La triche est presque aussi vieille que le jeu vidéo lui-même. Qui n'a pas, dans sa jeunesse, tapé des codes dans GTA, Starcraft ou encore Tomb Raider ? Si cela ne pose aucun problème lorsque l'expérience se cantonne à un jeu solo, elle est beaucoup moins bien vue en multijoueur, lorsqu'elle est imposée à autrui. Et ne parlons même pas de triche dans l'eSport, dont on a pu constater la réalité avec la vague de bannissement qui a affecté des joueurs pro de CSGO en 2014.
Quelques témoignages anonymes sur la triche récoltés par Corbier
Les plates-formes de téléchargement de jeux telles que Steam, Origin ou encore Uplay ont le vent en poupe depuis de nombreuses années et sont fermement installées dans le paysage du gaming PC. Mais est-il réellement intéressant de cumuler une grosse partie de ses jeux dans quelques comptes ? N'est-ce pas mettre ses œufs dans le même panier ? Que risque-t-on en cas d'utilisation de cheats ? Ces plates-formes ont-elles le droit de restreindre l'accès à l'ensemble des jeux du compte d'un tricheur lorsque celui-ci n'a utilisé des cheats que dans l'un d'eux ?
Dans cet article, nous nous intéresserons aux sanctions prévues dans les conditions générales d'utilisation (CGU) des principaux services de téléchargement de jeux vidéo. Il faut être conscient qu'en pratique, ces sanctions peuvent différer de ce qui est écrit, et que des stipulations théoriquement sévères peuvent en réalité cacher un certain laxisme face à la triche. L'inverse est plus dur : impossible de sanctionner plus sévèrement que ce qui est prévu dans les CGU, étant donné que celles-ci ont une valeur contractuelle.
Steam : Restrictions sur le compte du tricheur
Steam, la plate-forme de téléchargement gérée par Valve, a une longue histoire de lutte contre la triche, notamment sur Counter Strike 1.6 et ses wallhacks et autres aimbots.
Dans les conditions générales d’utilisation de Steam, Valve définit les cheats comme des processus logiciels ou matériels qui confèrent à un joueur un avantage compétitif injuste lorsqu'il joue aux versions multijoueurs d'un jeu. Un cheat peut aussi tout simplement être une modification d'un jeu. Lors de l'acceptation de ces conditions générales d'utilisation, l'utilisateur s'engage à ne pas en créer ni à aider autrui à en créer ou en utiliser.
Si vous ne respectez pas ces stipulations, Valve peut, selon ses CGU, vous priver de l'accès à un jeu que vous avez acheté, voir même clôturer votre compte Steam, auquel cas ni le prix des jeux achetés ni les fonds non utilisés de votre porte-monnaie Steam ne feront l'objet d'un remboursement. Une sanction dissuasive.
Valve utilise le système VAC (Valve Anti-Triche), qui détecte les cheats en les identifiants par leur signature. Si le joueur se connecte sur un serveur sécurisé VAC depuis un ordinateur sur lequel des cheats sont installés, sans qu'il ait nécessairement à les utiliser, il s'expose à une détection et à un bannissement.
Valve est en pratique plus souple que ses CGU le laissent supposer, puisqu'un bannissement VAC n'aura pas pour conséquence la clôture pure et simple du compte Steam, mais seulement une restriction de l'utilisation du compte Steam, qui ne pourra plus être utilisé pour jouer aux jeux multijoueurs sur des serveurs sécurisés. Jouer aux jeux solos et aux jeux multijoueurs sur des serveurs non sécurisés sur le compte restreint restera donc possible.
En conséquence, Steam invite ceux qui ont triché et ont vu leur compte Steam restreint, à en ouvrir un nouveau.
Blizzard : Clôture du compte du tricheur
Blizzard est connu pour avoir depuis très longtemps une politique de tolérance zéro envers les tricheurs et les bots. C'est tout du moins l'image qu'il souhaite se donner, en annonçant avec fierté de multiples vagues de bannissement.
