Un peu d'histoire
Lorsque League of Legends sort le 27 octobre 2009 le jeu propose 40 champions disponibles ( le champion pool ) dès le départ, une phase de ban permet de sortir d'entrée 4 champions qui seront écartés le temps de la partie.
En un peu moins de 8 ans d'existence, 94 champions seront ajoutés au jeu pour un total actuel de 134, mais durant la même période, le nombre de bans n'a pas bougé. Or bannir 4 champions sur 40 c'est sortir d'entrée 10% du champion pool, alors que 6 bans sur 134 ce n'est plus que 4% du champion pool qui est écarté. De la saison 1 à la saison 7, la possibilité de la phase de ban a été divisée par plus de deux.
Le resserrement de la méta et ses conséquences
Lorsque la phase ban perd son utilité, un phénomène apparait : le resserrement de la méta.
Dans chaque patch, une poignée de champions sortent vainqueurs de l'équilibrage opéré par riot et constituent les picks "op" jusqu'au prochain patch, en dessous se trouvent la vaste majorité des champions "équilibrés".
Lorsque la phase de ban permettait d'éliminer 10% du champion pool, les joueurs avaient l’opportunité d'éliminer la quasi-totalité des picks "op" avant le début de la partie, obligeant ainsi les participants à se rabattre sur les champions équilibrés, chacun choisissait ainsi son champion en fonction de ses préférences personnelles et le jeu profitait d'une importante variété de picks.
Aujourd'hui avec seulement 4 % du champion pool écartable, plusieurs des picks les plus puissants parviennent invariablement à passer entre les mailles du filet et se retrouvent autorisés durant les phases de pick, naturellement les joueurs les privilégient hautement et certains champions se retrouvent omniprésents sur certains rôles. Ce phénomène s'observe de façon encore bien plus importante en match compétitif où le moindre avantage est crucial.
C'est pas nous qui le disons, c'est Riot.
Jetons un rapide coup d'oeil aux statistiques des Spring splits EULCS :
Il y a trois ans lors du Spring Split 2014 : 78 champions sont utilisés sur les 117 disponibles à l'époque ( c'est 67 % du champion pool ). Deux ans plus tard en 2016 seulement 72 champions sur les 129 disponibles ( plus que 55 % du champion pool ). Le problème est donc bien réel : le nombre de champions disponibles augmente, mais le nombre de champions sortis en compétition diminue.
Pire encore parmi ces champions qui ont déjà la chance d'apparaître en compétition, la moitié ne sont que des picks d'exception que l'on ne verra qu'une fois dans la compétition, tandis que d'autres champions sont omniprésents à leurs postes, la diversité sur une lane est donc en vérité bien plus faible que ce que les chiffres ci dessus laissent penser. L'année dernière par exemple, Kalista et Lucian ont été d'avantage picks en bot lane que tous les autres AD Carry du jeu ensemble.
Si le resserrement provient d'une réponse naturelle de la part des joueurs, il est cependant nuisible, car il porte atteinte à la fois au plaisir des joueurs en solo queue qui tombent invariablement contre les mêmes champions, mais également au plaisir du public sur la scène compétitive qui ne s'enthousiasme pas vraiment pour les phases de pick quand il a déjà vu les champions choisis être joués des dizaines de fois durant la compétition.
Il était grand temps pour Riot d'intervenir.
L'avènement des 10 bans
La grande annonce de l'intersaison 2016-2017.
Depuis le début de la saison 7, un nouveau système a fait son apparition en compétition, chaque équipe procède à non plus une, mais deux phases de ban pour un total de 10 champions bannis. La mesure annoncée durant l'entre-saison suivant les Worlds 2016 avait été présentée comme une réponse adaptée au resserrement de la méta et était garantie de ramener une certaine diversité, aujourd'hui qu'en est-il vraiment ?
Dans la pratique les choses n'ont pas vraiment évolué, si le progrès est bien présent il est extrêmement faible : ( 77 champions picks pour 134 aux lcs 2017 soit 57 % du champion pool ) la progression est trop infime pour que la qualité de la compétition en soit visiblement améliorée, d'autant que les lanes continuent d'être occupés de façon omniprésente par certains champions :
Shen, Rumble et Maokai se partagent la top lane, Zyra, Malzahar et Tahm Kench sont les seuls supports régulièrement picks, quant à Varus et Jhin, ils sont pour ainsi dire seuls au poste d'adc.
