Jusqu'à présent, le champ d'action du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA), le gendarme de l'audiovisuel français, se limitait au contenu télé et radio. Toutefois, le 25 mai dernier, la commission européenne a fait une proposition qui permettrait aux régulateurs de l'audiovisuel de l'Union Européenne d'intervenir également sur le contenu diffusé en ligne. Ce qui veut dire que des plateformes de diffusion de contenu vidéo comme YouTube ou Dailymotion ou de streaming en direct telles que Twitch vont être impactées.
Le CSA a pour rôle à l'heure actuelle de protéger les mineurs de contenus explicites (violents ou à connotation sexuelle notamment), de veiller à la pluralité de l'expression d'idée particulièrement en période électorale. Il est également impliqué dans la protection de la culture européenne et française en particulier avec la mise en place de quotas de diffusion de contenus d'origine européenne et française. Le CSA émet essentiellement des mises en demeure mais a des pouvoirs qui peuvent aller jusqu'à l'interdiction d'émettre. Mais comme dit plus haut, l'instance ne peut actuellement agir que sur du contenu diffusé à la télé et à la radio mais également sur les plateformes de VOD comme Netflix ou de télé de rattrapage comme M6 Replay.
Dans sa proposition de modernisation de la directive dite SMA (Services de Médias Audiovisuels), la commission européenne prend conscience que, malgré la part toujours conséquente des services de radiodiffusion classiques, les services de contenu sur internet se sont développés et sont parfois accessibles directement sur les télévisions notamment par le jeune public.
Elle propose donc d'élargir les compétences des organismes de régulation nationaux aux nouveaux acteurs du web. Optant pour un mécanisme de protection du consommateur qui nivelle par le haut, en appliquant ce qui se fait déjà dans l'audiovisuel classique concernant la protection des mineurs et des consommateurs pour les contenus discriminants et incitant à la haine.
Bien consciente de la différence économique des deux secteurs que sont le web et l'audiovisuel, elle allège les règles concernant le financement pour s'adapter à l'environnement de ce qui a cours sur les plateformes de diffusion de contenu. En clair, le placement de produits et le parrainage seront autorisés dans certaines limites (sont exclues les industries du tabac et de l'alcool).
Alors que la Secrétaire d'État chargée du numérique Axelle LEMAIRE se positionne clairement en faveur d'une reconnaissance claire de l'e-sport en soutenant le projet de loi pour une République numérique, le monde de l'e-sport se sert de ces plateformes de diffusion qui lui a permis d'atteindre la dynamique qui est la sienne aujourd'hui (les chaînes de gaming sur YouTube, les stades remplis pour une finale de League of Legends, le fort potentiel de développement qui le place aujourd'hui juste derrière le championnat de F1 en terme de spectateurs et de revenus générés). La directive, si elle maintient la direction empruntée, permettrait au secteur de continuer à se développer tout en régulant le contenu de manière discrète.
En France, le CSA désirait depuis longtemps avoir la main sur le contenu diffusé par Twitch ou YouTube. Si certaines directives sont inapplicables en vertu des principes de la neutralité du web et de la directive européenne e-commerce, on voit arriver d'un bon œil le volet concernant le placement de produits et le parrainage qui jusqu'à présent étaient tolérés sans toutefois être acceptés, la répression des fraudes ayant ouvert une enquête à ce sujet. Les compétitions d'e-sport et les producteurs de contenus notamment sur Youtube et Twitch n'ont plus à craindre une quelconque répression car l'évocation du jeu vidéo qui sert de base au contenu ne serait plus considérée comme une publicité dissimulée.
Si le CSA prend la main sur le contenu audiovisuel web afin de protéger le consommateur, les restrictions concernant le financement et l'image seront allégées pour s'adapter aux pratiques en cours dans le monde du contenu vidéo sur internet.