Le genre 4X est particulièrement intimidant pour les nouveaux venus, puisqu'il faut de nombreuses heures avant de véritablement prendre le gameplay en main, et davantage pour le maîtriser. Depuis plusieurs décennies, la licence Civilization est véritablement devenue l'incarnation du genre à la sauce historique. Le studio Amplitude a néanmoins su se faire une place au soleil avec des 4X spatiaux, Endless Space 1 et 2, ainsi qu'un titre à l'apparence plus fantastique, Endless Legend. Avec Civilization 6 qui commence à accumuler les années, mais surtout une quantité vertigineuse de contenu gratuit comme payant, le moment est peut-être venu pour un nouveau challenger. Cela ne s'annonce néanmoins pas comme une bataille facile.
Qu'on lui coupe la tête !
Avec une sortie sur PC et Stadia prévue pour le 22 avril 2021, soit dans un peu plus de 4 mois à l'heure où nous écrivons ces lignes, les développeurs d'Humankind ont visiblement jugé bon de tester le jeu à grande échelle et de prendre les retours des joueurs ayant déjà précommandé (généralement des vétérans endurcis du genre) ainsi que de la presse. L'Open Dev Lucy limitait le jeu aux 4 premières ères, ainsi qu'à 150 tours, et il semble probable que certaines fonctionnalités soient manquantes. Nous ne sommes en tout cas même pas encore dans le cadre d'une preview, et encore moins d'un test, c'est un jeu en développement et il est normal que de nombreuses choses n'aillent pas. Nous n'allons néanmoins pas hésiter à pointer ces éléments du doigt, dans l'espoir qu'ils soient améliorés d'ici le mois d'avril.
Ils ne réinventent pas la roue
Pour ne pas trop nous étaler dans ce qui n'est qu'un avis rapide sur une petite part du jeu, on peut résumer grossièrement Humankind en le décrivant comme étant un mélange d'Endless Legend et de Civilization 6, ce qui n'est au final pas si surprenant. La direction artistique, le système de quartiers, l'arbre des technologies, les unités et les mécanismes de jeu ont de grandes similarités avec le titre de Firaxis. Même s'il n'a pas la richesse (ou la lourdeur) de ce dernier avec toutes ses extensions et DLC. Il y a aussi bien moins de micromanaging, exit les ouvriers et caravanes par exemple. D'un autre côté, on retrouve la pâte des titres d'Amplitude, avec leurs ressources habituelles, ou le fait que la carte soit divisée en régions prédécoupées. Chacune ne pouvant accommoder qu'une seule ville, ce qui simplifie nettement les disputes territoriales et le placement des cités qu'il faudra ensuite développer.
L'IA ne va pas construire une ville pourrie sur la seule case du continent qui n'était pas couverte pas vos frontières au moins. En revanche, vous pouvez fonder la ville n'importe où dans la région. Il faut cependant dire que cela ne s'accorde pas bien avec l'esprit du jeu, qui nous semble être celui de la liberté et du développement organique de votre civilisation sous tous ses aspects. Contrairement à Civilization, nous ne fondons pas instantanément une première ville. La toute première ère est celle des tribus errantes, qui chassent, cueillent et découvrent le monde. Il est simplement possible de fonder des avants-postes primitifs. Dans ce contexte, il est vraiment étrange d'avoir des régions déjà bien découpées et inamovibles, d'autant que c'est loin de toujours respecter le climat et la topographie et qu'elles n'ont souvent aucun sens géographiquement. Comme dans le monde réel, il faudrait qu'elles respectent mieux les frontières naturelles, ou les ères d'influence des populations humaines en place.
Endless Civilization
Vous pouvez passer à l'ère suivante de différentes manières : faire croître la population de votre tribu, réaliser de premières découvertes technologiques ou fonder assez d'avant-postes. Il est appréciable de ne pas être limité à une seule façon de progresser. C'est à ce moment que l'aspect vraiment unique du jeu est introduit, vous choisissez votre première culture, parmi toutes celles de l'ère correspondante, comme les Babyloniens ou les Égyptiens, ce qui va, à chaque fois, avec son lot de bonus spécifiques, un trait spécial et une unité unique.
Le processus se répétera à chaque changement d'ère, avec une opportunité de choisir une nouvelle culture tout en conservant la majorité des traits et bonus de sa culture passée. Il est aussi possible de transcender sa culture d'origine et de juste la conserver. Dans tous les cas, vous allez ainsi créer votre propre civilisation, complètement unique, composée d'un patchwork de cultures et d'influences diverses. Cela va aussi faire évoluer l'identité visuelle, le thème musical et la cinématique de transition de votre civilisation.
Vous pouvez donc commencer avec une civilisation martiale afin de conquérir vos voisins immédiats avec son unité unique redoutable, puis faire une transition vers une civilisation agraire pour accroître votre population, puis un empire marchand afin de payer la construction de vos infrastructures, et enfin vous orienter vers des génies de la recherche pour une potentielle victoire scientifique, ou son équivalent. Vous pouvez aussi enchaîner les cultures martiales à chaque ère et conquérir le monde. C'est original, et cela permet de s'adapter librement aux circonstances, même si cela manque tout de même un peu de la saveur propre à une civilisation prédéterminée au gameplay. Les Seigneurs brisés, Cultistes ou Nécrophages d'Endless Legend nous viennent à l'esprit dans ce domaine. Il reste à voir si certaines des cultures disponibles à la sortie proposeront des gameplays atypiques ou à haut risque, et si juste les plus conventionnelles étaient à disposition dans ce bref aperçu.
