La réaction ne se sera pas fait attendre bien longtemps. On vous en parlait un peu plus tôt (dans la journée du 13 août, pour être précis) : Epic Games avait pris "la liberté" de baisser ses prix en passant par-dessus la boutique Apple, et ce dans un souci de faire payer moins cher les v-bucks à ses joueurs Fortnite. Deux types de paiement étaient alors disponibles pour les amateurs de la monnaie ingame du Battle Royale, mais celui d'Epic Games était alors bien plus avantageux (2 $ de différence sur un pack à 9,99 $).
Apple et Google n'apprécient pas et réagissent...
L'intention était certes louable (tout du moins du point de vue de l'acheteur), mais Apple ne l'a pas entendu de cette oreille et a supprimé l'application Fortnite de sa plateforme de téléchargement, l'App Store. Le géant a accompagné son acte d'un communiqué, qu'on peut qualifier de "direct", paru dans The Verge :
"Aujourd'hui, Epic Games a fait l'erreur de ne pas respecter les lignes de conduite de l'App Store qui sont pourtant les mêmes pour tous les éditeurs, et qui sont créées afin de conserver une boutique sécurisée pour nos utilisateurs. C'est pourquoi l'application Fortnite a été retirée de la boutique. En effet, Epic a activé une fonctionnalité qui n'était pas validée par Apple, et ce en sachant pertinemment que cela ne respecterait pas nos lignes de conduite, en particulier en ce qui concerne les payements sécurisés de nos services.
Epic possède des applications sur l'App Store depuis une dizaine d'années et a toujours bénéficié de l'écosystème de la boutique, ses outils, sa distribution, ce dont Apple fait profiter tous les éditeurs. Epic a accepté les termes d'utilisation de l'App Store et ses lignes de conduite de son plein gré et nous sommes heureux qu'ils aient aussi bien réussi sur l'App Store. Le fait que leurs intérêts financiers les poussent à vouloir un nouvel arrangement avec nous ne change pas le fait que la boutique doit rester une zone sécurisée pour les payements des joueurs. Nous ferons les efforts nécessaires pour travailler sur le sujet avec Epic, et ce afin que Fortnite revienne au sein de la boutique."
Mise à jour 14 août au matin : Nous avons appris dans la nuit que Google avait eu, de son côté, sensiblement la même réaction qu'Apple. Tout du moins, le résultat final est identique : Fortnite est supprimé du Google Play Store. Les raisons invoquées sont aussi quasiment les mêmes, et c'est tout simplement le fait qu'en agissant de la sorte, Epic Games ne respecte alors plus les réglementations du Google Play Store (qui prend aussi 30 % de commission au passage), mais qui est supposé être plus "laxiste" que la plateforme d'Apple. La seule vraie différence dans cette histoire, c'est que Google et Epic Games ont un passif puisqu'en 2018, Epic Games avait décidé de distribuer directement son jeu, en occultant la plateforme de téléchargement. Cela était uniquement rendu possible par la technologie Android, plus permissive que l'iOS d'Apple. S'en était suivie une bataille d'influence, qui avait finalement vu Epic Games capituler après de longs mois, pour revenir au final dans le giron du Google Play Store.
Concrètement, à l'heure actuelle et après tout ce qui s'est passé dans la soirée et la nuit d'hier, Fortnite est retiré des deux plateformes de téléchargements de Google et d'Apple. Sur iPhone et iPad, le jeu est strictement impossible à installer de quelque manière que ce soit. Sur Android, cela est toujours faisable par l'intermédiaire soit de l'application Epic Games, soit du Samsung Galaxy Store si vous possédez un Samsung.
... Et Epic Games lance une procédure contre Apple
Mais l'histoire ne s'arrête pas là, et risque même de prendre de sérieuses proportions dans les temps à venir. En effet, les pratiques du géant Apple en ce qui concerne la part de 30 % qu'il s'octroie d'office sur toutes les transactions de l'App Store ne semblent plus convenir à certaines structures. Et le combat risque de se passer devant les tribunaux sous peu, puisque Epic Games a directement diffusé une plainte contre Apple (à lire ici). Celle-ci met justement en valeur le fait que (selon Epic Games), Apple n'en fait concrètement "pas assez" pour justifier les 30 % prélevés sur chaque payement dans la boutique. Epic Games précise aussi que le but de cette procédure n'est absolument pas de soutirer de l'argent à Apple, mais bien de dénoncer une pratique qui lui semble totalement inadmissible.
Sur un ton toujours plus cynique, Epic Games, qui a l'air bien solide sur ses appuis, a diffusé cette vidéo ingame, comme cela a déjà été fait parfois avec des films ou autres concerts.
Celle-ci fait directement, et de manière très parodique, référence au roman 1984 de George Orwell, sûrement une des dystopies les plus étudiées de l'histoire de la littérature. On retrouve cette référence tout au début de la plainte d'Epic Games, et Apple semble clairement dans le viseur de l'éditeur.
"En 1984, Apple a lancé le Macintosh, le premier ordinateur produit en masse pour les familles. Le produit avait été lancé avec une publicité qui évoquait le roman de George Orwell, 1984. Apple était la force révolutionnaire et IBM le géant avec le monopole du marché. Steve Jobs expliquait alors que IBM voulait tout posséder, tout contrôler, et que Apple était le seul à pouvoir concurrencer IBM dans cette course.
Et l'on revient en 2020, et Apple est devenu ce sur quoi il a tiré à l'époque : le béhémoth qui tente de contrôler tous les marchés, de bloquer la concurrence et résorber l'innovation."
Pour mémoire, voici la publicité pour le premier Apple Macintosh en 1984. La ressemblance est frappante — et voulue — et prouve qu'Epic n'a aucunement l'intention de se laisser marcher dessus. Pour cela, un hashtag #FreeFornite est lancé, et il remportera, à n'en pas douter, un franc succès dans les heures et jours à venir.
Un passage écrit et des vidéos éloquents qui en disent long sur les ressentiments d'Epic Games à propos d'Apple. Et l'éditeur possède déjà quelques alliés dans sa lutte à venir, puisque l'Union Européenne elle-même a ouvert des enquêtes sur les méthodes employées par Apple pour faire effectuer les payements dans sa boutique (voir par ici). Spotify semble aussi être de la partie, et il n'est pas interdit de penser que d'autres éditeurs pourraient suivre très prochainement le chemin tracé par les plus influents d'entre eux.