En cette saison estivale, on vous propose en exclusivité l'interview de Weldon Green, ancien coach assistant de l'équipe League of Legends de G2 Esports et des TSM. Weldon s'est plié à l'exercice et a répondu à nos questions, en toute honnêteté, pendant près d'une demi heure. Le rôle de coach assistant est souvent un rôle méconnu, mais son impact est tout aussi important qu'un coach stratégique. Sans plus attendre, découvrez l'interview ci-dessous !
NB : For english-speaking readers, the English version of the interview is available on the following page. Please click above ↑
Interview avec Weldon Green
Merci beaucoup Weldon d'avoir accepté cette interview avec nous aujourd'hui. Pour commencer, pourrais-tu nous dire ce que tu fais en ce moment ?
W : Je suis Project Manager chez Dojo Madness à Berlin. (ndlr : vous connaissez certainement LOL Sumo ? Et bien c'est un produit de Dojo Madness !)
Que penses-tu du parcours de G2 Esports cette année, avec ce nouveau roster ?
W : Ils sont confrontés à un énorme challenge en terme de capacité à s'améliorer de manière consistante. Mais ils s'en sont bien sortis, et en terme de croissance stable je fais entièrement confiance à Wunder et Perkz en tant que leaders. Ils savent tirer les autres membres vers le haut, de la même façon que Wadid a tout pour devenir une superstar. Il est peut-être montré comme étant le plus faible de tous, mais il a beaucoup de capacités, car sur le plan individuel il a un très haut niveau. Ensuite, ils jouent la meta qui correspond le mieux à leur équipe.
Weldon : son rôle, son parcours en tant que coach
Avant de devenir coach dans l'esport, que faisais-tu ?
W : J'étais coach dans les sports traditionnels, comme la natation et le football.
D'après ton expérience, quelle(s) différence(s) vois-tu entre coacher le sport et coacher l'esport ?
W : Sport et esport sont assez similaires en terme de coaching, car les deux consistent à changer un comportement et une façon de faire. Dans les deux cas, on a un objectif à atteindre. Ensuite, il faut savoir dans quel sens pousser les joueurs à faire mieux, à se concentrer sur l'entraînement, et c'est ce qui diffère. Mais globalement, la façon dont on va essayer de changer un comportement se base sur la même compétence.
Comment t'es-tu retrouvé à devenir coach dans l'esport, et en particulier chez G2 Esports ?
W : En 2012, j'avais regardé un tournoi de Starcraft 2 et j'ai vu les finalistes. L'un d'eux s'est mis à pleurer sur scène, et je me suis dit que cet enfant n'avait pas eu de coach pour le former. Et puis sourtout, il y a de moins en moins de personnes qui font de la natation ou du foot, et bien plus dans l'esport. Je le voyais avec mon club, moins de gens venaient et je me suis dit qu'il y aurait plus d'avenir dans l'esport. Je voulais essayer de comprendre comment rendre l'esport productif pour les jeunes d'aujourd'hui. Parce que jouer énormément à un jeu pour devenir meilleur n'est pas la solution, il faut au contraire développer des compétences particulières. C'est pour cette raison que j'ai voulu devenir coach dans ce milieu, mais aussi pour pouvoir influencer les coachs amateurs.
Lorsque tu travaillais avec G2, est-ce que tu vivais avec eux dans la gaming house ?
W : Oui je vivais avec eux, mais deux semaines par mois. Je cherchais un endroit où vivre à Berlin, et je travaillais encore à plein temps chez Dojo Madness. En terme d'heures de travail, j'en faisais 20h par mois avec les G2 exclusivement. Donc quand je rentrais du travail chez Dojo, je commençais à travailler avec les G2 à 18h, pour finir vers minuit.
Est-ce que tu dirais qu'un coach assistant doit aussi bien connaître la meta que le coach stratégique ?
W : Le meilleur cas de figure possible est quand le coach est un joueur expert. Dans mon cas, j'ai fait de mon mieux pour comprendre le jeu et la meta, parce que sinon on ne peut pas coacher suffisamment bien.
