À cheval entre jeu de plateformes et jeu de réflexion, GRIS est le premier jeu des barcelonais de Nomada Studio qui, contre toute attente, est édité par Devolver Digital, plutôt habitué aux titres bien gore et dynamiques comme Serious Sam ou Hotline Miami. GRIS, à l'inverse, est un titre très contemplatif, misant beaucoup sur son côté arty, et dénué de tout risque de mort, où l'on aide une jeune fille ayant perdu sa voix à retrouver son chemin. De l'aveu même de ses créateurs, GRIS se veut une expérience "calme et suggestive" faisant la part belle aux émotions et à la mélancolie. Le jeu sort aujourd'hui 13 décembre 2018, à la fois sur PC, Mac et Switch et pourrait bien être une bonne surprise pour cette fin d'année. Il a en tout cas déjà su se faire remarquer alors voyons si, au-delà de son ramage et de son plumage, il mérite que l'on s'y attarde.
- Genre : jeu de plateformes à énigmes
- Date de sortie : 13 décembre 2018
- Développeur : Nomada Studio
- Éditeur : Devolver Digital
- Plateforme : PC, Mac, Switch
- Prix : 16,99 €
- Testé sur : PC
À se casser la voix
L'histoire commence avec une jeune fille que nous appellerons Gris, faute d'avoir été officiellement informé de son nom, couché dans la main d'une immense statue de pierre. Dès son réveil, elle se met à chanter d'une voie claire et cristaline jusqu'à ce qu'elle perde celle-ci. Dépitée, elle s'écroule au creux de la main qui commence alors à s'effriter comme l'ensemble de la statue, laissant Gris tomber dans les airs, traversant une myriade de nuages où toutes les couleurs de l'arc-en-ciel se mèlent. Une fois au sol, seuls ses cheveux bleus et ses pommettes rouges gardent des couleurs, tout ce qui l'entoure n'est que nuance de gris sur fond blanc. Alors qu'elle avance nonchalemment aux milieu de débris et de ruines, on sent toute la tristesse qui est en elle.
Tout au long de l'aventure que vous allez vivre à ses côtés, il s'agira de recoller les morceaux de ce qui est à l'origine du chagrin l'ayant amené jusqu'ici. Ce monde est en effet très certainement de sa propre création et il va falloir l'aider à retrouver sa voix mais aussi les couleurs de la vie afin de la sortir de sa mélancolie et d'accepter ce qui la tourmente. Chaque étape franchie ravivera en effet une couleur amenant de nouveaux tableaux mais aussi de nouvelles émotions en même temps que de nouveaux éléments de gameplay. Le rouge nous conduira ainsi dans un désert sujet aux tempêtes de sables, alors que le vert nous fera visiter un univers bien plus agricole, avant que la pluie ne s'abatte sur le bleu et ses niveaux aquatiques ou que le jaune ne joue avec l'ombre et la lumière.
L'art de jouer de l'art
S'il y a bien une chose que tout le monde aura remarqué sur GRIS, c'est sa magnifique direction artistique très inspirée dans laquelle se mèlent ruines, créatures étranges et nombreuses statues. Dans cet univers onirique, signé Conrad Roset, que l'on traverse paisiblement à travers de somptueux tableaux peints à la main, baigné dans une musique de Berlinist on ne peut plus adaptée, tout en douceur et en mélancolie elle aussi avec beaucoup d'instruments à corde, on ne peut que se demander qui, après cela, peut encore douter que le jeu vidéo puisse être considéré comme un art. On en viendrait presque, une fois le générique de fin passé, à vouloir étudier plus en profondeur le monde de la peinture dans lequel baigne littéralement toute cette oeuvre.
Ne comptez pas en revanche sur des paroles ou même du texte, ils seraient d'ailleurs ici superflus. Même l'interface sait s'effacer devant tant de beauté, tout juste vient-elle de temps en temps nous indiquer comment exécuter les nouvelles actions possibles, mais rien de plus. C'est à votre sensibilité et à votre imagination que les artistes laissent libre court d'interpréter ce qui se déroule devant vos yeux. Et c'est très bien, chacun vivant ainsi sa propre expérience magique et féérique devant les souffrances de cette jeune femme perdue dans cet univers torturé tout en décomposition, mais aussi parfois en recomposition.
D'un point de vue plus technique, GRIS se présente comme un jeu relativement simple, tout en scrolling 2D. Ce n'est pas pour autant que son level design n'est pas travaillé ni que ses graphismes sont dénués de charme comme on a déjà pu le soulever. Par bien des aspects, que ce soit sa construction tout en horizontalité mais aussi beaucoup en verticalité, la présence de grottes, tunnels, sous-terrains et autres milieux aquatiques, son mutisme, son gameplay très simple se limitant à quelques actions, sa créativité, la présence d'un énorme oiseau noir béliqueux, et bien entendu la beauté tout en couleur de son univers onirique, GRIS a souvent réveillé en nous des sensations déjà rencontrées dans Ori and the Blind Forest. Avouez qu'il y a pire comme comparaison.
