Depuis le début de la saison, nombreux sont les matchs professionnels qui font dangereusement flirter le spectateur avec la barrière de l’ennui. Équipes excessivement passives, guerres de farm et Portail de Zz’Rot se neutralisant sans la moindre action sont devenues monnaies courantes dans certaines compétitions. Désemparée, la communauté n’a pas mis longtemps avant de trouver un bouc émissaire à ce piètre spectacle : les lane swaps. Infligés de manière quasi systématique aux spectateurs, ils sont devenus l’ennemi public numéro un, certains allant jusqu’à demander leur suppression. Sont-ils responsables de tous ces malheurs ? Si la réponse paraît évidente, il semble nécessaire de s’y attarder au vu de certaines réactions.
Voyage au bout de l’ennui
De nos jours en Europe ou Amérique du Nord, certains matchs LCS peuvent se résumer grossièrement ainsi : une des deux équipes décide d’un lane swap, envoie sa botlane au top, les deux duolanes aidées par jungler et toplaner font tomber leur tour extérieure respective puis échangent de lane. Parfois, elles s’aventurent même jusqu’aux tours intérieures. Puis, tout en changeant constamment de place sur la carte, les deux équipes s’en vont farm et s’évitent jusqu’à ce que l’une d’entre elles craque et tente une action. Ensuite, la paix revient et les équipes continuent à farm, et ainsi de suite. Cette suite d’évènements se répète alors jusqu’au late game, où les timers de résurrection deviennent bien plus importants et permettent la chute d’autres objectifs ou une fin de partie éclair.
Le swaplane pour les nuls
Peu de kills au compteur, un match d’un intérêt limité pour les spectateurs, et probablement beaucoup de café qui a coulé pour les maintenir éveillés. Ce schéma de jeu est devenu monnaie courante pour la plupart des équipes en LCS, et commence également à apparaître en LCK. Si certaines équipes parviennent encore à résister et proposer du spectacle, ces guerres de positions sont bel et bien en train de devenir la norme dans les régions majeures, avec quelques variations locales. Pour le bien commun, la situation de la scène chinoise, parfois totalement opaque à certaines notions stratégiques, ne sera pas abordée ici, trop d’analystes ayant déjà perdu leur santé mentale en tentant de la comprendre.
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Pourtant, Riot promettait de redynamiser les matchs en début de saison, et d’offrir plus d’action en jeu, dans des matchs plus courts. Si le temps moyen d’un match professionnel est en effet en baisse de parfois quatre minutes dans les régions citées précédemment, le spectacle n’est pas pour autant au rendez-vous. La faute à la passivité des équipes de milieu et bas de tableau, qui se battent à chaque match pour espérer remporter une victoire et emploient donc la stratégie la moins risquée à chaque match. Puisque les lane swaps sont le point de départ de chacun de ces matchs, faut-il en déduire que ce nouvel aspect du jeu est responsable du piètre spectacle proposé et simplement tenter de le supprimer ?
Des objectifs faibles
Au contraire de ce que beaucoup semblent penser, la réponse est non. Les lane swaps sont une partie des éléments les plus complexes sur League of Legends, et ces quelques lignes ne pourront jamais leur faire suffisamment honneur. Présents depuis le début de la scène compétitive, leur utilisation est possible pour de nombreuses occasions, allant d’esquiver un match-up défavorable à accélérer l’arrivée d’un pic de puissance pour une composition, en passant par viser et réduire l’impact d’un certain joueur. Avec de nombreuses stratégies possibles pour des résultats encore plus variés, ils représentent la base pour obtenir un jeu diversifié et équilibré. Sans lane swap, seules certaines compositions survivraient, et leur existence est nécessaire, même si certains professionnels comme FORG1VEN ne cachent pas leur aversion pour eux et la capacité offerte à un joueur moins bon mécaniquement d’éviter un affrontement direct.
Certes, certaines situations sont facilitées par les lane swaps, qui créent moins d’interactions entre les deux équipes, mais ils ne sont pas la seule raison pour laquelle celles-ci décident de s’éviter. L’augmentation du délai de résurrection en late game est par exemple responsable de bon nombre d’impasses survenues récemment. Les trente minutes passées, un joueur tué peut mettre plus de 40 secondes avant de pouvoir réapparaître. Un délai grandissant avec le temps, et qui pousse les équipes les plus faibles à ne pas prendre de risques et tenter de prendre des objectifs tout en évitant l’affrontement. Puisqu’un simple teamfight raté peut, passé 30 minutes, entraîner la fin de la partie malgré une avance confortable, TSM et son expérience contre ESC Ever aux IEM pouvant en témoigner, il n’est pas surprenant de voir les équipes privilégier la sécurité. Le spectacle n’a pas son mot à dire quand certaines formations jouent pour garantir leur survie dans l’élite.
Mais pourtant, la situation n’a rien de rédhibitoire. Il suffirait de quelques changements simples pour redonner de l’intérêt aux parties, et sans tomber dans un bain de sang constant comme en Saison 3. Depuis qu’il a perdu ses golds globaux la saison précédente, le Dragon est devenu un objectif secondaire. À moins d’être tué très tôt par une équipe, qui peut alors faire planer la menace d’un rapide cinquième Dragon à condition d’être ponctuelle, il passe au second plan. Par le passé, la peur de perdre le Dragon et un énorme boost de gold empêchait les équipes d’envoyer leur duolane au top à l’approche de sa réapparition, et forçait de nombreux teamfights. Redonner des golds à l’équipe qui le fait tomber redonnerait un sens à un objectif délaissé de nos jours, et nombreux sont les commentateurs espérant un changement rapide dans ce sens.
Enfin, difficile de parler d’objectif quand on aborde le sujet du Hérault. Avec un buff bien trop faible et nécessitant l’attention de deux joueurs pendant de longues secondes, il est généralement relégué au rôle de passe-temps en attendant qu’un camp de jungle réapparaisse, quand il n’est pas tout simplement ignoré. Son plus grand fait d’arme reste son double kill lors du fameux match Renegades - Dignitas, et c’est dire. Un sérieux boost de puissance est nécessaire pour en faire un objectif digne de créer des affrontements. En recréant ainsi deux objectifs neutres dignes d'intérêt en début de partie, Riot se rendrait grandement service. La meta peine à convaincre, que ce soit au niveau des spectateurs, mais aussi des joueurs et observateurs, et c'est regrettable dans un jeu qui peut se montrer aussi riche et diversifié stratégiquement.
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