Test de Torment: Tides of Numenéra
Après les Wasteland qui ont fait office de successeurs aux premiers Fallout, le studio inXile s'attaque à présent au fameux Planescape Torment avec Torment: Tides of Numenéra. Proposer un RPG particulièrement riche en dialogues dans un univers futuriste et étrange, avec une approche radicalement opposée aux tendances actuelles a de quoi faire saliver les vieux puristes. Découvrons ce qu'il résulte de ce parti pris pour le moins osé.
Torment: Tides of Numenéra est sorti ce 28 février sur PC et chose plus rare, sur consoles aussi avec une version PS4 et Xbox One.
Trailer de l'histoire
Genre : RPG isométrique, Tour par tour
Date de sortie : 28 février 2017
Plateforme : PC, PS4, Xbox One, Mac, Linux
Développeur : inXile Entertainment
Prix : 44,99 €
Sans nom le second
Dans un milliard d'années la Terre va devenir un sacré foutoir, toutes les civilisations qui se sont succédées ont laissé des artefacts technologiques avancés et incompréhensibles nommés Numénéras un peu partout avant de disparaître. Les habitants pour le moins hétéroclites de ce monde futuriste ont appris à vivre (et surtout à mourir) entourés de ces appareils qui ont autant de chances d'accomplir un miracle, de vous faire changer de dimension ou de vous pulvériser. Un véritable génie surnommé le Dieu Changeant a cependant tiré son épingle du jeu, il a réussi à atteindre l'immortalité en créant de nouveaux corps de plus en plus perfectionnés et en transférant sa conscience dans sa dernière création. Ces enveloppes ne sont pas restées vides et à chaque fois une conscience est apparue en elles. Ces reliquats presque immortels sont alors libres de vivre comme ils l'entendent, du moins tant qu'ils échappent à la Calamité, un gardien multidimensionnel antique qui n'a pas l'air d'apprécier le petit jeu du Dieu Changeant.
Vous allez incarner le dernier reliquat, la dernière enveloppe charnelle en date du Dieu Changeant. Comme dans Planescape Torment vous êtes immortel, se faire tuer voire décapiter au combat n'est qu'un simple contretemps, voire une opportunité de visiter le labyrinthe, le monde indépendant qui réside dans votre esprit. Et comme Sans nom vous aurez souvent l'opportunité de vous remémorer des souvenirs des vies antérieures du Dieu Changeant. Tout cela donne lieu à un grand nombre de situations très cocasses, vous pouvez jouer au canari minier et chercher à vous faire tuer par tout ce que vous rencontrez, ou vous faire passer pour le Dieu Changeant lui-même si le cœur vous en dit. Ajoutez à cela des compétences amusantes comme la capacité de lire l'esprit de vos interlocuteurs ou de les influencer, et vous aurez pas mal de dialogues savoureux.
Il faut reconnaître que le premier chapitre du jeu est très impressionnant tant il est riche, vivant et surtout étrange. Les appareils disposés un peu partout ainsi que les personnages bizarres que vous pourrez rencontrer sont intéressants et ils ont beaucoup, mais alors beaucoup à dire. Entre l'exploration des souvenirs d'antan, l'utilisation des mystérieuses marées et tous les personnages qui sont disposés à vous lire leur autobiographie n'est pas sans faire son petit effet, si vous aimez ce genre de choses. Il est cependant dommage que l'histoire soit très linéaire, même s'il est possible de choisir ses compagnons et de faire des choix différents, chaque chapitre du jeu vous limitera à une région particulière. Il n'est pas question de partir explorer le neuvième monde et ses merveilles, il n'est d'ailleurs même pas possible de revenir dans les régions précédentes à la fin d'un chapitre. Nous sommes donc toujours focalisé sur l'histoire et sa progression mais cela a un côté un peu frustrant, on aurait aimé pouvoir se balader davantage et pouvoir faire des choix plus radicaux. Au final vous pouvez choisir les moyens mais pas vos objectifs, ce qui est un comble.
Trailer du monde
La tyrannie des compétences role play
Ce qui sépare radicalement Torment des autres RPG, même de ceux "à l'ancienne" comme un Pillars of Eternity, voire même comme Planescape Torment, est la prédominance donnée aux dialogues. En disposant des bons talents, en faisant les bons choix et en ayant un peu de chance au départ, il est probablement possible de finir le jeu en ayant fait moins de dix combats au total. Pour peu que vous ayez créé un personnage avec le bon profil et que le fonctionnement de ce type de RPG vous soit familier, vous pouvez déjouer toutes les situations avec votre langue d'argent et votre intelligence, ce qui a été le rêve de longue date de beaucoup de role players. Cette volonté des développeurs est d'autant plus évidente lorsqu'on se rend compte que tuer des ennemis ne donnent pas d'expérience, finir une quête en tuant tout le monde est rarement plus rentable que de juste intimider l'opposition. Cela a même tendance à l'être moins tant les sources d'expérience et d'informations sont nombreuses lors des dialogues qui s'en suivent.