Certains déploreront peut être des séquences à rallonge où l'on avance pendant un long moment sans que rien ne se passe vraiment, mais celles-ci sont l'occasion d'instants poétiques où l'on s'imprégne de l'ambiance du jeu, tout en contemplation et en relaxation, aidé en cela par la musique qui nous accompagne et qui deviendra d'ailleurs très lyrique et bien plus puissante sur la fin du jeu. Dans la même idée on perd parfois le contrôle du personnage pour mieux contempler la scène qui prend forme devant nos yeux émerveillés. Bien qu'en 2D, les décors, très géométriques, disposent parfois de plusieurs plans, permettant de donner un peu de profondeur au jeu. Et on assistera, tour à tour, à un cadrage éloigné d'une grande finesse et des plans plus rapprochés qui, en revanche, pâtiront quelques fois d'une pixellisation un peu trop marquée.
Un voyage onirique au gameplay original
Le gameplay proposé par GRIS repose sur différents éléments. Parfois il s'agira juste d'exploration contemplative, d'autres fois il faudra faire preuve d'adresse en respactant un certain timing nécessitant une observation préalable, et d'autres fois encore cela consistera à résoudre des énigmes. Celles-ci visent à trouver le moyen de poursuivre notre route ou d'atteindre un certain point. Il s'agit tout particulièrement d'arriver à récupérer des étoiles qui permettront non seulement de débloquer des mécanismes indispensables, mais aussi d'acquérir de nouvelles compétences, ainsi que, une fois relachées dans le ciel, de créer des constellations sur lesquelles il sera possible de marcher pour atteindre un certain point. Il faudra par contre disposer du nombre suffisant d'étoiles pour que cela fonctionne, et nous devrons donc sans cesse rechercher celles qui nous manque.
La particularité de GRIS est de n'utiliser que 2 touches en tout et pour tout. La première permet de sauter puis, par la suite, de faire un second saut pour aller plus haut ou plus loin, ainsi que de planer un court instant en la maintenant enfoncée, grâce à notre robe. Et la seconde consiste à transformer notre robe en un gros cube bien lourd permettant de détruite les sols fragiles en sautant dessus, d'actionner des mécanismes, ou de résister aux coups de vents trop violents. Et dans la partie bleue, nous traverserons même de géniaux niveaux aquatiques dans lesquels notre robe nous permettra de nous propulser à la façon d'un calamar. Ces capacités s'acquèreront petit à petit et pourront même se cumuler grâce à des idées originales et ingénieuses. Malgré cette simplicité du gameplay, Nomada est en effet parvenu à renouveler sans cesse le gameplay de manière intelligente et efficace.
Il y a même un passage où nous seront accompagnés d'une sorte de petit Bernard l'Hermite avec qui nous devrons collaborer. Les casse-têtes nous demanderont d'ailleurs de nous creuser un peu la cervelle pour trouver comment nous en sortir. Et il faudra savoir faire preuve d'imagination, et même parvenir à réfléchir en faisant fi de la pesanteur ou tout au moins en étant capable de raisonner sens dessus-dessous. Un autre aspect fort bien vu est le fait d'accéder progressivement aux couleurs. Celles-ci se cumuleront au fur et à mesure et permettront, parfois en complément des compétences acquises, d'accéder à de nouvelles zones jusque-là inaccessibles. Les auteurs ont su faire preuve d'ingéniosité en parvenant à nous ramener toujours plus ou moins au même endroit mais par des biais différents.
Cet imbroglio de chemins et de directions possibles, même s'il y a bien quelques balises empêchant de trop s'égarer, reste peut être un point négatif. Comme nous n'avons aucune explication ni aucune indication, on ne sait jamais trop où aller et l'on peut redouter ainsi de passer à côté de certaines parties du jeu, faute d'avoir su aller au bon endroit au bon moment. Et l'on peut rajouter à cela des chemins débouchant sur des cul-de-sac ou des éléments qui semblent utiles mais ne le sont pas, nous induisant ainsi en erreur. L'absence de risque de mort réduit peut être la frustration, mais la crainte de rater quelque chose contrebalance ceci, sans parler des puzzles sur lesquels vous pourriez buter. Si vous parcourez l'aventure sans difficulté, cela devrait vous prendre environ 5 heures, peut être même un peu moins, mais si vous prenez votre temps ou rencontrez quelques difficultés avec certains passages, vous pouvez en rajouter une ou deux. Quoi qu'il en soit, GRIS s'avère être une aventure fort agréable et reposante, et ça fait drôlement du bien.
L'étrange puzzle game de NEXT Studio sort sur PC alors allons voir ce que dissimule cet étrange théâtre abandonné.
