Première question, assez simple : Qui est Alicia ?
Je suis arrivée chez Ubisoft France en 2015, pour mon stage de fin d’études en tant qu’assistante événementielle et PR. Suite à ça, j’ai été recrutée dans la même équipe, pour m’occuper de l’événementiel pour la filiale France, notamment de la Paris Games Week. Puis, au départ du chef de produit de Rainbow Six, on m’a demandé d’aider sur un événement esport, la Coupe de France R6 2017. Ça a été mon premier vrai contact avec l’esport et la communauté de R6, qui a été une expérience très enrichissante. J’ai souhaité continuer à m’investir dans l’esport et Ubisoft France m’en a donné la possibilité en me nommant « Esports & Events Manager » en mai 2018. Aujourd’hui, je m’occupe donc de toute la stratégie Esports des jeux d’Ubisoft au niveau français.
Dans le milieu, tout le monde te connaît et vient te voir au moindre pépin. Tu es une sorte de gourou du Rainbow Six français non ?
Je suis très contente de voir que les joueurs, structures, et fans, n’hésitent pas à venir me voir pour le moindre problème. J’essaie toujours d’être à l’écoute et de faire en sorte que l’on avance dans le bon sens. En arrivant dans ce domaine, c’était assez nouveau pour moi et j’avais tout à apprendre, ou presque. J’ai dû beaucoup m’appuyer sur la communauté et écouter pour apprendre à leurs côtés. C’est quelque chose qui me tient, aujourd’hui, toujours à cœur : échanger, partager et créer une relation de confiance avec la communauté.
Tu as une réputation de personne qui aime bien prendre les devants et rester maîtresse de la situation en toute circonstance. Est-ce le cas ?
J’ai toujours aimé prendre les devants et être force de proposition. L’événementiel a d’ailleurs renforcé cette partie de moi, car il faut être très organisée et tout anticiper. Mais cela m’a également appris à m’adapter en cas de changement de dernière minute, car rien ne se déroule comme prévu dans ce domaine ; mais c’est ce qui en fait sa beauté, aussi.
J’imagine que développer la scène française de Rainbow Six est un dur labeur ?
Ce n’est en effet pas simple, car il est difficile de répondre aux attentes de tous, même si j’aimerais ! Mon objectif reste le même : continuer de développer la scène esport sur tous les niveaux, en créant par exemple de nouvelles compétitions, que ça soit pour les professionnels, avec la 6 French League, les semi-pro, avec les 6 French Challengers ou les amateurs, avec la 6 Student Trophy. L’esport R6 a beaucoup évolué en 5 ans et on va continuer sur cette lancée !
Petit saut dans le temps : nous sommes quatre années auparavant, comment tu dois gamberger quand il y a tout à faire ?
C’est très stimulant, car on part de presque rien ; il y a tout à construire. Il y a 4 ans, ce n’était pas moi, mais Jérémy Somville qui s’occupait de l’esport sur R6 et il a vraiment construit une base solide pour la communauté. Par la suite, j’ai repris le flambeau et j’ai continué son travail, en développant la stratégie esport en France, avec par exemple la création d’une ligue nationale, la 6 French League et de sa division 2, les 6 French Challengers.
Le plus dur dans tout ça, j’imagine que ce sont les coûts et la rentabilité ?
Il y a bien sûr un coût à créer des compétitions et tout ce qu’il y a autour, qu’elles soient online ou offline. Et notre budget n’est pas illimité. Nous devons parfois faire des choix entre deux activations, deux idées ou deux compétitions. Néanmoins, Ubisoft a à cœur de soutenir l’engouement de la communauté et de soutenir le développement de ses scènes locales. En 4 ans, nous avons réussi à créer des compétitions pour tous les niveaux et ce n’est que le début.
Quelles sont les choses que vous ne pouvez pas faire actuellement, mais que vous aimeriez - si vous aviez des moyens illimités - faire, là, tout de suite, maintenant ?
J’aimerais continuer de développer des tournois et outils pour soutenir la communauté et répondre à tous les besoins et demandes. On y arrive petit à petit et le programme esport Rainbow Six français a déjà bien évolué en à peine 4 ans. Par exemple : nous n’avions pas autant de compétitions nationales à nos débuts. Nous continuons de faire notre maximum pour faire grandir le programme français.
Ta place de représentante de l’éditeur de jeu est complexe. Tu dois veiller à démocratiser l’esport du jeu à l’échelle nationale et locale, et veiller à ce que de nouveaux talents émergent, mais tu ne peux pas pour autant intervenir directement, autrement que par la création de tournois. Comment t’y prends-tu ?