Choisir l'affrontement direct est doublement découragé puisqu'une des plus grosses faiblesses du jeu réside dans son système de combat. Celui-ci est au tour par tour, chaque personnage à droit à un déplacement ainsi qu'à une action (ou deux déplacements, façon XCOM). Jusque là c'est assez classique, mais le système d'effort entre ensuite en jeu. Au lieu d'avoir des personnages avec des statistiques fixes, nous avons à la place des jauges de force, de vitesse et d'intelligence qui servent à accomplir des actions, qu'elles soient scénaristiques (persuader quelqu'un, voler un objet) ou liées au combat (fendre le crane de quelqu'un avec une hache). Choisir de dépenser des points additionnels va augmenter vos chances qu'une action réussisse. Il est amusant de noter que parfois une action ratée a un résultat plus rentable et intéressant qu'une action réussie, mais vous ne le saurez jamais avant d'avoir testé. Ce système vous encourage donc à ménager vos points puisqu'ils ne sont régénérés qu'avec des consommables ou en dormant. Malheureusement les choses dérapent rapidement, il s'avère que l'intelligence est infiniment plus utile que les autres statistiques vu son utilisation omniprésente lors des dialogues. Les différents talents obtenus finissent par rendre ce système d'effort totalement obsolète puisque, outre les énormes bonus de réussite pour les différentes actions données par les points de compétence, l'équipement et surtout vos compagnons, il est possible d'avoir plusieurs points gratuits attribués à chaque action. On se retrouve donc sans trop d'effort à réaliser toutes ses actions avec 100% de réussite, que cela soit pousser quelqu'un à se suicider ou alors envoyer une attaque de zone dévastatrice.
L'absence des différents modes de difficulté fait donc que les combats deviennent vite triviaux. Combinée à la relative lenteur des actions ennemies (qui sont souvent nombreuses qui plus est) et au favoritisme écrasant offert aux résolutions pacifiques, on se retrouve poussé à éviter à tous prix lesdits combats. Cela reste dommage puisque nous parlons d'un RPG, pas d'un point & click ni d'un visual novel. Cela nous fait donc passer à coté d'un des éléments qui se voulait novateur du jeu, les Cyphers. Ces appareils transportables à usage limité disposent de pouvoirs uniques et exotiques qui sont censés vous aider lors des combats. Leur puissance importante devant être compensée par le fait qu'ils déclenchent d'énormes malus lorsqu'un personnage en transporte trop. Mais vu le nombre extrêmement limité de combats et leur facilité, ils s'avèrent au final presque inutiles. Il convient de signaler que presque tous les combats vous offrent des alternatives à la simple violence. Il reste possible d'engager les dialogues avec les différents personnages pour convaincre vos adversaires de déposer les armes, ou des éléments du terrain peuvent être activés, que cela soit pour prendre l'avantage ou simplement fuir. C'est particulièrement bien vu et cela s’intègre bien à l'univers particulier du jeu, même si cela contribue à saper cette facette du gameplay.
Trailer des combats
Quand la forme n'y est pas
Malgré les fonds sans précédents récoltés lors de sa campagne Kickstarter et les années de développement additionnelles, Torment est très loin de tenir toutes ses promesses. Certaines fonctionnalités sont manquantes ou anecdotiques comme les marées qui doivent représenter l'orientation de votre personnage en fonction de ses choix et actions. Il n'y a pas de système d'alignement ni de réputation conventionnel, il y a des couleurs à la place, par exemple bleu pour le savoir et la curiosité, rouge pour l'impulsivité et la passion, doré pour la compassion et la générosité. La chose est censée avoir une influence sur la façon dont vous êtes perçu mais le résultat est négligeable.
Les décors du jeu sont étranges et assez jolis et ils reflètent bien le monde bizarre dans lequel nous évoluons, mais ils peinent à compenser l’extrême pauvreté visuelle de l'ensemble. En dehors de vos compagnons, pas un seul personnage ne dispose d'un portrait. Pire encore, de nombreux passages n'ont plus rien d'un jeu moderne et on a davantage l'impression de lire un livre dont vous êtes le héros ou de jouer en mode texte puisque tout l'écran est couvert par une illustration fixe, seul le texte sert alors de support à la narration. Les récompenses et les effets de ces passages répétés ne sont détaillés nulle part et seule la comparaison de la fiche de notre personnage avant et après permet d'en connaître les effets. Combiné à l'interface assez laide affligée par des bugs et parfois non fonctionnelle, et cela fait beaucoup.
|
|||||
Les plus et les moins |
|||||
Possibilités & choix vastes | Version française pleine d'erreurs | ||||
Même l’échec est constructif | Visuellement peu engageant | ||||
Quelques mécanismes de jeu originaux | Combats inintéressants | ||||
Univers étrange et fascinant | Compétences très déséquilibrées | ||||
Dialogues et descriptions fleuves | À réserver aux grands lecteurs | ||||
L'écriture riche | Assez court |