Syberia III
Depuis le temps que les fans de Point & Clic l’attendaient, c’est finalement en avril 2017 que Syberia III pointe le bout de son nez. En cours de développement dès 2009 et prévu initialement pour juin 2010, il aura fallu en réalité attendre 8 ans pour que Microïds, Benoit Sokal et Anuman Interactive apportent la dernière pierre à l’édifice. Se sentant parfois oubliés ou délaissés du fait du manque d’informations et d’annonces depuis la sortie du 2e opus en 2004, les adulateurs de la licence ont malgré tout gardé espoir. Très attendu par les joueurs, Syberia III aura été une désillusion et un crève-cœur pour tous ceux qui étaient nostalgiques du 1er jeu de la franchise et espéraient retrouver la flamme qu’il avait insufflée en eux. Impossible pour l’instant de savoir combien d’exemplaires ont été vendus, mais la réalisation technique est la raison principale de l’accueil plus que mitigé qui lui aura été réservé.
Adieu Syberia, pays merveilleux…
Prêt ou pas, il est toujours difficile d’assister à l’effondrement d’une icône de notre enfance. Malheureusement, c’est le triste spectacle qu’offre Syberia III. Le 2e opus de la licence avait laissé entrevoir un désintérêt pour la profondeur et le développement accordé à la personnalité des individus, le troisième volet en prend le même chemin. Pire, il devient presque impersonnel et certains protagonistes perdent leur personnalité pour se changer en clichés sur pattes. Si Kate Walker gagne en charisme et demeure attachante, on reste un peu perplexe devant un docteur russe ayant Dr Mangöling comme bras droit et un Colonel portant un cache-œil… Subtil à souhait, en somme ! À ce propos, la façon dont sont décrits la tribu Youkol et ses membres manque terriblement de tact. Ne communiquant qu’avec des onomatopées censées représenter leur langage et complètement hermétiques à la civilisation moderne, les Youkols semblent très proches d’une caricature douteuse. Alors que l’on s’attendait à un échange de culture et d’opinion avec un peuple d’un autre temps, mais cultivé, on se trouve face à des « gentils sauvages » un brin primitifs. Enfin, pour ne rien améliorer, Hans n’est plus de la partie, et « Oscar » n’arrivera que bien trop tard au cours de l’aventure pour réellement retrouver la tendresse qu’il avait autrefois suscitée. D’un point de vue humain, Syberia III déçoit et il faut avouer qu’étant initialement un des atouts de la licence, la pilule est difficile à avaler.
Le 3e opus de la franchise commence là où s’était arrêté le précèdent. Retrouvée inconsciente et moribonde, Kate Walker aura la vie sauve grâce à une tribu Youkol passant à proximité. C’est dans une clinique lugubre et coupée du monde qu’elle reprendra connaissance. Le guide unijambiste de la peuplade salvatrice lui expliquera alors que lui et ses congénères sont bloqués tant que sa prothèse n’est pas prête. Sauvée in extremis par la tribu et Saint Bernard dans l’âme, on voit déjà l’intrigue principale se dessiner devant nous. D’ailleurs heureusement que l’on comprend vite ce qui se trame, car il ne fallait pas compter sur le jeu pour nous faire ne serait-ce qu’un bref résumé des épisodes précédents. Reposant sur une intrigue qui lui est propre, Syberia III ne fait que quelques clins d’œil à ses prédécesseurs et est donc accessible aux néophytes de la licence. Cependant, si rien ne rendait des explications ou un bref topo des événements passés obligatoires, cela aurait été très appréciable 13 ans après la sortie du 2e opus. Bien que les nouveaux arrivants trouveront rapidement leurs marques, il leur est chaudement recommandé de commencer par le début de la saga. Il leur sera ainsi plus facile de pénétrer dans le monde intimiste et attachant créé par Benoît Sokal. Doyen et novice de la franchise seront rapidement embarqués dans l’univers mystérieux et proche du conte auquel Syberia nous a habitué. Comme à l’accoutumée, cette aventure se vivra comme une invitation au voyage au cours duquel réalité et imaginaires se rencontrent en parfaite harmonie. L’atmosphère unique et enivrante si chère à Benoit Sokal est toujours au rendez-vous. Petit bémol en revanche pour le scénario qui, bien que toujours soigné, oublie d’établir un contexte par rapport aux ennemis et souffre de certaines incohérences. Cela n’empêchera évidemment pas les joueurs d’être absorbés dans l’aventure, mais jettera un froid sur l’immersion. Dommage pour un univers avec un si grand potentiel, assurant un dépaysement d’une quinzaine d’heures environ et abordant des sujets sérieux comme le racisme ou l’alcoolisme.