Est-ce qu'on aura la chance de te croiser à nouveau sur la scène esportive ?
W : Oui, dès qu'une équipe me reprendra pour travailler avec elle ! (Les MP sont ouverts !)
Son avis sur G2 Esports
Tu as travaillé par le passé dans des équipes en NALCS, comme TSM par exemple, quelles différences vois-tu entre leur organisation et celle de G2 en Europe ?
W : Je dirais que les joueurs en Europe ont plus de pouvoir dans l'esport qu'en NA. Ils prennent plus de responsabilités personnelles, et ne dépendent pas à ce point de leur staff. Concernant la solo queue, en EU, c'est plus facile de s'entraîner, parce que chaque joueur peut énormément apprendre de chaque game, qui sont chacunes à un assez haut niveau. Tandis qu'en NA, en dehors des escarmouches, il n'y a pas grand chose à retenir des games. C'est une triste réalité, mais le niveau est plus haut en Europe.
On a parlé tout à l'heure des gaming houses. Que penses-tu du modèle gaming houses contre le modèle bureaux + appartements séparés pour l'entraînement ?
W : Les bureaux auront toujours un impact important sur la performance de l'équipe : ils ont un coût très élevé, mais ils modifient drastiquement la vie de l'équipe (par rapport à la gaming house). Mais l'impact reste insuffisant aujourd'hui : je dirais qu'ils améliorent moins de 30% la performance d'une équipe, ce qui n'est pas assez comparé à la différence de coût. Mais si leur impact devient encore plus positif pour les équipes à l'avenir, les structures finiront par se tourner vers ce modèle.
Comment décrirais-tu le style de jeu des G2, à l'époque où tu y étais ?
W : Parfait ! Ils faisaient toujours le bon play au bon moment, alors qu'avant leurs victoires consécutives, l'équipe était très différente. Leur style de jeu dépendait de la personnalité, et le résultat d'un match dépendait du niveau de confiance que les joueurs entretiennent les uns envers les autres.
Est-ce que le comportement des joueurs sur scène differait de leur comportement en privé ?
W : Pour certains, c'était la même chose, alors que d'autres faisaient exactement l'inverse. Expect par exemple restait toujours le même en entraînement comme sur scène, tandis que Trick prennait beaucoup plus de risques sur scène. Luka (Perkz) "int" (ndlr : intentionnal feeding, feeding intentionnel) beaucoup en privé, mais sur scène il fait bien plus attention. Jesper (Zven) est la définition même de consistance, il essaie toujours de jouer à la perfection, il va au-delà de lui-même et il fait de son mieux pour gagner. C'est un joueur exemplaire sur le plan de l'état d'esprit. Enfin Mithy est celui qui prend le plus de risques en compétition, alors qu'en scrims, il est plus libre dans son jeu. C'est lui qui a souvent fait des gros plays.
Comment se comportent-ils en équipe ? J'imagine qu'ils ont des personnalités très différentes, est-ce que le fait de jouer en équipe unit les caractères ?
W : Les G2 ont gagné parce qu'ils se comportaient comme une vraie famille. Ils ont joué, gagné et perdu comme une famille unie, ils se sont toujours encouragés. C'est ça qui a fait qu'ils aient eu tant de succès. Et encore aujourd'hui, ils se voient, ils se parlent chaque semaine car ils ont vécu tellement de choses ensemble.
Que faisaient-ils dans leur temps libre ?
W : Quasiment que du League of Legends, ou alors manger. Ou encore ils regardent des séries TV, comme Vikings ou Game of Thrones. Ils ont toujours été très motivés pour jouer, et ils sont restés extrêmement concentrés pendant huit mois.
Peut-on dire que le jeu les aide à se connaître les uns les autres ?
W : Non le jeu n'aide pas, on ne s'en soucie pas car on n'apprend pas à connaître ses coéquipiers à travers le jeu. Dans d'autres gaming houses, les joueurs ne se connaissent pas autant, alors que les G2 se connaissent tous mais pas uniquement pour passer le temps. Ils vont manger ensemble, font des sorties, ils se parlent sans barrières, expriment leurs peurs, leurs espoirs et leurs vrais sentiments.
