L'éditeur français Mana Books s'evertue à sortir dans nos vertes contrées des artbooks, guides et autres bandes dessinées ayant pour thématique le jeu vidéo. Sentant le sujet important, l'éditeur s'est évertué pour traduire et publier le premier roman de Jason Schreier, Du sang, des larmes et des pixels.
- Pages : 384
- Format : 140 mm x 225 mm
- Date de sortie : 7 juin 2018
- Auteur : Jason Schreier
- Éditeur : Mana Books
- Prix : 18 €
- Extrait gratuit
J'ai beau aimé le jeu vidéal, j'ai mal
L'industrie vidéoludique est en pleine expansion depuis la fin des années 80. De nos jours, cette industrie brasse très large avec des milliards de chiffre d'affaire. Si vous êtes sur Millenium, vous êtes un joueur, mais combien d'entre vous connaissent l'envers du décor de ce milieu ? Il existe de nombreux ouvrages sur le développement de moteurs graphiques, de game design ou encore de livres d'artwork.
Quant au livre de Jason Schreier, ce dernier a pour vocation de libérer la voix des personnes qui font le jeu vidéo. Des artistes, des développeurs et autres chefs de projet, on découvre grâce à eux le fonctionnement concret d'un studio qui travaille sur une production vidéoludique. Entre les phases de crunching (des semaines, voir des mois où les employés dépassent allégrement les 70 heures de travail hebdomaire), les licenciements qui viennent pallier l'abscence de financement d'actionnaires (comme a pu témoigner le récent malaise chez Telltale) ou l'annulation pure et simple d'un projet.
Dans Du sang, des larmes et des pixels, Jason Schreier laisse témoigner des artistes, développeurs et chefs de projet sur des jeux tels que Destiny, The Witcher 3, Pillars of Eternity ou encore Stardew Valley et Shovel Knight. Les portraits sont divers, de même que leur histoire.
Vis ma vie de développeur indé
Du sang, des larmes et des pixels narre les développements de multiples AAA (Uncharted 4, Diablo III, Star Wars 1313) et de deux productions indépendantes (Shovel Knight et Stardew Valley), pour un total de dix jeux. Hormis la constante du crunching pour totalité des projets (si vous désirez travailler dans le monde du jeu vidéo, préparez à faire beaucoup d'heures sup'), les histoires se révélent être différentes.
Prenons le cas du développement de Dragon Age: Inquisition. BioWare avait couvé le premier Dragon Age (à savoir Origins) durant 8 ans. À sa sortie, le jeu était couvert d'éloges, aussi bien du côté des joueurs que de la presse, qui y voyaient une très bonne relève de Baldur's Gate. Le second opus n'avait bénéficié que de deux ans de production, avec à la clé un recyclage du contenu et un jeu qui manquait d'ambition. Le couperet est tombé et le jeu a été boudé. Les productions BioWare étant éditées par l'éditeur Electronic Arts, le studio pouvait bénéficier des technologies de leurs petits camarades. Dont acte. BioWare pouvait utiliser le moteur graphique Frostbite du studio de développement des Battlefield, c'est-à-dire DICE. Toute trace d'optimiste a disparue lorsque les ingénieurs de BioWare se sont rendus compte que le moteur Frostbite a été conçu pour développer des FPS, et non pas pour des RPG. Durant le processus de développement, les ingénieurs avaient réussi à créer un très bel univers pour leur jeu, fait d'armes qui était à l'origine d'un running gag en interne, qui disait que leur nouvelle production était un excellent producteur de fonds d'écran. Car oui, sans gameplay, nul jeu ne se détachera de la simple démonstration technologique. En plus du domptage d'un moteur graphique prédestiné avant tout aux FPS, l'équipe derrière Dragon Age: Inquisition devait sortir leur jeu sur les plateformes d'ancienne génération, c'est-à-dire la Xbox 360 et la Playstation 3. Les équipes devaient se creuser la cervelle pour pouvoir rendre le jeu fluide sur ces machines sans complétement dénaturer le jeu. Double défi technologique pour cette équipe qui devait se refaire une image après un second Dragon Age décevant pour un grand nombre de personnes.
Comme avec l'histoire précédente, les principaux intéressés du livre Du sang, des larmes et des pixels partagent avec nous de multiples anecdotes de développement et de moments de vie vécus, que ça soit durant, pendant ou après le développement de leur projet. À travers la lecture de ce livre, vous apprendrez à quel point le développement de jeux vidéo est difficile et les artistes et développeurs ne comptent plus tous les moments investis dans un projet au détriment de la vie de famille, voir de leur santé personnel.
Une très bonne lecture qu'est Du sang, des larmes et des pixels avec un auteur qui se voulait investi dans un sujet épineux que l'industrie vidéoludique tente tant bien que mal de dissimuler depuis un peu trop longtemps déjà.