Techniquement, Syberia III jette un froid !
À propos de sujet sérieux, abordons maintenant les points noirs du jeu : le gameplay et l’aspect technique. Sans réinventer le genre, les développeurs se le sont réapproprié et l’ont enrichi grâce à un petit côté Telltale Game en ajoutant une roue de dialogue, dont les choix réalisés créeront des mini embranchements. Bien sûr, cela ne modifiera pas fondamentalement le script, mais permettra au joueur d’exprimer sa propre personnalité en son âme et conscience. Néanmoins, il ne faudra pas prendre plus de 5 secondes afin de jauger le pour et le contre puisque le délai d’impatience de vos interlocuteurs est mal réglé et leur façon de le signifier, souvent cocasse. Étonnant lorsque l’on sait que ces mêmes personnages parlent très lentement et qu’il n’y a absolument aucun moyen d’y échapper en squeezant la fin des phrases. Pour les joueurs les plus nerveux, leur manie d’appeler les protagonistes inlassablement par leur nom complet dès qu’ils en ont l’occasion, vous donnera l’envie de les gifler avec le premier objet passant à portée de main. À propos de main, il est précisé dès le lancement de la partie que « l’expérience de jeu est améliorée en jouant avec une manette ». Cette recommandation n’est pas à prendre à la légère tant il est quasiment injouable au clavier/souris. Même au pad, il faudra quelques minutes pour appréhender le système de déplacement ainsi que d’interaction avec l’environnement et les objets et cela dans le meilleur des cas… Les énigmes en revanche sont bien dosées, et rythment habilement l’histoire. Les férus de ce genre de jeux regretteront un manque de challenge, mais ne pourront ignorer le fait que celles-ci sont bien intégrées à la narration. Les puzzles sont intelligemment construits et logiques malgré tout, on regrettera tout de même le fait que la jouabilité rende cauchemardesque la résolution de certains d’entre eux. À ce sujet, deux modes de difficultés sont proposés : Voyage ou Aventure. Le dernier propose moins d’indications visuelles et se rapproche du système utilisé dans les 2 premiers opus. Quelle que soit l’option cochée, Syberia III ne sera jamais trop directif et laissera le joueur trouver ce qu’il doit faire pour avancer sans lui tenir la main. Petit bémol en revanche sur la nécessité de re-explorer certains endroits pour trouver de nouveaux items non disponibles lors d’une précédente exploration. Le dernier né de la licence impose un déroulé chronologique assez précis, forçant Kate Walker à faire les choses dans un certain ordre pour pouvoir progresser. La liste des défauts s’allonge pour Syberia III, mais le pire est encore à venir.
En effet, d’un point de vue purement technique, cet opus est complètement à la ramasse et dépassé (voir 36 ème minute de la vidéo). Dans un élan de modernité, les développeurs ont voulu tenter les environnements 3D, malheureusement ils se sont complètement ratés. On retrouve la sublime et mystique patte graphique de Benoît Sokal, mais la rigidité des déplacements ainsi que les multiples changements de plans gâchent notre plaisir. Les trombines des protagonistes sont très détaillées malgré un regard bovin, mais les expressions faciales et la synchronisation labiale sont souvent à côté de la plaque. Comme si cela ne suffisait pas, de nombreux bugs tels que des murs invisibles bloquant la progression, des bugs de collision ou de caméra rendant impossible la résolution d’un puzzle, s’ajoutent à la liste des défauts de Syberia III. Derniers points à noter, il est vrai que cette licence disposait d’un budget assez restreint, seulement après un développement aussi long, on a du mal à tolérer une optimisation si mauvaise. Entre les temps de chargements terriblement longs pour des graphismes d’un autre temps et des pertes impressionnantes de FPS, on envisage souvent jeter la manette ! Et dire qu’il parait que c’est encore pire sur console… L’aspect technique est nettement en dessous de ce que l’on peut attendre pour un jeu sorti en 2017 et on espère sincèrement que des patchs viendront corriger certaines tares.