Interview de Jean-Christophe Arnaud, sur l'avenir de la DreamHack France
Depuis 2013, Jean-Christophe Arnaud est en charge de l'organisation de la DreamHack France, dont la première édition a vu le jour à Tours en 2015.
Q : Vous êtes dans le monde de l'eSport depuis quelques années déjà, quel est votre parcours, et comment vous a-t- il mené vers la DreamHack ?
R : J'ai commencé ma carrière dans le Sport Electronique il y a 14 ans, en 2003. A l'époque l'eSport en était à ses balbutiements: la CPL était une licence américaine détenue pour l'Europe par la société allemande Turtle Entertainment et ils m'ont proposé de gérer avec eux leur nouveau projet, l'ESL (Electronic Sports League), sur le territoire français. En 10 ans, avec mon équipe, j'ai fait de l'ESL France la référence incontestée des ligues compétitives de jeux vidéo. A l'époque, plus de 200.000 joueurs arpentaient nos Ladders chaque mois. Puis les choses ont évoluées, les grands jeux sont arrivés avec des systèmes de matchmaking intégrés, leurs propres circuits de compétitions et les ligues onlines ont perdu de leur intérêt. Alors quand j'ai quitté l'ESL, en 2013, je me suis fixé un autre challenge, encore plus grand : faire venir la DreamHack en France !
Q : Quel est l'enjeu de la création d'une filiale France pour DreamHack et qu'est-ce que cela impliquera concrètement ?
R : La création d'une filiale pour le groupe DreamHack AB est destinée à renforcer sa présence sur un territoire, comme cela a déjà été fait aux Etats-Unis et au Canada l'année dernière. Cette création intervient tout d'abord quand le potentiel du pays le permet. La France est une nation eSportive forte, avec une scène active et un écosystème professionnel en pleine explosion. Nous n'avons par exemple jamais eu autant d'agences qui gèrent les carrières des talents français.
Au delà de permettre la réalisation d'événement encore plus grands, cela permettra de gérer les événements DreamHack en France avec plus de liberté et de souplesse, mais aussi de donner un interlocuteur français officiel aux clients et partenaires de la DreamHack, qu'ils soient privés ou publics.
Q : Si le changement de lieu peut s'expliquer par un besoin d'avoir une plus grande surface, qu'est-ce qui a présidé au changement de date ?
R : Depuis la première édition en 2015 au Centre International des Congrès Vinci, nous "poussons les murs"; pas assez de place pour la LAN, pas assez de place pour le salon de la Dreamexpo, pas de zone dodo pour que les joueurs puissent dormir sur place, etc. Le fait de passer au Parc des Expositions était donc une évolution logique et souhaitée.
Ensuite, le changement de date en décalant l'événement d'une semaine tient au fait que nous ne voulions plus être en concurrence avec la Foire de Tours (qui se tient aussi au parc des Exposition) et qui draine plus de 300.000 visiteurs chaque année, sur une typologie assez familiale et sur une période identique à la nôtre. Comme vous vous en doutez, les parents préfèrent emmener leurs enfants à une foire où ils y ont un intérêt, plutôt que passer 3 jours sur une DreamHack où bien souvent, seuls leurs enfants y trouvent leur compte.
Cette date est aussi très importante car sur le Parc des Exposition se tient comme chaque année le Festival des Fourchettes Soniques (Nuits Electro) ainsi que la fête foraine, qui représentent à eux deux un potentiel de 160.000 visiteurs sur site. Esport, Musique, Restauration et Fête, tout est réuni pour avoir la plus grande DreamHack jamais organisée en France !
Q : Quelles nouveautés attendront les joueurs et le public pour l'édition 2018 ? Quels seront les jeux présents ?
