2009, avant de purement et simplement les abandonner. Bien qu'on puisse leur trouver, en apparence, quelques similitudes avec d'autres champions actuellement présents dans le jeu, leurs modèles ou les compétences n'ont apparemment pas été recyclées.
En 2010, lors de l'introduction de la version Halloween de la Faille de l'Invocateur, on peut alors apercevoir trois cercueils contenant leurs corps : Riot confirmait ainsi leur abandon définitif.
Averdrian, le Gardien Astral
4 Esprits Astraux
Envoie un rayon de lumière condensé sur un ennemi, infligeant des dégâts. Ces dégâts ne peuvent être évités d'aucune manière.
Libère une impulsion d'énergie, infligeant des dégâts autour d'Averdrian et ralentissant les ennemis dans un rayon de 100 unités pendant 5 secondes.
Absorbe l'un de ses Esprits, ce qui lui confère des dégâts de sorts supplémentaires et une aura infligeant des dégâts chaque seconde aux ennemis proches pendant 60 secondes.
Canalise pendant 5 secondes pour envelopper un ennemi dans une énergie mortelle, infligeant des dégâts chaque seconde et empêchant tout mouvement ou action.
Quoique Riot n'ait pas expliqué si Averdrian a servi ou non de fondation pour créer un ou plusieurs champions, son kit de compétences rappelle certaines choses qui ont bien vu le jour dans la Faille. Son passif, qui au premier abord ne semble faire aucun sens, rappelle en réalité la compétence ultime de Karma, tandis que sa compétence "Lockdown" est une version protoype de l'ultime de Malzahar.
Quant à l'icône d'Astral Beam, les vétérans de la Faille auront sans doute reconnu cette icône, tour à tour utilisée pour illustrer le buff du Baron Nashor, puis le A de Kassadin.
Gavid, le Roi des Plantes
Gavid et ses lianes infligent des dégâts aux attaquants de mêlée lorsqu'ils sont frappés.
Consomme une liane cible, la transformant en une plante épineuse qui tire des épines sur les ennemis proches, leur infligeant des dégâts.
Thornspitter a 200 points de vie, 2 armures, immunité à la magie. Dure jusqu'à 30 secondes.
Consomme une liane cible, qui explose en une masse de racines qui enchevêtrent les ennemis proches pendant quelques secondes, infligeant 50 points de dégâts par seconde.
Consomme une liane cible pour créer une plante Vitalis qui soigne les unités alliées proches toutes les 3 secondes.
La plante Vitalis a 100 points de vie. Dure 20 secondes.
Gavid s'enracine au sol pendant quelques secondes, guérissant une partie de sa santé maximale sur une durée.
Pendant cette durée, Gavid génère immédiatement 7 lianes supplémentaires, ainsi qu'une génération accrue de lianes. De plus, les prochaines animations de Thorspitter, Entangler ou de Vitalis animent toutes les vignes situées dans une zone d'effet moyenne de la liane cible.
Quoiqu'il ait été abandonné, Gavid a sans aucun doute servi de fondation, ou tout du moins d'inspiration, au développement de Zyra — tant son kit de compétences rappelle celui de la Dame aux ronces. De même, le concept de personnage-tréant a évidemment inspiré Maokai.
Les plus anciens reconnaîtront sans aucun doute l'icône utilisée pour illustrer la Vitalis, puisque Riot l'a par la suite recyclée afin d'illustrer le buff alors octroyé par les Loups de la Twisted Treeline.
Tabu, le Chaman Vaudou
Les ennemis autour de Tabu infligent 15% de dégâts réduits.
Lie Tabu à un champion ennemi ou allié pendant 20 secondes.
Lorsqu'il est lié à un ennemi, un pourcentage des dégâts subis par l'un est également partagé avec l'autre. Lorsqu'il est lié à un allié, ce même pourcentage partage les soins qu'il reçoit.
Tabu maudit la zone ciblée, endommageant toutes les unités ennemies et guérissant toutes les unités alliées qui s'y trouvent.
Tabu pacifie l'unité ennemie ciblée pendant quelques secondes, l'empêchant d'attaquer ou d'utiliser des compétences.
Tabu s'attache à la cible et tente de voler son âme, lui infligeant des dégâts tout en se régénérant pour la même quantité chaque seconde.
Nasus, Lulu, Karma, il y a un peu de tout dans le kit de compétences de Tabu, ce qui explique peut-être pourquoi il a été annulé. En revanche, les icônes de ses sorts ont été recyclées : vous aurez sans doute reconnu les illustrations du Blue et du Red Buff...
Well et Seth, les deux ancêtres d'Azir
La chose est peu connue, mais le récit du développement de l'Empereur de Shurima est une histoire assez rocambolesque, qui débute avec un champion n'ayant absolument rien à voir avec le sable : Well Soterios, l'Hydrosoul.
