Kära dagbok,
T’ai-je déjà raconté pourquoi je fais ce métier de joueur professionnel de Rainbow Six ? Non ? Très bien, ouvre grand tes mirettes, je n’aime pas trop me répéter : tu vois, en Suède, mon pays, il y a un gars avec un nez plutôt imposant, une réputation légendaire, et une aisance à manier les ballons de football. Bon bah ce type… Zlatan, exactement ! Par contre, ne m’interromps plus jamais de la sorte cher journal… Bah c’est une légende. Un peu comme moi, tu vois. Si bien qu’à Malmö, sa ville natale, ils lui ont érigé une statue culminant à plus de deux mètres.
Mon objectif, c’est d’avoir moi aussi une petite statuette me représentant à Piteå, qui est en quelque sorte mon QG. Ainsi les 20 000 habitants de la bourgade pourront venir chanter mes louanges. Disons que 3 mètres, ce serait plutôt bien. À la hauteur de ma réputation de meilleur joueur du monde quoi. Ah oui, cher journal, j’aurais peut-être dû commencer par me présenter ! Je suis Fabian, le meilleur joueur du monde. Et en ce moment, je participe au plus gros événement de Rainbow Six : Le Six Invitational, à Montréal. Tu sais, Montréal c’est un peu devenu comme chez moi. Quand je suis à Place Bell, je joue à domicile. Depuis deux ans, je repars à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau avec un giga-marteau, le trophée du tournoi, dans mes bagages. Pas très pratique pour passer la douane, c’est vrai, mais que veux-tu ? C’est ça d’être le meilleur au monde. Ça impose des responsabilités.
Un peu comme le fait d’être capitaine. Hier, c’était notre premier match du tournoi, face à la Team Reciprocity. Des petits Américains qu’on avait déjà battus l’année dernière sur la grande scène. Sans surprise, on a évidemment encore gagné. Quoique ce fut assez compliqué. Il faut dire qu’on a changé un joueur dans notre équipe il n’y a pas longtemps : Cryn. Un allemand. On l’avait recruté pour ses stats en Challenger League, mais finalement il n’a pas été très performant chez nous. Une preuve de plus que tout ce qui n’est pas nordique, c’est de la mauvaise came.
Du coup, pour aller chercher un nouveau Six Invitational, on a pris SirBoss. C’est un Hongrois qui a l’air d’avoir un balai coincé dans l’arrière-train. À vrai dire, c’est pas comme si on a eu une multitude d’options avant de s’envoler pour le Canada. Ce qui me gêne avec SirBoss, c’est qu’il a l’air si fragile, et puis il ne sourit jamais. Même quand on a voulu faire une vidéo promotionnelle de l’équipe où j’étais censé lui montrer que je suis le boss. Et que je n’ai pas besoin qu’on m’appelle Sir juste avant pour me faire respecter. On aurait dit qu’il n’avait pas compris le but et qu’il avait une constipation. C’était étrange.
Est-ce pour ça qu’il a réalisé un premier match de Six Invitational pas tip top ? Je ne sais pas. Mais du coup, j’ai dû faire encore pire que lui pour le soutenir et lui redonner un peu confiance. C’est ça d’être un vrai capitaine. Moi qui enchaîne les entraînements dignes d’un meilleur joueur du monde depuis des semaines, j’ai fait en sorte de tout rater pour lui faire croire qu’il se débrouillait pas trop mal. Bon… à un moment j’étais vraiment au fond, à force de jouer la comédie. Je te raconte pas la scène : moi en train de vider et d’aligner les canettes de Red Bull comme si c’était des bières que l’on prend au rade du coin pour se vider la tête.
Heureusement, les deux pépites qui viennent de mon centre de formation personnel, la Gifu academy, se sont bien démerdées. C’est pour ça que je les ai félicités chaleureusement en fin de partie. Ah là là… Mon petit Kanto et mon petit Uuno… Faudra vraiment qu’on pense à recruter finlandais après le Six. Fais-le-moi rappeler à l’occasion, cher journal !
En attendant, sache qu’on va tout donner pour honorer l’invitation qu’Ubi nous a délivrée. De toute façon, même eux ils savent qu’on va aller au bout. Sinon pourquoi nous avoir fait venir ? Sache que tout ça est écrit à l’avance, histoire de créer un peu de suspens, pour une fois. Gagner en écrasant tout le monde à chaque fois, c’est mauvais pour le storytelling. Là on met le doute pour faire croire qu’on revient de loin, pour balancer de l’émotion à tout va, un peu comme dans les films de Rocky. Tu vois ?
Notre slogan, qui a d’ailleurs été repris par Obama et Trump, c’est « make G2 great again ». Parce que c’est ça dans le fond qu’on vient chercher à Montréal. Et rien d’autre. C’est pour ça que je compte bien lâcher mes meilleures actions contre BDS et partir tweeter dans la foulée que je suis le meilleur joueur du monde. Une simple piqûre de rappel. D’ailleurs, cher journal, je te conseille de suivre ce match. Il risque d’être tout simplement dingue.
Bon, je vais te laisser, il faut que j’aille voir Doki, le hobbit qui accompagne les Na’Vi. Histoire de le chambrer un peu pour leur défaite contre les SpaceStation Gaming. J’ai suivi un peu les résultats des autres groupes, et on peut dire que ce Six Invitational va être très relevé. Ça tombe bien, cela ne sera que plus gratifiant lorsqu’on soulèvera de nouveau le teau-mar.
Prends soin de toi, cher journal, à demain.
Cet article est bien évidemment une fiction et n'a en aucun cas été rédigé par Fabian Hällsten.
Crédit Photo : Rainbow Six Esports Brasil