Mise à jour du 24 mars 2016 : Le rapport a été remis ce matin au Meltdown Paris. Il est disponible en lecture sur vos écrans à cette adresse. Par ailleurs, une infographie explicative est aussi disponible ci-dessous.
L'émission dont nous vous parlions récemment est terminée et nous en savons un peu plus sur ce que contiendra le pré-rapport remis à la ministre Axelle Lemaire jeudi prochain. Il est important de rappeler que les propositions de ce rapport ne feront pas force de loi et que si certaines de ces propositions seront discutées au parlement pour la loi sur l'économie numérique, le reste dépendra du gouvernement et ne suivra pas forcément les pistes proposées. Néanmoins, il est intéressant de découvrir le point de vue des politiques après qu'ils se soient penchés sur le développement de l'esport en France puisqu'ils ont rencontré une centaine de personnes du milieu au cours de cette mission.
Des statuts pour tous
Le premier sujet abordé était le statut des compétitions esport en France. Aujourd'hui, elles sont illégales car elles sont considérées comme des jeux d'argent et dépendent de l'ARJEL. Les deux parlementaires semblent avoir bien compris que l'esport n'avait rien à voir avec les jeux d'argent et n'était constitué que de compétitions. Le problème est qu'il est aujourd'hui compliqué de créer de nouveaux statuts en partant de zéro et le rapport préconise donc un moyen simple pour évaluer si ces compétitions sont des jeux d'argents ou non. En prouvant que le cashprize des tournois n'est pas qu'une redistribution du prix d'entrée, les organisateurs sortiraient du cadre des jeux d'argents. Dans la pratique, les LANs devront fournir un budget prévisionnel qui prouve que le prix d'inscription n'est qu'une participation aux frais d'organisations et que le cashprize est alimenté par d'autres sources comme le sponsoring ou l'apport personnel de l'association/entreprise.
Selon la taille du cashprize et l'apport du prix d'entrée, le rapport préconiserait la création de trois statuts allant de la petite LAN locale à l'organisation d'un tournoi international. Leur souci est de ne pas surcharger administrativement les organisateurs, particulièrement les petites structures qui auront moins de justificatifs à fournir. Si cette solution était retenue, elle serait assez avantageuse pour les LANs, puisque cela ne représenterait que peu de travail supplémentaire pour être dans la légalité, et également pour le gouvernement qui n'aura pas à créer une nouvelle entité pour surveiller.
Les LANs seront bientôt totalement légales en France
Mais l'encadrement des tournois n'est qu'une partie du problème et les intervenants ont aussi interrogé les parlementaires sur le statut des joueurs professionnels. A ce sujet, ces derniers pensent que le fonctionnement de l'esport se rapproche énormément du sport dans les grandes largeurs et que la suite logique serait de rapprocher l'esport du droit sportif. Au lieu de créer un nouveau statut, on utiliserait donc ce qui existe déjà pour les sportifs et l'utilisation de CDD avec des modalités particulières. Les deux parlementaires semblaient très au fait que cela était nécessaire pour que l'esport puisse continuer à se développer et qu'aujourd'hui les joueurs et équipes étaient dans une situation précaire.
La question de la fiscalité n'a pas été abordée en détails pour ce statut, mais ils ont assuré que la question des cashprizes ne seraient pas un problème. Enfin, ils sont conscients que ce statut est nécessaire pour régler le problème des visas et qu'il est très compliqué pour un joueur professionnel étranger de venir s'installer en France aujourd'hui. Prenant l'exemple d'un coréen devant se présenter à pôle-emploi pour obtenir un visa aujourd'hui, ils assurent que ce problème est important à leurs yeux.
L'esport copiera-t-il le modèle du sport?
Le problème avec le rapprochement du modèle sportif pose néanmoins la question de l'organisme de rattachement pour l'esport. Les parlementaires savent que l'ARJEL n'est pas à même de gérer le milieu de l'esport et préconisent un rattachement au Ministère du Sport et de la Jeunesse. Cette solution serait d'ailleurs plus ou moins obligatoire si l'on devait se baser sur le droit sportif et pose la question d'une fédération. Cependant, et ils l'ont avoué à demi mot pendant l'émission, ce ministère ne veut pas prendre totalement en charge l'esport aujourd'hui. Si l'on donne les mêmes statuts aux joueurs esports qu'aux joueurs sportifs, cela représenterait un travail et des coûts considérables pour ce ministère dans une période où l'austérité prime.
Cette question reste donc en suspens. Le rapport admet que la création d'une fédération sera très difficile au vu de la pluralité des acteurs : il faudrait réunir joueurs, organisateurs, structures et même éditeurs de jeux vidéo. Il préconise cependant la création d'une plus petite entité qui réunirait différents représentants du milieu pour que le gouvernement ait un interlocuteur à qui parler. Une espèce de conseil qui pourrait débattre et rendre différents avis. Par ailleurs, le sport bénéficiant de subventions, ce point a été abordé. A l'heure actuelle, le gouvernement ne pourra pas investir ou subventionner l'esport, mais les parlementaires pensent que ce rôle sera dévolu aux collectivités locales (villes, régions) et que c'est une piste à creuser.
Le premier ministre appliquera-t-il les propositions de Rudy Salles?
Dernier grand point abordé, la question de la diffusion des compétitions esport à la télévision. A l'heure actuelle, il est interdit de diffuser 50 minutes sur un jeu car cela est considéré comme de la publicité déguisée. Le système PEGI est aussi un problème car le CSA impose une heure de diffusion tardive si le support est PEGI16 ou plus. Pour les parlementaires, le CSA n'est pas du tout hostile à lever ces difficultés, mais il faut tout d'abord que ces compétitions aient un statut légal. Si les propositions de ce rapport sont donc retenues, il est fort probable que l'on voie des compétitions de jeux vidéo diffusées à la télévision à court ou moyen terme.
D'autres sujets plus mineurs ont été abordés, comme le fait de mener une carrière de joueur et ses études en parallèle, mais ils ne seront pas traités en urgence. Le sénateur Jérôme Durain l'a beaucoup rappelé pendant l'émission, l'esport est quelque chose de totalement inconnu pour une très grande majorité des politiques et de la population et on ne peut pas espérer que tout sera réglé en une fois. La priorité est de donner un cadre légal pour que l'esport puisse se développer en France, et le reste suivra naturellement.
Les deux parlementaires semblaient en tout cas être très impliqués dans leur travail et maîtrisaient parfaitement le sujet. Ils voient l'esport comme un milieu très sain mais qui est encore méconnu et qui souffre d'un problème d'image auprès des politiques. D'après ce qu'ils ont pu en dire, le rapport propose de nombreuses solutions que tous les acteurs attendaient depuis un moment. La question est maintenant de savoir lesquelles seront retenues et à quelle vitesse ira le gouvernement pour légiférer sur l'esport. Le ton et la teneur de l'interview étaient cependant très prometteurs pour l'avenir.