Melting potes
Cela donne en tout cas pas mal de liberté, et les autres civilisations ont aussi l'air d'exploiter la chose de différentes manières en fonction de leur IA. Certaines sont agressives et expansionnistes, d'autres préfèrent coopérer, et les différences culturelles ou idéologiques sont une source à la fois de tension et d'enrichissement. Les lois et décisions civiques que vous pouvez prendre dépendent davantage de l'évolution des mœurs ainsi que des événements, plutôt que d'une ressource magique que vous produisez dans un théâtre. Par exemple en décidant si les colonies que vous venez de fonder sont vassales ou égales aux vieilles cités. Ou si la religion devrait être séparée de l'état. Dans ce genre de situations, avoir un voisin n'est pas qu'une mauvaise chose, son influence peut éviter la stagnation, à la fois scientifique et culturelle, en vous permettant de débloquer certaines lois gratuitement à la demande de la population, c'est assez bien vu. Vous pouvez aussi tenter de vous isoler du reste du monde, du moins si la situation le permet, afin de garder votre empire sous un contrôle strict.
La guerre a encore changé
Les conflits sont presque inévitables dans un 4X, que cela soit pour vous créer un espace vital en début de partie, ou pour convaincre les tribus barbares hostiles que vos cités ne sont pas des self-service. Même en cherchant à jouer le pacifiste acharné, quelques batailles vous attendent tout de même. Et c'est ici que réside le principal point faible du jeu à nos yeux. Au premier abord, cela ressemble trait pour trait à du Civilisation 6, avec un terrain bien plus escarpé plein de falaises infranchissables. Mais lorsque vous entamez votre première bataille, vous découvrez que c'est le système d'Endless Legend qui est utilisé. La topographie locale devient un champ de bataille fermé durant laquelle les 2 unités, ou groupes d'unités s'affrontent par manche.
Commençons par signaler que vous pouvez former des piles d'unités qui font office d'armées, vous n'avez pas besoin de toutes les déplacer et de toutes les positionner une à une sur la carte générale, même si c'est une option. Le problème commence avec le système de renforts qui est horriblement mal désigné du point de vue de l'interface. L'interface qui est généralement peu pratique et lisible à l'heure actuelle, même sur un écran 4K, soit dit en passant. Espérons que sa lisibilité et son ergonomie seront améliorés aussi. Pour revenir à nos moutons, assiéger une ville va bloquer une grande zone et tenter de faire passer d'autres unités pour assister le siège ou juste pour atteindre un autre point de la carte est un véritable casse-tête.
De plus, lorsque vous lancez une bataille, l'unité ennemie peut juste choisir de battre en retraite une fois par tour, sans pénalité ou presque, pour son maximum de points de déplacement, même si elle les avait déjà utilisés. Alors que l'unité qui a initié l'attaque pour rien se retrouve automatiquement à court de points de mouvement. Cela donne des courses-poursuites ridicules et frustrantes. Qui plus est, le jeu a l'air de décider arbitrairement si la bataille comprend un élément de capture du drapeau, et quel camp doit le défendre. Il nous est arrivé d'attaquer une cité, et la garnison devait s'emparer de notre drapeau en dehors des murs de la ville pour remporter la victoire, ou éliminer tous nos assaillants. En cas de défaite, c'est l'annihilation complète qui l'attend. Cela n'a strictement aucun sens dans ce contexte, et pour avoir aussi été victime du scénario inverse avec un drapeau planqué arbitrairement de l'autre côté de falaises avec des rivières entre deux, il est vexant de perdre une unité bien supérieure à celle de l'ennemi parce qu'il nous est donné le choix entre capturer un drapeau ou mourir en essayant, ce n'est pas Verdun !
Le fait que les champs de bataille soient d'une taille trop réduite pour permettre des manœuvres complexes n'aide d'ailleurs pas. On se retrouve donc à utiliser une pile d'unités surpuissantes pour la moindre escarmouche afin d'éliminer complètement ces aléas pseudo-stratégiques absurdes. D'un autre côté, un bon point est que le siège des cités n'est pas le casse-tête infâme qu'on peut avoir dans d'autres jeux, puisque les armes de siège peuvent être créées sur place en maintenant le siège assez longtemps. Il reste néanmoins à voir si l'IA sera assez compétente pour nous empêcher de conquérir toute la carte les doigts dans le nez. Nous n'avons néanmoins pas trouvé l'énergie requise pour tester de tels scénarios sur l'OpenDev Lucy, puisqu'il souffrait de problèmes techniques notables, avec un crash du jeu tous les quelques tours en approchant de la centaine d(probablement une fuite de mémoire). La fin de partie s'est donc déjà avérée assez longue et douloureuse sans en plus enchaîner les batailles.
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