Dans ses CGU, Blizzard indique qu'il est en droit de clôturer le compte Battle.net de toute personne créant ou utilisant des codes de triche, des bots, hacks, mods, ou tout autre logiciel non autorisé pour modifier ses jeux. Clairement, ici, le tricheur se retrouve entièrement privé de l'usage de tous les jeux de son compte, y compris ceux qui n'ont pas fait l'objet de tricherie.
Uplay : Clôture de l'ensemble des comptes du tricheur
Uplay, la plate-forme d'Ubisoft, a adopté une autre politique de lutte contre la triche que celle de Valve, en étendant sa sanction à tous les comptes de l'utilisateur et non plus au seul compte ayant été utilisé pour tricher. Les conditions d'utilisation d'Uplay interdisent à l'utilisateur de créer, utiliser ou diffuser des programmes ou applications logicielles de triche ou hack.
La sanction est encore une fois la clôture du compte de l’utilisateur sans aucun remboursement sur les achats ou abonnements souscrits. Les CGU stipulent de plus « Si vous possédez plus d'un compte, Ubisoft se réserve le droit de supprimer l'ensemble des comptes que vous avez ouvert ». On a donc ici une sanction de la triche bien plus sévère que celle de Valve, qui affecte l'utilisateur et tous les comptes dont il dispose plutôt que simplement le compte utilisé au moment des faits.
Origin et Rockstar : Clôture de l'ensemble des comptes du tricheur et impossibilité d'en ouvrir de nouveaux
La plate-forme de téléchargement des jeux édités par Electronic Arts est Origin, anciennement EA Download Manager ou EA Link. EA a adopté des conditions d'utilisation encore plus dures que celles de Uplay. Dans les conditions d'utilisation des services d'Electronic Arts (EA), sont interdites l'utilisation et la diffusion de programmes d'exploitation de bugs, de codes ou de programmes de triche. Jusque là, rien d'impressionnant.
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En cas de violation, si l'on en croit ses CGU, EA peut tout simplement résilier tous les comptes du tricheur avec l'habituel non-remboursement des jeux. De plus, le tricheur ne pourra de nouveau participer à un service EA sans l'autorisation expresse de l'éditeur. Tricher sur Origin, c'est donc s'exposer au risque de ne plus du tout pouvoir utiliser la plate-forme à l'avenir ! Notons au passage que Rockstar fait figurer dans ses propres CGU des sanctions similaires (« Si le présent accord est résilié suite à un manquement de votre part, le donneur de licence peut vous interdire de vous réinscrire ou d'accéder de nouveau au Logiciel […] À la résiliation de cet accord, vos droits d’utilisation du Logiciel, y compris la monnaie virtuelle ou les biens virtuels associés à votre compte utilisateur, seront immédiatement résiliés »).
En conclusion
Les conséquences de la triche sont donc sérieuses et ne se limitent pas à un simple bannissement sur le jeu concerné. Elles s'étendent à tous les jeux du compte, voir à tous les comptes du joueur, ce qui nous pose la question suivante : dans quelle mesure le consommateur est-il propriétaire de son jeu dématérialisé, et peut-il réellement en être privé simplement parce qu'il a violé les CGU ?
Si les CGU sont généralement très claires et indiquent que le consommateur est titulaire d'une simple licence et n'est pas réellement propriétaire de son jeu, un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, en 2012, a affirmé que ce genre de licence pouvait, dans certaines conditions, constituer une vente et investir le consommateur d'un droit de propriété. Le consommateur serait donc propriétaire d'une copie immatérielle du jeu, qu'il pourrait revendre à loisir. Difficile, dans ces conditions, de lui soustraite cette copie sous prétexte qu'il a triché dans un autre jeu.
À ce titre, l'UFC Que Choisir a assigné Steam en décembre 2015 afin que la revente des jeux soit possible, ce qui pourrait avoir des implications sur les conséquences de la triche. Une association allemande de consommateurs, la VZVB, avait déjà tenté une action similaire, sans succès.