Ce mage d'eau, auquel le client de la beta réfère par "Water Wizard", fait partie des nombreux concepts avancés pendant la beta du jeu, en 2009, mais qui n'ont finalement jamais été retenus.
Le bisaïeul : Well Soterios, l'Hydrosoul
Les unités alliées proches gagnent 0,4 - 0,8 (selon le niveau) mana toutes les secondes.
[Ndlr : Aucune description n'est associée à cette compétence, bien qu'elle semble assez transparente et rappelle un sort d'une certaine mage de Glace de DotA...]
Une trombe d'eau s'écrase sur les ennemis en ligne, infligeant des dégâts.
Si Crushing Wave touche un élémentaire d'eau, elle envoie une Crushing Wave dupliquée dans la direction à laquelle l'élémentaire d'eau fait face, en partant de l'élémentaire d'eau lui-même.
Well crée un vortex d'eau à l'endroit ciblé qui inflige des dégâts toutes les secondes. Les ennemis qui s'éloignent du vortex sont ralentis de 90%. Les ennemis qui se déplacent perpendiculairement au Vortex sont ralentis de 30%.
Crée une forte averse qui couvre toute la carte. Augmente la régénération de la santé et du mana des unités amies, et tous les champions alliés voient leurs dégâts de sorts augmenter.
L'aïeul : Seth, le Mage des Sables
Pourquoi ? Parce que, en 2009, un champion de l'acabit de Well requérait une quantité affolante de particules et d'effet à l'écran, et la technologie de l'époque de League ne permettait pas l'intégration du champion dans la Faille. Cela dit, plusieurs années après ça, Riot commence à travailler sur un nouveau champion très largement inspiré par Well : Seth, le Mage des Sables.
"Si on compare Seth à Well," expliquait Colt “Ezreal” Hallam, alors Senior Game Designer, "c'est le même type, mais au lieu de contrôler l'eau, c'est du sable."
Le problème, c'est que là encore Riot Games a les yeux plus gros que le ventre en termes de FX et de particules. Après des mois de lutte intense, le champion hérite d'un nouveau designer tous les mois, avant d'être définitivement abandonné. Mais le concept de fond d'un mage manipulant le sable est conservé, et bientôt Azir voit le jour sous la forme qu'on lui connaît aujourd'hui.
Omen : c'était lui, ou Riven
Conçu pour être un "démon du Vide à quatre pattes", Omen a vu le jour en 2011, et ses premières versions tendaient à faire de lui une sorte d'artillerie mobile, lançant des épines corrosives capables de faire fondre l'armure et/ou la résistance magique. Pourtant, personne chez Riot Games ne savait véritablement s'il s'agissait d'un champion à distance ou bien d'un champion de mêlée doté de compétences à distance.
D'une manière générale, le manque d'engouement vis-à-vis de son kit, et l'absence de véritable direction dans son processus de développement ont conduit Riot à abandonner Omen, pour finalement sortir Riven à sa place. Il ne reste désormais aucune trace du démon quadrupède, sinon que le souvenir qu'en ont les développeurs présents dans l'équipe il y a 10 ans.
"Je ne me souviens d'aucun sort qui aurait été recyclé. Le kit [consistait à] des attaques et des sorts qui stackaient pour faire fondre les résistances," se rappelle Brian 'FeralPony' Feeney — actuel Design Director de League — en 2019,"[Son A était] un skill-shot qui transperce, [son Z] un pod d'épine lancé en lob, qui explosait après deux secondes ou lorsqu'elle était touchée par le A. [Le E, c'était] un sort ciblé infligeant des dégâts et ralentissant, tandis que [son R] était une AoE de dégâts à long-distance forçant Omen à canaliser, une sorte de mix entre l'ultime de Gangplank et de Miss Fortune."
En fait, le core kit d'Omen consistait à lancer des Z dans tous les sens, avant de les faire exploser avec le A en créant des réactions en chaînes — et justement, FeralPony confirmait à l'époque que le concept de ce kit était similaire à celui du nouveau Gangplank et de ses tonneaux. Par ailleurs, le démon quadrupède aurait servi d'inspiration à la création d'autres champions, comme Rek'Sai. Et il paraît difficile d'oublier le fait que Valorant possède aujourd'hui un Agent nommé Omen...
Priscilla, la proto-Elise
Comme beaucoup de champions de League of Legends, Elise a subi un lent processus de développement, résultats des nouveaux défis devant être relevés par Riot Games. En l'occurrence, le studio a commencé à travailler sur les premières itérations de la Reine Araignée dès 2009, la nommant tout d'abord Priscilla. Pendant des années, ses compétences ainsi que son modèle sont restés dans le client, sans jamais voir le jour, avant qu'une pétition lancée sur les forums en 2011 ne pousse le studio à reconsidérer son cas, pour finalement la retravailler et donner naissance à Elise, en 2012.