Ubisoft et notamment les équipes de R6 sont toujours à l’écoute de nos fans et de nos communautés. En ce sens, ma place n’est pas vraiment complexe puisque nous allons tous dans le même sens. Par exemple dernièrement, nous avons revu tout l’écosystème au niveau mondial avec une vraie progression de la scène nationale aux compétitions internationales. Nous avions cette volonté d’avoir un lien entre le circuit national, européen et international, depuis longtemps ; en travaillant tous ensemble, nous y sommes arrivés !
Comment occuper les joueurs mineurs, qui restent un vivier de talents dont on devra se servir ? Es-tu sensible à cette question ?
Évidemment, car tous les joueurs sont importants à nos yeux. Mais Rainbow Six Siege est un jeu PEGI18 et Ubisoft a donc pris la décision d’interdire les compétitions professionnelles aux moins de 18 ans. L’objectif est de s’assurer du bon environnement des joueurs quand ils feront ce choix professionnel pour leur carrière.
Parlons de la 6 French League, ton « bébé ». Comment est-ce qu’on créer une ligue nationale de A à Z ? Quelles ont été les plus grosses difficultés ?
C’est un projet qui a été passionnant. J’ai commencé par réfléchir aux différents formats possibles, à la temporalité et à la cohérence vis-à-vis de l’écosystème français et européen. Une fois mon plan en tête, j’ai trouvé un partenaire idéal pour m’aider dans la création de cette ligue. Webedia est arrivé en tant que coproducteur de la 6FL et m’a permis de viser encore plus haut grâce à ses équipes et ses outils. Puis, il a fallu réfléchir au marketing, à savoir son nom et son logo et ça a été passionnant de réfléchir à tous ces aspects. Annoncer la compétition a été très stressant, j’avais peur de la réaction de la communauté, mais cela s’est très bien passé, tout comme le lancement. Je n’ai pas vraiment rencontré de « grosses » difficultés, mais le projet dans sa globalité était ambitieux et il a fallu faire beaucoup de choix, notamment sur le format et les candidatures. Nous sommes très fiers et contents du résultat final, même si nous allons continuer à améliorer la compétition chaque année pour l’amener toujours pour loin.
T’attendais-tu un jour à devoir réaliser une telle tâche ?
Oui, et j’en avais l’espoir ! Je sentais que la communauté se développait de plus en plus et je savais qu’on pouvait créer une nouvelle compétition, encore plus ambitieuse.
Chaque choix réalisé te confronte directement à une communauté tout entière. Il y a par exemple eu le cas des relégations / promotions en amont de la saison 2 qui a beaucoup fait parler, au même titre que la récupération d’un slot par l’équipe de Liven ou le départ de Grizi Esport dans la foulée. Comment fais-tu pour gérer ces cas ?
J’essaie de prendre un maximum de recul et de ne surtout jamais le prendre personnellement, même si je suis très impliquée dans mon travail. Nous avons parfois pris des décisions qui ont déplu, nous avons parfois fait des erreurs, mais on apprend, on se relève et on fait mieux. Souvent aussi, nos décisions sont jugées sans connaître tous les éléments, internes ou externes, qui nous ont poussés à prendre cette décision. Mais c’est aussi le jeu !
Jusqu’à quel point Ubisoft Europe et Monde interviennent dans la création et le suivi d’un championnat national comme celui de la R6FL ?
Je m’occupe de créer la stratégie de A à Z au niveau local et j’en discute ensuite avec Ubisoft Europe, pour vérifier que mon plan est cohérent, fonctionne au niveau des dates, et tout ce qui va avec. Chaque filiale travaille pour avoir une cohérence au niveau européen sur certains éléments, comme par exemple avoir un championnat national, avoir les mêmes règles, mais après nous sommes libres d’adapter notre plan par rapport à notre communauté, à sa maturité et tout le reste.
Peux-tu dévoiler, en exclusivité mondiale, le top 3 de tes équipes favorites sur Rainbow Six ?
#GoBaguette & FR>ALL, c’est tout ce que tu auras de moi !
Et le plus beau moment que tu as vécu sur R6 au niveau de ta profession ?
Si je devais n’en citer qu’un, ça serait les finales de la 6 French League à la Paris Games Week, en 2019. C’était l’aboutissement d’une année de travail avec plus de 3000 personnes devant la scène, un spectacle de dingue et des joueurs incroyables.
Il est grand temps de se quitter. Qu’est-ce que tu vas aller faire dans la foulée, sans indiscrétion ?
Continuer de travailler sur un projet encore secret. Stay tuned.
Photo : Valentin Nauton