La télévision : nouvel El Dorado pour l'eSport ?
Cette fois c'est certain : l'eSport est bel et bien décidé à s'inviter durablement sur votre télé. L'arrivée parallèle de deux acteurs sur le marché de l'eSport télévisuel (ES1 le 1er décembre et AB Group pour mi-décembre), va bousculer la médiatisation du phénomène. Le pari paraît risqué, mais témoigne, pour l'eSport, d'une maturité qui lui permettrait de s'exporter ailleurs que sur le net.
Bertrand Amar, initiateur du projet ES1 chez Webedia, s'était déjà exprimé sur la nécessité de faire entrer l'eSport de plain-pied à la télé : "J'ai toujours su qu'il y aurait un jour la place pour une chaîne eSport. Ce moment est arrivé. [...] On a à la fois une audience large et beaucoup de contenus à disposition". Le producteur voit d'ailleurs les chose en -très- grand : ES1 sera une chaîne 100% eSport, dédiée au phénomène. Une première dans l'hexagone.
En programmant ses premières émissions pour mi-décembre, le groupe AB se prépare lui-aussi à entrer dans l'univers médiatique de l'eSport. Ayant signé un partenariat d'exclusivité avec le géant américain Activision Blizzard, AB s'apprête à déployer sur ses chaînes deux "blocs de trois heures"consacrés à l'eSport. Modeste en terme de plage horaire, le projet a néanmoins le mérite d'être révélateur de l'attrait de la discipline. " L'eSport est en expansion rapide : c'est quelque chose de nouveau et d'original. Pour nous qui suivons les engouements et les tendances, il nous a semblé intéressant d'en devenir acteurs", explique Richard Maroko, directeur général des programmes chez AB Group. Pour ses débuts dans le monde de l'eSport, AB escompte se saisir en premier lieu de la COD World League, qui pourrait bien frapper un grand coup avec la sortie ovationnée de WWII.
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AB et ES1, les nouveaux acteurs de l'eSport "à la télé"
La télé, déjà tombée sous le charme eSportif ?
Ce n'est pas la première fois que l'eSport fait les yeux doux aux medias "traditionnels", qui préexistaient à la culture web. Canal+ et BeIn, deux poids lourds de l'audiovisuel depuis toujours tributaires du sport "standard", ont été les premiers en France à proposer des émissions hebdomadaires dédiées au phénomène. Au programme : des zapping spécial gaming, des interviews plateau avec les personnalités influentes du milieu, des best-of... Plus récemment, c'est l'annonce de l'arrivée d'ES1, première chaîne TV 100% eSport, qui a fait grand bruit. À croire que le temps est venu pour l'eSport de coloniser le petit écran.
Et si l'émergence de l'eSport comme fait social majeur ne fait aucun doute, chez AB et ES1, on reste très prudents sur la formulation des contenus... et ses résultats ! En effet, la concurrence est déjà rude sur la retransmission des événements gaming et ses dérivés compétitifs. "La télé est un média différent, reconnaît Richard Maroko. Nous allons devoir nous démarquer, trouver de nouvelles façons d'aborder le phénomène, d'en parler. C'est un pari !". Côté ES1, Bertrand Amar, initiateur de la chaîne, a opté pour un projet "rassembleur", en s'alliant avec les autres acteurs de l'eSport francophones.
Deux concepts originaux, mais un constat identique qui s'impose pour les protagonistes : il va falloir jouer des coudes pour parvenir à accrocher de bonnes parts d'audience ! Il est en effet clair qu'à la télévision, les modalités de consommation diffèrent du net. Les chaînes sont à la recherche de formats originaux et séduisants pour une audience qui n'est pas nécessairement familière avec l'eSport.
Petit écran Vs Grand Twitch
Le 11 novembre, Thierry Ardisson recevait Squeezie sur le plateau de "Salut les terriens". Si on laisse de côté les questions poussives de l'animateur télé à l'encontre du Youtuber star, l'interview a eu le mérite de mettre en exergue un contraste ô combien palpable : celle de l'internet et de la télévision traditionnelle. Le désintérêt des plus jeunes pour la télévision, et leur passion, en creux, pour Twitch et YouTube, est symptomatique d'un changement générationnel de la façon de consommer l'information. C'est en cela que la nécessité de démarcation est non-négociable, pour AB comme pour ES1. Le défi est immense pour ces projets audiovisuels inédits de grande envergure.
Il est toutefois exclu, pour l'un et l'autre des projets TV, de rester sagement sur petit écran. VOD, replays sur le web et contenus premiums , consultables sur ordinateur et tablette, devront aussi être le fer de lance d'ES1 et d'AB. Il est en effet peu probable que les consommateurs d'eSports acceptent de se plier à des horaires strictes de présence devant le poste télé. Les chaînes vont devoir faire preuve de flexibilité si elles souhaitent avoir leur chance sur ce marché.
La télé peut-elle vraiment concurrencer Twitch sur le terrain du gaming ?
Est-ce la télé qui va transformer l'eSport ?
C'est peut-être l'eSport lui-même qui s'adaptera sur le petit écran. Pour Richard Maroko, l'eSport télévisuel va possiblement "se structurer autour de jeux plus accessibles, capables de toucher une audience plus large" que ceux qu'on connaît actuellement comme les ténors du milieu. League of Legends, Hearthstone, CS : GO sont considérés comme les eSports majeurs mais ils sont tributaires d'une technicité qui les rend difficilement généralisables à la télévision, média grand public et familial par excellence. Ainsi, par le prisme de la TV, d'autres jeux pourraient bien s'ériger au rang d'eSports à part entière, car plus faciles d'accès.
Chez ES1, la problématique a d'ores et déjà été appréhendée. Bertrand Amar entend bien traiter des jeux plus mainstreams, et peut être moins élitistes : "On aura des magazines dédiés à des sujets de niche, mais aussi des formats plus généralistes et transversaux[...] On ne s'interdit rien".
A contrario, la télévision est régie par des normes et des règles qui pourraient bien freiner le développement du sport électronique sur ce support. Alors que le web est très libertaire en termes de consommation, la TV est beaucoup plus frileuse à ce sujet. C8 en a déjà fait les frais par exemple. Fin septembre, l'émission de Capucine Anav accusait de mauvaises audiences avec son European League Counter Strike, dues en partie au classement PEGI 16 du jeu, qui obligeait une diffusion à minuit et demi... L'eSport télévisuel devra par conséquent se plier à certaines contraintes, notamment liées à l'âge des spectateurs.
Une chose est sûre : gardez votre télécommande à portée de clic. Votre programme Télé 7 jours s'apprête à se refaire une jeunesse. Pour le plus grand plaisir de nous autres Millenials.