Les statistiques des picks & bans des compétitions sont à consulter sur gamesoflegend.
En résumé, il n'y a eu aucun changement significatif, Leblanc, Rengar et Camille sont "permabans", et les champions qui viennent tout de suite après en terme de force sont soient bans soient picks et finissent par être vus 40 fois au cours de la compétition.
Pourquoi un système qui était réclamé par les joueurs depuis des années a t-il eu si peu d'impact ?
La première raison est que le nombre de bans n'est toujours pas suffisant. 10 champions sur 134 n'est que 7 % du champion pool, on est encore loin des 10 % de la saison 1. Lorsque l'on arpente les archives de Reddit, on trouve des joueurs réclamer les 10 bans aussi tôt qu'à la saison 3. A l'époque déjà l'objectif était de se maintenir aux alentours de 10 % du champion pool. Mais rien n'a été fait à ce moment-là, le nombre de champions a continué à augmenter et les 10 bans arrivent aujourd'hui bien trop tard, le nombre de champions en saison 7 est si élevé qu'entre 6 et 10 bans la différence relève du détail.
Le nouveau système qui a fait paniquer tant de coachs à travers le monde et qui au final a changé si peu de choses.
La seconde raison : C'est que la nouvelle phase de ban est divisée en deux parties, ce qui ruine une grande partie de son intérêt. Car dès que les trois premiers bans de chaque côté sont passés, les équipes se précipitent pour sécuriser les picks "op", les deux derniers bans ne servant de chaque côté qu'à gêner les joueurs qui n'ont pas encore pris leurs champions.
Sous sa forme actuelle, le nouveau système de ban n'a donc pas vocation à diversifier la méta puisqu'il ne vise tout simplement pas à sortir un plus grand nombre de picks "op", il vise en vérité les picks de conforts des joueurs, qui sont généralement des picks exotiques, on pourrait donc même argumenter que ce système nuit à la diversité de la méta.
Dans une véritable optique d'élimination du plus grand nombre de picks "op" avant chaque partie, une unique phase de 5 bans aurait été d'avantage indiquée.
Et l'avenir maintenant ?
Deux questions se posent : « Faut il continuer à augmenter le nombre de bans ? » et « Qu'en est-il de la solo queue ? »
Les deux questions sont liées, car plus la phase de ban est longue plus le temps nécessaire au lancement d'une game l'est aussi. LoL est déjà actuellement l'un des jeux ou il est le plus long d'entrer en jeu, ce qui peut rebuter une partie du public, par comparaison il faut en moyenne moins d'une minute pour arriver dans une partie de CS:GO où d'Overwatch.
Si l'on souhaitait revenir au 10 % de bans des premiers jours avec le champion pool actuel, il nous faudrait 14 bans, soit plus d'un par joueur présent dans la partie.
Sachant qu'un joueur dispose actuellement de 30 secondes pour procéder à un ban, ce changement rajouterait au maximum 5 minutes supplémentaires à la phase de ban.
La sélection des champions et les 6 premiers bans pouvant déjà durer jusqu'à 8 minutes il s'agirait là de doubler le temps passé en champ select. De quoi doubler également la frustration des joueurs lorsqu'un un inconnu dodge à la dernière seconde.
Les effets prévisibles d'un dodge à la 15eme minute.
Il semble donc improbable de voir un jour 20 bans en solo queue, une telle mesure pourrait cependant revêtir un réel intérêt sur la scène compétitive.
Pour finir, le nombre de bans disponibles en solo queue va bel et bien augmenter, interrogés de nouveau sur la question il y a quelques semaines, plusieurs employés de Riot confirmaient l'arrivée des 10 bans comme un objectif prioritaire. Reste à voir si son effet sera aussi mitigé sur le ladder que sur la scène professionnelle.
Difficile de trouver le format le plus adapté pour la compétition | |