La saga Total War fait maintenant figure de référence dans le monde du jeu de stratégie. S’embellissant au fil des années, elle a su se renouveler maintes et maintes fois tout en gardant son noyau intact. Cependant, sans être décevant, le dernier titre manquait d’améliorations majeures et laissait entrevoir une licence en manque de fraîcheur. Plusieurs fois retardé, Total War: Three Kingdom arrive enfin chez nous, et autant dire directement que l’attente en valait la peine.
- Genre : Stratégie tour par tour, tactique en temps réel
- Date de sortie : 23 mai 2019
- Plateforme : Windows, MAC, Linux
- Développeur : Creative Assembly
- Éditeur : SEGA
- Prix : 59,99€
- Testé sur : Windows
Romantique à souhait
C’est une première dans l’histoire de la saga : ce nouveau Total War prend place dans la Chine du début de notre ère, à l’époque de ce que l’histoire retient comme «Les trois royaumes». Et ce n’est pas anodin si le titre de ce nouveau jeu porte exactement le même nom, car les développeurs se sont ouvertement inspirés des différents récits et romans historiques de l’époque pour construire ce nouvel opus. Il semblerait en effet que Creative Assembly se soit laissé porter par l’aspect héroïque de l’univers de Warhammer, car la grande nouveauté de ce titre réside dans l’apparition d’un mode de jeu inédit : le mode romance. Celui-ci a pour vocation de vous faire jouer les différents héros de la Chine antique tels qu’ils y sont décrits à travers la littérature romanesque de l’époque.
Dans ce mode, contrairement à un Total War plus classique, chacun de vos généraux est un personnage unique capable de renverser à lui tout seul le cours d’une bataille. Celui-ci possède donc des statiques très avancées par rapport aux autres unités. A l’instar d’un Total War: Warhammer, les généraux constitueront donc le cœur de votre armée. Cela signifie également que tous les personnages principaux de votre faction ne peuvent mourir de vieillesse et son capable de survires à des blessures qui leur seraient normalement fatales.
Mais leurs spécificités ne s’arrêtent pas là. En effet, en tant que personnage unique, il vous sera possible de provoquer des duels avec un l’un des généraux ennemis en pleine bataille. Si l’adversaire accepte, les deux opposants s’affronteront alors dans une chorégraphie de mouvements plutôt bien orchestrée et variée selon les armes dont sont équipés les champions. Attention cependant, la seule façon de quitter un duel avant sa résolution est de faire fuir votre général, ce qui impactera drastiquement le moral de vos troupes. Il faudra donc choisir judicieusement votre adversaire ainsi que le moment à partir duquel provoquer le duel car ce dernier peut parfois prendre du temps, et votre général aurait peut-être été plus efficace ailleurs. Bien que plutôt innovant, cette nouvelle fonctionnalité reste très contextuelle et est difficile à bien utiliser, rajoutant encore plus de piment à vos batailles.
Les spécificités liées au personnage unique se retrouvent également en mode campagne. Ici, les développeurs vous proposent de suivre les histoires des chefs de factions telles qu’elles sont décrites dans les légendes. Même si l’objectif final reste globalement le même, c’est-à-dire devenir l’empereur de Chine (ni plus, ni moins), le jeu vous propose différentes manières d’y arriver. Il vous sera donc possible de suivre certaines quêtes spécifiques liées à votre personnage, vous laissant parfois choisir entre différents embranchements historiques. Sur le papier, l’idée est très intéressante et renforce l’immersion une fois en jeu. Cependant, certains objectifs sont plus difficiles à atteindre que d’autre, et l’évolution de la partie les rend parfois très complexes, voire impossibles à atteindre. Il vous reste toujours la possibilité de devenir empereur par la voie classique de la conquête, mais on ne peut s’empêcher de ressentir de la frustration lorsque notre quête d'histoire fait du sur place. Notez enfin que ces spécificités de personnages uniques sont uniquement liées au mode Romance. Il vous sera tout à fait possible de jouer à un mode traditionnel dans lequel vos chefs de factions seront bel et bien mortels.
La diplomatie, la vraie
Outre ce nouveau mode de jeu, l’autre innovation majeure de ce Total War réside dans l'amélioration de son système de diplomatie. Parent pauvre de la saga, la gestion des relations entre les différentes factions a toujours été la partie offrant la plus grande marge de progression. Et si l’on pouvait passer outre dans certains des précédents opus, ici il n’en est plus question. Avec ce nouveau système, la diplomatie devient un élément presque aussi essentiel que vos batailles sur le terrain.
Cette amélioration passe par plusieurs points : le premier est que vous disposez maintenant d’un statut beaucoup plus détaillé sur vos relations avec vos voisins (avec tout de même 7 niveaux différents). Le second est que le nombre d’options, que ce soit pour le commerce, la guerre, ou les alliances, a été largement augmenté, offrant un plus large panel de possibilité pour gagner la faveur de vos rivaux ou alliés. Et la troisième réside dans les malus qui sont attribués à une faction lorsque celle-ci brise un accord de manière trop brutale. Par exemple, si vous décidez de déclarer la guerre à votre voisin sans avoir au préalable renié votre pacte de non-agression, cela affectera bien évidemment drastiquement vos relations avec cette faction, mais vous souffrirez en plus d’un malus spécifique indiquant aux autres factions que vous n’êtes pas digne de confiance, rendant donc vos futures négociations plus difficiles. Fini donc les alliés de longue date qui retournaient leur veste en quelques tours.
Un dernier facteur soulignant l’importance de la diplomatie réside plus dans la structure de la carte elle-même. D’une taille gigantesque, celle-ci vous forcera à négocier des alliances solides avec certains de vos voisins afin de protéger les angles morts de votre empire. Négliger ce point vous sera bien plus préjudiciable que par le passé. Grâce à toutes ces nouveautés, la diplomatie devient un réel plaisir, et, bien des guerres peuvent maintenant être gagnées sans verser une seule goutte de sang.
