Il n’en avait pas fallu beaucoup pour que Fnatic redevienne ce colosse que tout le monde rêvait d’abattre. Une victoire contre Vitality en quart de finale après une saison en demi teinte avait suffi à rallumer la flamme du public, alimentant le mythe qu’une finale de LCS ne pouvait se jouer sans Fnatic. Le temps et la multitude des lineups n’ont pas suffi à altérer cette légende, au point que Fnatic était perçu comme ultra favori dans son match contre G2 dimanche dernier. Et pourtant, ironie du sort, c’est sous les coups de l’équipe d’Ocelote, longtemps rival de l'ancienne version de Fnatic, que le colosse a dévoilé ses pieds d’argile. Le mythe Fnatic s’est-il éteint après trois saisons marquées d’une domination presque parfaite en ce dimanche 10 avril ?
Construction d’un mythe
Fnatic a toujours eu une relation particulière avec son public. Les joueurs qui sont passés par cette équipe ont tous contribué à la création du mythe que cette équipe serait championne des LCS européens, indépendamment de ses résultats en saison régulière. Certes, il lui a manqué un titre lors de la saison 4 en perdant la finale du Summer Split contre Alliance. À l’époque on a pensé que c’était la fin du court règne Fnatic. Avec du recul, on s’est rendu compte que cette défaite n’était que le signe de la fin d’un cycle, et qu’il était temps pour xPeke, Soaz et Cyanide de passer à d’autres projets. Le véritable exploit a été la conquête des deux titres suivants en LCS avec la nouvelle équipe, composée notamment de deux rookies coréens : Huni et Reignover.
Les trois premiers titres avaient déjà une saveur particulière, surtout celui du Summer Split en saison 3, l’année où Lemondogs dominait la saison régulière et où toutes les autres équipes n’arrivaient pas à se départager, si bien que 6 d’entre elles ont dû passer par un tie-breaker. C’est à ce moment-là qu’est né l’adage sur reddit « En Europe, tout le monde bat tout le monde, mais à la fin, c’est toujours Fnatic qui gagne ». Mais le mythe n’était pas exactement associé à la structure, plutôt aux joueurs de l’époque. La deuxième version de Fnatic a définitivement fait basculer leur aura dans le mystique, car il était incroyable qu’en changeant 80% de l’équipe, ils soient toujours les maitres de l’Europe. L’unique défaite en finale, contre Alliance, était en fait l’exception qui confirme la règle, comme si le scénario des LCS était déjà écrit à l’avance et que Fnatic ne pouvait qu’être la dernière équipe debout.
Fnatic première version, avec Puzsu.
Mais cette image de Fnatic n’a pas été construite seulement sur ses succès. Le backdoor d’xPeke a longtemps entretenu cet espoir que dans n’importe quelle partie, Fnatic pouvait retourner la situation à tout moment, et Soaz perpétue encore cette tradition chez Origen. Certains stratégies sont la marque de fabrique de cette équipe, comme le Fnatic bush (même si celle-là n’a pas survécu à tous les changements d’équipe). Enfin, on ne peut pas parler du mythe Fnatic sans aborder l’influence qu’a eue YellOwStaR. Présent depuis le début des LCS jusqu’à la saison dernière, le vétéran français a tout connu et a été le point commun entre les différentes line-ups Fnatic. Il a participé à toutes les éditions des Worlds, a joué dans chaque finale des LCS. Mis en avant la saison dernière, on lui a attribué une grande partie de ce succès un peu inattendu. Ses capacités de leader et de shotcall ont été louées par la communauté. Alors le mythe Fnatic, n’est-ce pas un peu aussi le mythe YellOwStaR ?
Une saison difficile
Le départ de ce dernier pour TSM cette saison a beaucoup peiné ses fans de la première heure, qui ne pouvaient dissocier YellOwStaR de Fnatic. Plus que le départ des deux jeunes coréens, c’est l’exode du Français qui a semblé déstabiliser les fondations de l’équipe européenne. Quand la nouvelle line-up avec l’ajout de Gamsu, Spirit et Noxiak a été dévoilée, une grande partie du public n’était pas très impressionnée et les craintes que le leadership de YellOwStaR soit l’élément manquant dans la saison à venir ont commencé à s’exprimer. Cependant, contrairement à la saison 2015, on voulait croire dès le début que l’équipe ferait partie des prétendants à la victoire finale. Si le collectif Fnatic avait pu survivre en perdant 4 joueurs, pourquoi ne garderait-il pas son trône en n’en perdant que 3 ?