Par ailleurs, le modèle de Priscilla n'est pas sans rappeler celui d'un autre champion, Urgot — et, sans qu'on en soit certain, on peut aisément spéculer qu'il lui a servi de fondation.
Priscilla gagne passivement 20 % à 80 % (selon le niveau) de régénération de mana bonus.
Priscilla lance un filet collant et soyeux sur une petite zone. Les ennemis pris dans la toile sont immobilisés pendant un moment tandis qu'elle les entraîne vers elle pendant 1 seconde, leur infligeant 1,25 points de dégâts par distance parcourue.
Passif : Les attaques de base de Priscilla injectent un poison à la cible, ralentissant la cible de 10% + 4% par stack pendant 4 seconces. Le poison peut être stackés jusqu'à 0/2/3/4/5 fois.
Si la cible meurt pendant qu'elle est infectée, elle fait naître de son cadavre une araignée par stack, qui dure jusqu'à 60 secondes.
Une araignée a 340 points de vie, 0 armure, et inflige 20 points de dégâts.
Passif : Priscilla réveille sa soif de sang, gagnant ainsi 10/15/20/25/30% de vol de vie.
Priscilla cloue sa cible au sol pendant 2,75 secondes avec ses deux griffes arrière, et l'entaille rapidement avec ses deux griffes avant, lui infligeant des dégâts toutes les 0,25 secondes.
Rob Blackblade, le Dashing Rogue
À la lecture des kits de tous ces personnages qui auraient pu voir le jour, on ne peut s'empêcher d'éprouver un pincement au coeur, en se disant qu'ils auraient sans doute fait de très bons champions de League, et qu'on auraient été extrêmement curieux de les jouer.
Sauf Rob Blackblade.
Car, s'il est bien un champion que Riot a bien fait d'abandonner ou d'oublier, c'est sans doute lui — simplement parce que son kit est d'un ennui absolu. Certes, il s'agissait d'une autre époque, où les champions possédaient des compétences moins complexes. Mais, même selon les standards de 2009, Rob aurait fait ronfler n'importe quel joueur.
[Ndlr : Aucune description n'est associée à cette compétence.]
Rob lance un couteau sur la cible et lui inflige des dégâts. Cette capacité peut infliger un coup critique infligeant le triple des dégâts.
Rob devient Camouflé et gagne de la vitesse de déplacement.
Rob frappe un coup vital sur le héros cible, lui infligeant 125 points de dégâts. Si Rob est à camouflé, il étourdit la cible. S'il est visible, il endort la cible.
Toutes les attaques de Rob sont des coups critiques pour les 5/8/11 secondes suivantes.
Le kit de Rob n'est pas sans rappeler certaines compétences qui ont finalement vu le jour dans la Faille. Par-dessus tout, il semble d'ailleurs avoir servi de crash-test pour introduire les mécaniques de camouflage et de sommeil dans le jeu...
Tous ces concepts qui en ont engendré d'autres
Outre tous ces champions que nous vous présentions plus haut, il existe une multitude de concepts qui n'ont existé que sur le papier, et qui ont plus tard inspiré le design d'autres champions. Eagle Rider a bien sûr servi de base à Olaf, mais le concept d'un chasseur interagissant avec un aigle-familier a aussi été repris pour donner naissance à Quinn ! De même, on croit retrouver plusieurs éléments d'Iron Engineer dans les modèles de Blitzcrank et de Rumble, tandis que la ressemblance entre Ivan, d'une part, et Nautilus et Ziggs d'autre part est absolument frappante.
Et ça continue, avec CeeCee, aka la première itération de Braum, et Ruby, la version adolescente de Vi qui a longtemps remplacé son aînée.
Husk, quant à elle, a très largement inspiré le développement de Kai'Sa ainsi que de Camille, tandis qu'il semble presque évident que Cyborg Cowboy a servi de base au développement de Jhin, ainsi que de la famille de skins High Noon.
Bien évidemment, on ne saura jamais vraiment ce qui traîne dans les cartons de Riot Games, à moins d'y mettre nous même le nez. Par ailleurs, quand on sait le rythme de publication des premières années, on imagine bien la multitudes de brouillons et de copies créées par le studio.
Et, on n'est pas à l'abri que des reliques du passé resurgissent un de ces quatre sous l'influence d'un développeur ayant décidé de ressusciter ou de remettre au goût du jour un concept de champion oublié de tous...
Essentiels pour certains, inutiles pour d'autres, les skins sont à League of Legends ce que la mode est à la réalité : un moyen de se différencier. Mais combien ça coûterait de TOUS les posséder ? Éléments de réponse avec trois méthodes à l'appui.