R : Bien en amont de la compétition, nous dévoilerons des nouveautés, la DreamHack n'aura pas lieu seulement pendant 3 jours en Mai. De plus, nous construirons 3 grandes scènes pour les visiteurs, pour que tous puissent suivre les différentes compétitions nationales et internationales. On y retrouvera les disciplines eSportives les plus populaires, telles que Counter-Strike, League of Legends, Starcraft, Overwatch, HearthStone, etc. Les joueurs de la LAN pourront aussi dormir sur place s'ils le souhaitent, ce qui n'était pas le cas au Centre des Congrès et nous savons que des nuits d'hôtel pèsent lourd dans le budget des joueurs.
Q : Quelle est votre vision globale de la DreamHack en France ? À terme le modèle Suédois réunissant des milliers de joueurs dans un gigantesque festival vivant de jour comme de nuit pourra-t-il voir le jour chez nous ?
R : C'est en tout cas notre souhait. La DreamHack telle que nous la connaissons en Suède ne s'est pas faite du jour au lendemain et nous en sommes seulement à notre quatrième édition avec des résultats extrêmement prometteurs. La DH Française est d'ailleurs selon nos collègues suédois le meilleur événement a avoir été organisé en dehors de suède. Ce qui est important, c'est que nous le voulions, bien-sur, mais aussi que les pouvoirs publiques aient pris conscience de ce que représente cet événement. Nous sommes très fiers d'annoncer que la ville de Tours ainsi que la Région Centre Val de Loire nous supporteront pour la prochaine édition. Une délégation de représentants officiels nous accompagnera même à la DreamHack Winter en décembre de cette année pour rencontrer leurs homologues suédois de Jönkopping.
Q : Pensez-vous que la création de la filiale DreamHack France peut démocratiser la discipline à grande échelle dans notre pays ? Si oui par quels moyens ?
R : A elle seule non, et ce serait prétentieux de le penser, car il y a beaucoup d'autres personnes talentueuses dans ce pays qui œuvrent dans le même sens. Mais à notre niveau, nous pensons que ce rendez-vous annuel va attirer chaque année des joueurs mais aussi un public de plus en nombreux. Nous annoncerons bientôt une initiative unique qui va dans ce sens, conjointement avec la Région Centre Val de Loire.
Q : La France consomme l'eSport différemment des autres pays, le public est très friand du côté « paillettes » véhiculé par les influenceurs : la StreamTeam de Domingo attire plus de personnes qu'une équipe CSGO, ce qui n'est pas le cas en Suède, le berceau de l'organisation. La France correspond-elle à l'esprit DreamHack ?
R : Nous parlons de choses différentes. En termes de chiffres, il est tout à fait possible qu'un Streamer connu attire plus de monde qu'une équipe, mais en termes d'émotions, rien ne vaut la victoire de G2 eSports sur une scène de la DreamHack, que ce soit la DH Tours ou plus récemment les DH Masters de Malmö ! Des joueurs comme KennyS ont bien plus de fans que Domingo sur Facebook, même si les streams de ce dernier sont beaucoup plus populaires. Encore une fois, ce sont des sujets différents, comme si l'on comparait une star de la TV à un sportif professionnel.
Q : Quel bilan tirez-vous de ces trois années de DreamHack en France ?
R : Ces trois dernières années nous ont permis d’asseoir la DreamHack en France, comme un événement majeur, avec des Compétitions et des Cash Prizes qui n'ont jamais été offerts sur le territoire français. La visibilité de l'événement sur internet permet à la DH et la ville de Tours de rayonner partout dans le monde, comme Jönkopping avec la DH Summer et la DH Winter par exemple. La création de la filiale française va nous permettre de renforcer cette position, en proposant une nouvelle expérience, plus grande et plus dense au public français. Ces trois années nous ont permis de voir ce qui fonctionnait bien et ce qui devait être fait pour grandir. A titre personnel, ces trois éditions sont une grande fierté et une grande joie, nous avons accueillis des partenaires de renommée mondiale et tous les retours que nous avons eu étaient positifs. Que nous soyons une filiale du groupe est l'aboutissement d'une carrière pour moi... et le début d'une aventure encore plus grande !