En démystifiant les succès des trois dernières années, il faut bien constater que l’organisation Fnatic semble être en avance sur ses concurrents. Une gaming house qui parait spacieuse, un staff très présent, un coach charismatique... toutes ces choses que la série « Life of Legends » a montrées au grand public semblent faire la différence. Le plus dur n’est pas d’accéder au sommet, mais d’y rester, et cela est inculqué aux joueurs dès leur arrivée. Huni en parlait déjà l’année dernière, pendant leur folle série de 18 victoires. Le rythme d’entraînement, la méthodologie et l’analyse de ses erreurs, même lorsque l’on gagne, sont des facteurs primordiaux pour faire partie des meilleures équipes. Malheureusement, cette recette n’a pas fonctionné autant que les années précédentes cette saison.
Fnatic deuxième version, l'énorme surprise
Après un début difficile, imputable à un problème de leadership en jeu et à une communication imparfaite, les Fnatic se sont vite retrouvés dans le ventre mou du tableau des LCS. Pour remédier à cette situation, Noxiak a été remercié, et Klaj a fait son entrée pour soulager Rekkles de ses nouvelles responsabilités de shotcaller. Si la sauce n’a pas pris immédiatement, les IEM Katowice ont été un tournant pour eux. Les Fnatic ont semblé progresser à chaque partie, engrangeant plus d’expérience en un weekend qu’en plusieurs semaines de LCS. Cette progression s’est tout de suite vue à leur retour en saison régulière, avant qu’ils ne retombent dans leur travers lors les deux dernières semaines de la compétition. Car cette équipe n’est pas mauvaise, elle est simplement très inconstante. Febiven et Rekkles ne font pas leur meilleure saison, mais ils sont toujours capables de sortir des parties d’anthologie. De son côté, Spirit n’a pas concrétisé toutes les promesses du début de saison. S’il n’a jamais totalement déçu, il n’a pas été ce jungler dominant auquel on pouvait s’attendre.
Retour à la réalité
Cette inconstance chronique a placé Fnatic en outsider des playoffs, avec un premier match contre Vitality que la majorité du public les voyait perdre. Après une saison un peu médiocre, on les voyait mal s'imposer contre une équipe Vitality qui est montée en puissance au fil du temps. Mais c’était sans compter la magie Fnatic. Que le destin s’en soit mêlé ou que Vitality se soit fait surprendre par une équipe mieux préparée, le résultat a relancé la théorie que les LCS étaient écrits à l’avance. Subitement, l’idée que Fnatic puisse gagner à nouveau la compétition ne paraissait plus autant incongrue. Alors que tout le monde voyait Vitality favori, Fnatic était désormais donné largement vainqueur contre G2 en demi-finale : 92% de la rédaction et 68% d’entre vous pensaient que Febiven et ses copains rejoindraient Origen en finale.
Ce n’est pas la première fois que le public change d’avis lors d’une compétition sportive, mais rarement avec une telle amplitude. Les G2 sortaient à ce moment-là d’une saison régulière de haut vol, et malgré les doutes que l’on pouvait avoir sur leur capacité à s’adapter à un format BO5, il était injuste pour eux de les donner perdants à ce point-là. Une semaine plus tôt, les résultats auraient probablement été totalement différents, mais les superstitions ont la peau dure. Pour la première fois de l’histoire des LCS, le scénario ne s’est néanmoins pas déroulé comme prévu. Les G2 se sont montrés supérieurs dans presque tous les compartiments de jeu, gagnant toujours un peu plus lorsqu’ils échangeaient des tours avec Fnatic, et le Ryze de Perkz a fait pencher la balance du côté de l’équipe espagnole. C’est historique : pour la première fois de l’histoire des LCS, Fnatic ne sera pas en grande finale pour jouer le titre.
Fnatic troisième version, après une victoire
Tous les contes ont un jour une fin, et il était illogique de penser que Fnatic gagnerait les LCS Europe indéfiniment. La performance de la structure reste quand même exceptionnelle, car si on se détache de l’aspect mystique de cette histoire, on se rend compte que gagner autant de fois de suite ne peut pas être dû au hasard. En tant qu’organisation, Fnatic a compris très tôt comment tout mettre en oeuvre pour que son équipe League of Legends soit la plus compétitive. L’équipe actuelle connait certains problèmes, mais il ne faut pas pour autant la dénigrer. Atteindre les demi-finales de la compétition est déjà une performance honorable, et c’est à eux de mettre cette expérience à profit pour bien figurer pendant le Summer Split.
L’esprit de Fnatic sera néanmoins un peu présent lors de cette finale, puisque Soaz et xPeke seront de la partie. S’ils remportent ce split et s’envolent pour le MSI avec Origen, c’est en quelque sorte la lignée de l’équipe qui se perpétuera. Mais si la légende Fnatic s’arrête ici, de l’autre côté de l’Atlantique, une autre continue. YellOwStaR, en s’imposant à la surprise générale 3-0 avec TSM contre IMT, est devenu le seul joueur à avoir atteint une finale LCS à chaque split, avant de peut-être devenir le seul joueur à participer à tous les Worlds dans quelques mois. Qui sait quand s’arrêtera cette belle série entreprise par le joueur français ?