Le 16 décembre, la Global Esports Federation (GEF) annonçait sa création, au cours d'une cérémonie chic et policée, dans l'enceinte de l'hôtel JW Mariott à Singapour. Par le biais d'un communiqué, l'organisation a introduit son conseil d'administration « diversifié » et composé « d'experts de classe mondiale ayant une grande expérience de l'esport ».
Son Président, Chris Chan, Secrétaire Général du Conseil National Olympique de Singapour depuis février 2002, a déclaré dans son allocution :
« La GEF voit une excellente occasion pour l'esport de tirer des enseignements des sports traditionnels en termes d'expérience dans le développement du sport, d'adhérer à une position de " non-violence ", de maintenir une compétition équitable, de promouvoir l'égalité des sexes, de prévenir toutes sortes de mauvaises pratiques et de comportements opportunistes, d'interdire l'utilisation de stimulants, de renforcer l'autoréglementation de l'industrie, et de s'occuper du développement physique et mental des joueurs.
La GEF est également convaincue que grâce à des activités organisées et normalisées qui sont conformes aux valeurs olympiques, l'esport va se développer dans un sens positif et sain ».
Pour mener à bien cette lourde tâche, la Global Esports Federation compte s'appuyer sur l'un de ses nombreux Vice-Président, qui n'est autre qu'Edward Cheng, Vice-Président de la multinationale Tencent. Ou inversement.
La holding Chinoise est propriétaire de Riot Games (League of Legends), Supercell (Clash of Clans), et actionnaire minoritaire d'Epic Games (Fortnite) à 40%. La compagnie, qui détient aussi des parts dans Activision-Blizzard et Ubisoft (à hauteur de 5%), a indiqué via son vice-président, son intention de « coopérer avec la GEF sur des domaines comme la propriété intellectuelle et l'organisation d'événements esport ».
La Global Esports Federation peut actionner un premier levier : celui du monde du sport traditionnel et des institutions olympiques, très présentes au sein de son conseil d'administration. Sur ses dix-sept représentants, dont trois femmes, la GEF intègre dans ses rangs d'autres vice-présidents émérites, dont l'ancienne athlète Canadienne Charmaine Crooks, médaillée d'argent aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984. Mais aussi le Chinois Wei Jizhong, 83 ans, ancien président de la Fédération Internationale de Volleyball (FIVB), et vice-président honoraire à vie du Conseil Olympique d'Asie.
Parmi les autres membres du conseil d’administration, siège l'homme d'affaires Chris Overholt, CEO d'OverActive Media (Toronto Defiant, Mad Lions), également ancien président du Comité Olympique Canadien. Chester King, CEO de la British Esports Association. Lorenzo Giorgetti, directeur des affaires commerciales de l'AC Milan, ou encore Adrian Lismore, ancien directeur des affaires commerciales de la marque BP, reconnue dans l'extraction, le raffinage et la vente de pétrole.
La prolifération d'éditeurs privés, qui agissent de façon indépendante pour réguler leur propre marché ainsi que leurs propres compétitions, a donné naissances à des entités — qui peuvent être perçues au même titre que des groupes d'influence — pour tenter de régir un secteur de l'esport assimilé à une bulle financière dans le monde entrepreneurial. En France, l'exemple de France Esports se distingue de la Global Esports Federation, dans la mesure où la GEF est la première organisation à recevoir un leader privé du marché comme partenaire directement dans ses rangs.
Dans cette guerre d'influence, l'International Esports Federation (IeSF), créée en 2008 et reconnue par cinquante-six États, renouvelait elle aussi, le 20 décembre, son comité exécutif.
L'occasion pour l'association de réélire son président Sud-Africain Colin Webster, fort de ses « trente ans d'expérience dans l'esport », et d'accueillir le Cheikh Sultan bin Khalifah Al-Nahayan, membre de la famille royale des Emirats Arabes Unis, ou le président de l'influente Korean Esports Association (KeSPa), dans la très grande famille de l'esport.