Cependant, gérer vos relations à l’extérieur ne sera pas votre seul souci. Une autre nouveauté de ce titre consiste à rajouter des traits de caractères à chacun de vos généraux. Tout au long de votre campagne, ceux-ci développeront entre eux des affinités et des aversions. Plus leurs affinités seront fortes, plus leurs prouesses au combat se renforceront. Cependant, les négliger aura des conséquences désastreuses sont vos troupes. Il en va de même avec certains généraux ennemis, avec qui certaines rivalités peuvent se créer. Même si ce système est plutôt intéressant, il a le défaut d’être parfois confus et rend à certains moments le jeu plus complexe que nécessaire.
C’est le même, mais en différent
D’autant plus que cette nouveauté s’accompagne d’un changement de taille pour tous ceux qui ont déjà touché à un Total War : chaque général ne peut maintenant compter qu’un maximum de 6 unités sous ses ordres, et chaque armée ne peut contenir qu'un maximum de 3 généraux. L’objectif étant principalement de forcer le joueur à construire ses armées en tenant compte du nouveau système de relation mis en place. Cependant, cela s’accompagne d’un effet pervers : dans cet opus, les unités que vous pouvez recruter avec chaque général dépendent du général en lui-même. Ce qui signifie que vous ne pouvez pas complètement choisir la composition de votre armée, notamment si vous souhaitez faire attention aux relations que peuvent entretenir vos généraux entre eux. Un choix audacieux de la part des développeurs qui a la mérite de vous y faire réfléchir à deux fois avant d’embaucher un général, mais qui limite la créativité et la liberté que l’on pouvait avoir dans les précédents opus.
Hormis quelques unités spécialisées, exit donc les bâtiments de production permettant de produire telle ou telle unité. Si cela peut sembler dommageable au premier abord, il faut avouer que ce manque est vite comblé par la quantité impressionnante de bâtiments disponibles. Bâtiments qui devront être débloqués comme à l’accoutumée par le biais de différentes recherches. Cependant, il vous sera toujours possible de compter sur les unités et attributs spécifiques de chaque faction (qui sont ici aussi nombreux que diversifiés) pour ajuster vos compositions selon votre style de jeu.
Ce Total War signe aussi le grand retour de la gestion des réserves de nourriture de votre faction. Couplé à un système de croissance de la population de vos villes, il vous faudra gérer précautionneusement vos réserves pour ne pas tomber en pénurie et favoriser ainsi les rébellions (qui sont menées ici par les turbans jaunes) dans vos contrés. Même si cet aspect est une fois de plus très plaisant, il faut souligner que l’IA gérant les rébellions est aux fraises, vous laissant largement le temps de faire face à ces petits problèmes, rendant parfois la gestion de cette ressource superflue. Mais malgré tous ces petits défauts, le mode campagne d’un Total War n’aura jamais été aussi complet. Il est difficile d'être exhaustif tant le nombre de petites modifications est important. Cela passe par la refonte des commanderies, du système de ravitaillement des armées ou encore par l'instauration d'un conseil de guerre vous permettant de générer régulièrement des quêtes offrant divers bonus. Rajoutez à cela un système d’espionnage revu et bien plus complet, et ce sont des dizaines d'heures de gestion qui vous attendent. Le tout sans compter les nombreuses batailles que vous aurez à mener.
Car, même si les affrontements d’armées ne bénéficient pas de modifications aussi drastiques que dans le mode campagne, on y trouve quelques améliorations sympathiques telles que l’indicateur de menace selon l’unité sélectionnée, des fiches d’unités plus claires et des terrains très variés. Les sièges de villes font aussi leur grand retour. Se rajoute à cela l’efficacité classique du gameplay de la saga, rendant ainsi les affrontements toujours aussi jouissifs et intenses, particulièrement lorsque l'on arrive à déjouer les pronostiques avec quelques mouvements stratégiques bien placés. On notera également une légère amélioration de l'IA qui semble un peu mieux maîtriser ses déplacements d'armées pour notre plus grand plaisir.
La Chine et ses techniques
Abordons pour finir l’aspect technique du titre. Ce qui impressionne le plus au premier regard, c’est le travail qui a été réalisé sur l’esthétisme du jeu. Outre un côté pastel très prononcé rappelant les peintures à l’encre chinoise, l’attention portée aux détails des différents personnages et menus créé l'un des meilleurs sentiments d’immersion de la saga. Les décors de la carte sont, eux aussi, exquis, et l’on a parfois l’impression de regarder une carte postale. On notera que l’intégralité des doublages est disponible en Français, ce qui, malgré quelques traductions douteuses, est fort appréciable.
Cependant, malgré toutes ses qualités, la saga n’a pas encore réglé tous les problèmes qu’elle se traîne depuis de nombreuses années. Et en premier lieux ses temps de chargements, pour lesquels il faut néanmoins noter une très nette amélioration par rapport à ses prédécesseurs, mais le fait est que si vous n’avez pas installé le jeu sur votre SSD, certains chargements, notamment pour les batailles, vous sembleront interminables.
De plus, à l’instar du mode «Mortal Empire» de Total War : Warhammer, cet opus semble rencontrer quelques difficultés lorsque la partie s’éternise. Le nombre de factions augmentant avec la découverte de la carte, la durée d’un tour peut parfois prendre des allures d’éternité. Il faut cependant reconnaître que le défi technique est de taille et que le jeu s’en sort malgré tout avec les honneurs. Et l’on ne peut qu’apprécier le sentiment de prendre place dans l’histoire d’un gigantesque empire en pleine naissance.
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