[Mise à jour du 31/05/2016]
L'OPA de Vivendi sur Gameloft s'est achevée vendredi dernier. Malgré la résistance des frères Guillemot, l'entreprise de Vincent Bolloré détient désormais la majorité des parts du développeur de jeux mobiles. Il faudra attendre le 2 juin pour savoir à combien s'élève exactement la part du magnat des médias, mais le rachat des parts détenues par Amber Capital (15%) et CIC (3%) ne laisse plus de doute. Il faut dire que la stratégie de Vivendi était des plus agressives : le groupe est monté jusqu'à 8 euros par action, offre que la majorité des actionnaires de Gameloft n'ont pas pu refuser.
Avec seulement 29% du capital de Gameloft à leur actif, il était devenu inutile pour les Guillemot de continuer à se battre. D'autant plus que l'ogre Vivendi n'est manifestement pas rassasié. En effet, c'est la société sœur de Gameloft, Ubisoft, que Bolloré a toujours visé à travers son OPA de février. Vivendi est en effet peu implanté dans le secteur du jeu vidéo, et l'acquisition de licences telles qu'Assasin's Creed & The Division leur permettrait d'être compétitifs sur ce plan. Ce serait aussi l'occasion de donner un coup de boost à la plateforme Dailymotion dont le groupe est récemment devenu propriétaire.
Il ne faut pas non plus caricaturer. L'acquisition de Gameloft est une excellente opération pour Vivendi : le studio dispose de sa propre régie publicitaire et a réalisé un chiffre d'affaires s'élevant à 2.7 millions d'euros lors du premier trimestre 2016 selon le site des Echos. Autant dire que Vincent Bolloré est dors et déjà assuré d'avoir une emprise ferme sur les jeux vidéos mobiles en France.
Bolloré a annoncé ne pas vouloir effectuer d'OPA sur Ubisoft. On imagine assez bien que Vivendi ne veut pas effrayer les développeurs du studio français, et que le groupe passera tôt ou tard à l'attaque. Les chances d'Ubisoft de résister à un tel assaut sont minces. En effet, les frères Guillemot ne disposent pas des fonds nécessaires pour racheter les parts de leurs actionnaires, et le groupe Vivendi a montré qu'il était prêt à tout pour acquérir le studio créateur de Rayman. Affaire à suivre.
Depuis sa reprise par Vincent Bolloré en 2012, Vivendi a changé de stratégie en se recentrant sur la France et le vieux continent. La société était devenue un conglomérat gigantesque sans vision industrielle claire. Bolloré s'est donc débarrassé de la majorité des filiales internationales, et de certaines de ses entreprises françaises comme SFR. L'énorme vente d'Activision-Blizzard en 2013 pour presque 6 milliards de dollars avait par ailleurs marqué la fin de l'histoire de Vivendi dans le secteur du jeu vidéo. Cette aventure semble néanmoins reprendre aujourd'hui, car Vivendi se lance à l’assaut de Gameloft et Ubisoft, deux fleurons français de ce secteur.
Vivendi ou le capitalisme agressif
Gameloft et Ubisoft ont été fondées et sont dirigées aujourd'hui par les frères Guillemot. Gameloft développe presque exclusivement des jeux sur téléphone portable et tablette, comme Asphalt ou la série Assassin's Creed. Ubisoft de son côté n'est plus à présenter, avec ses licences comme Far Cry, Tom's Clancy ou Assassin's Creed. Les deux sociétés co-existent mais n'ont en commun que leurs dirigeants : ce sont deux entités distinctes. Elles sont côtées en bourse à Paris et les frères Guillemot ne possèdent qu'une partie des actions, la majorité d’entre elles sont détenues par des fonds d’investissement.
En guise de première approche, Vivendi avait sonné à la porte en achetant une petite partie du capital des deux sociétés en octobre dernier (6% chacune). En continuant discrètement d'acquérir des parts de ces dernières depuis lors, Vivendi posséderait aujourd'hui 15% d'Ubisoft et 30% de Gameloft, alors même que les frères Guillemot se sont exprimés à l'encontre de toute prise de contrôle par Vivendi. La barre des 30% est importante, car une loi boursière oblige à déposer une offre de rachat pour la totalité des actions passé ce cap. Cette loi protège contre les prises de contrôle graduelles et oblige les acheteurs à avoir d'énormes réserves financières s'ils veulent s'emparer d'entreprises via le système boursier.
Malheureusement pour les frères Guillemot, Vivendi possède ces fonds et a donc lancé une OPA (offre publique d'achat) ce jeudi sur toutes les actions Gameloft, à un prix supérieur de 20% au cours actuel. Si les frères refuseront probablement de vendre, nul doute que l'offre sera plus que tentante pour les autres actionnaires et il sera difficile de combattre la prise de pouvoir de Vivendi.
Vivendi, bientôt propriétaire de Gameloft et Ubisoft?
Ubisoft fait de la résistance
Mais perdre le contrôle de Gameloft ne signifie pas forcément qu'Ubisoft suivra. Certes Vivendi possède aujourd'hui 15% du capital, mais la société est bien plus grosse que sa jumelle. Si Bolloré veut acquérir Ubisoft, il devra le faire de la même manière que pour Gameloft, car les frères Guillemot ne lui vendront pas. Une défense contre ce genre de pratique est de faire monter le prix de l'action, afin que la somme nécessaire pour déposer une OPA soit trop énorme pour l'agresseur.
C'était probablement dans ce but qu'était organisée la conférence Ubisoft de ce jeudi 18 février à Londres. Yves Guillemot, le PDG, a tenté de rassurer les investisseurs alors même qu'Ubisoft a dû revoir les estimations de son chiffre d'affaires à la baisse. En annonçant des chiffres ronflants (60% d'augmentation du chiffre d'affaires sur 3 ans) et une diversification de l'offre de sa société, il tente de la protéger de l'ogre Vivendi.
Les arguments d'Yves Guillemot ne sont pas dépourvus de sens. Lors de la conférence et par le biais de plusieurs communiqués de presse, il explique que Vivendi détruirait le savoir-faire d'Ubisoft et alourdirait le processus de décisions qui permet à Ubisoft de s'adapter rapidement à un marché en permanente évolution. Il précise que la prise de contrôle de Vivendi se traduirait forcément par un départ d'une partie des développeurs, alors que ces derniers sont le moteur des futurs succès de l'entreprise française.
Toutes ces annonces ont pour l'instant l'effet escompté, puisque l'action Ubisoft a terminé en hausse de 11% jeudi soir. Mais cela sera-t-il suffisant pour résister à l'appétit de Vivendi ? Si pour Gameloft la partie semble mal embarquée, tout n'est peut-être pas perdu pour le leader français du jeu vidéo.
Les ventes d'Assassin's Creed Syndicate semblent en baisse par rapport aux épisodes précédents. |
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