Tu as accompagné les G2 aux MSI et aux Worlds en 2017, as-tu cru à leur victoire ?
W : Nous avons sans doute eu la plus grande possibilité de gagner ces MSI, parce que nous étions les plus proches du niveau des SKT. Pour les Worlds, nous étions très proches de celui des RNG, mais Samsung Galaxy était une montagne. Chaque match était gagnable, mais les MSI restaient quand même la compétition la plus accessible en terme de victoire probable.
Ont-ils des rituels avant de jouer sur scène ?
W : Presque chaque joueur a un rituel, basé sur la stratégie d'avant-match. Pour les LCS, j'avais mis sur place un moment de remerciement, où nous devions tous dire les choses pour lesquelles nous étions reconnaissants.
Weldon et les joueurs de G2 Esports
Si tu devais choisir 3 mots pour décrire chacun des joueurs du roster de 2017, lesquels tu choisirais ?
- Ki "Expect" Dae-han (Toplane) : drôle, mécanique, facile à vivre.
- Kim "Trick" Kang-yun (Jungle) : passionné, perfection, ambitieux.
- Luka "Perkz" Perković (Midlane) : GOAT (Greatest Of All Time), baby Faker, Croate.
- Jesper "Zven" Svenningsen (ADC) : stoïque, travailleur, grand.
- Alfonso "Mithy" Aguirre Rodríguez (Support) : Espagnol, sage, calculateur.
- Carlos "Ocelote" Rodríguez Santiago (PDG) : décisif, inspirant, impitoyable.
- Weldon Green lui-même : amour, excitation, rêves.
Est-ce que Expect et Trick, tous deux originaires de Corée du Sud, ont eu des problèmes à s'intégrer en Europe ?
W : Ils ont eu, comme tout joueur étranger, quelques soucis au démarrage, mais à présent ils sont tous les deux très bien intégrés en EU. (Trick est cette année retourné en LCK avec les bbq Olivers. Expect, à part un passage remarqué chez Origen lors des derniers European Masters, n'a pas d'équipe en ce moment).
Perkz a toujours beaucoup fait parler de lui, comment est-il en privé ?
W : Luka dit toujours ce qu'il pense, il est beaucoup plus mature que son âge et il est consacré à la grandeur.
Quel est ton avis sur le départ du duo de choc Zven/Mithy en NA ?
W : Ils ont pris la meilleur décision possible à cette période, parfois les joueurs doivent savoir prendre des décisions égoïstes. La carrière d'un joueur dans l'esport est très courte, les joueurs sont tous très jeunes, donc il faut en profiter pour faire un maximum de choses possibles.
Le mot de la fin
Pour finir cette interview, quel conseil donnerais-tu à quelqu'un qui, comme toi, veut devenir coach en psychologie dans l'esport ?
W : Apprendre à coacher les gens en étant bénévole d'abord, de pouvoir se rendre disponible en tant que coach dès que possible, autant d'heures par semaine que possible. Faire de la recherche, donc si possible prendre des cours en lecture de coaching. Aller demander à des professeurs comment effectuer de la recherche et comment lire cette recherche, car nous avons énormément d'informations aujourd'hui, et certaines sont parfois mauvaises. Le fait de comprendre les limites de la recherche permettra à ces personnes de savoir ce qui est bien structuré et ce qui ne l'est pas. Et la dernière chose : s'améliorer en tant que coach à travers les méthodes scientifiques sur le sujet.
Merci beaucoup Weldon pour toutes ces réponses honnêtes et surtout de nous avoir consacré autant de temps !
Si vous voulez retrouver Weldon sur les réseaux, c'est par ici que ça se passe :
- Son site web
Nous espérons que cette interview vous aura plu ! Vous pouvez suivre les derniers résultats des G2 Esports et du reste des LCS EU dans notre article de suivi ci-dessous.