Hi, it's Rudy !
Jungle only.
Beaucoup de gens ne le connaissaient pas il y a encore dix jours, mais ce mythe de la soloQ a récemment fait son entrée aux LCS. Rudy n'est pas un cas isolé. Presque tous les joueurs professionnels ont dû eux aussi atteindre le palier Challenger avant de se faire remarquer par une équipe. C'est, dans un sens, paradoxal. À tous les niveaux, la soloQ est la quintessence du chacun pour soi. Elle vous apprend à devoir vous débrouiller seul, à devoir gagner malgré vos coéquipiers.
On fait souvent le parallèle entre l'eSport et le sport traditionnel. Pourtant, la construction d’un joueur professionnel sur LoL n’a pas d’équivalent. Si LoL est bien un « sport » collectif, le parcours qui mène au plus haut niveau diffère énormément de celui qu'on connait dans le sport classique.
Épreuve du feu pour Rudy : passer de la SoloQ aux LCS
T'es bon tu montes
Sur League of Legends, qui n’a jamais entendu que pour gagner, il faut « 1v9 » ? Vous ne pouvez pas compter sur vos coéquipiers. Si vous voulez monter, à vous de prendre le contrôle de la partie. Résultat, il est parfois possible de se sentir aussi seul dans une partie de LoL que dans un jeu solo. On oublierait presque que c'est pourtant un jeu en 5v5, où le travail d'équipe et la coordination peuvent faire toute la différence. On touche là à l'essence même des compétences nécessaires pour réussir en compétition. Si la soloQ est le meilleur endroit pour parfaire ses mécaniques de jeu, difficile d'y apprendre beaucoup sur le plan stratégique.
Ainsi, le système ne complique-t-il pas trop la tâche à tous les joueurs « macro-game » ? Pour chaque Hai que nous avons sur le circuit, combien se sont perdus en soloQ ? Probablement peu, mais il est clair que certains joueurs ont un profil mal adapté au ladder solo. Le fait d’être un meneur ou de comprendre le jeu mieux que les autres ne vous fera pas monter plus vite. La majorité des joueurs n'écoutent que peu leurs coéquipiers. Le talent en 5v5 ne se traduit pas forcément en soloQ.
Cette obligation de devoir gagner malgré votre équipe produit malheureusement d'autres résultats. Tout le monde peut remarquer cette ambiance délétère que l'on trouve parfois dans ces parties, et ce n'est pas sans conséquence. À vouloir tout faire tout seul, on développe naturellement un ego plus ou moins fort qui peut devenir source de multiples conflits. Certains se contenteront de tout garder pour eux, d'autres, à l’extrême, iront jusqu'à se faire ban à force d'insulter leurs coéquipiers.
Un panier de crabes
Ce problème de « flame » est présent partout, mais particulièrement au plus haut niveau. Qui n'a jamais regardé un stream de Narkuss ou de Sardoche où ces derniers qualifient leurs coéquipiers de « trash » ou de « bonobos » ? La tempête médiatique qu'a déclenché le passage aux LCS de Rudy en est la preuve. Narkuss en avait fait son némésis, et le « hi, it's Rudy » est devenu un meme viral avant que le joueur n'ait officié en compétition. Par mimétisme, certains spectateurs reproduisent ce comportement et amplifient le phénomène.
Évidemment, les streamers n'ont qu'une petite part de responsabilité. Les joueurs LCS et semi-professionnels sont eux aussi parfois toxiques, en atteste le ban de Forgiven la saison dernière. La soloQ est par essence un lieu de frustration au plus haut niveau. Chacun n'attend pas la même chose du jeu. Pour certains, c'est une fin en soi, comme pour les streamers ou pour les joueurs amateurs. Pour d'autres, c'est un moyen. C'est une étape nécessaire avant de grimper plus haut vers les Challengers Series. Cette dichotomie finit fatalement par être source de conflits.
La soloQ est un cas unique en son genre dans un milieu compétitif. Dans le sport traditionnel, il n’existe pas de lieu où s’entraînent ensemble amateurs et professionnels de tous bords. En y rajoutant les streamers abordés précédemment, il ne peut en résulter que les tensions susnommées.
Ce mélange donne d'ailleurs des résultats très variés selon les régions, et impacte logiquement le niveau de la scène locale. Aux États-Unis, où le nombre de joueurs à haut niveau est inférieur, mais où la demande en terme de spectacle est plus forte, le niveau devient parfois un problème. Les streamers professionnels sont plus nombreux, les trolls par conséquent aussi, et les joueurs se plaignent de la qualité des parties. Cela handicape la scène américaine, qui connaît des difficultés à cultiver ses propres talents. L’Europe s’en sort mieux avec un ladder plus relevé, mais c’est la Corée qui remporte la palme. En s’appuyant sur un vivier important, le pays du matin calme maintient son championnat au plus haut niveau malgré l’exode des deux dernières saisons.
Les joueurs livrés à eux-mêmes
Mais revenons au parcours du joueur qui aspire à passer professionnel. De l'installation du jeu à la première offre sérieuse d'une équipe, il devra majoritairement apprendre par lui-même. Pour progresser, il peut toujours regarder des guides sur internet ou jouer en duoQ avec un ami plus fort. Mais dans les deux cas, c’est une initiative qu’il devra prendre seul. Et ce qu'il apprendra à faire pour monter en soloQ n’est qu’un fragment de ce que représente le jeu en équipe au plus haut niveau.
Dans tous les sports collectifs plus classiques, le joueur se construira dès le début dans un collectif comme par exemple au football ou au basket. Apprendre ces sports passe par l'inscription dans un club amateur où vous apprendrez à jouer directement en équipe sous l'égide d'un coach. En revanche, le joueur de LoL sera souvent jeune, lâché sans encadrement en soloQ. Riot œuvre de plus en plus pour réguler le comportement des joueurs, mais cela sera toujours insuffisant. Sans un entraîneur ou une véritable figure d’autorité pour le cadrer, comment empêcher un adolescent d'abuser du système ?
On touche là à une différence fondamentale entre la construction d'un joueur professionnel à LoL et un joueur de sport plus traditionnel. En sport, la progression est graduelle et se fait le plus souvent dans le respect de l'adversaire et de ses coéquipiers. On apprend à faire la différence individuellement, mais toujours dans le cadre du collectif.
Ce n’est pas parce qu’un joueur est Challenger qu’il saura nécessairement travailler en équipe. Le caractère chaotique de la soloQ ne l’invite pas à comprendre le jeu dans sa globalité. Si une partie se passe mal, il écrira « ff20 » et passera à la suivante. Comment, dès lors, attendre de lui qu’il puisse s’intégrer sans soucis dans sa première équipe compétitive ? Bien entendu, la majorité des joueurs y arrivent, mais le système ne leur simplifie pas la tâche.
ImSoFresh, reconverti en coach
Reste la question des coachs, qui ne sont introduits que tard dans la carrière des joueurs. Aujourd'hui, une grande partie d’entre eux sont d'anciens joueurs. On leur demande de devoir gérer une équipe dont les membres sont à peine moins âgés qu'eux et tout ce petit monde joue encore ensemble en soloQ ! Pas facile dans ce cas-là d’établir une relation d’autorité avec les joueurs.
L'étrange réponse de Riot
En créant leur jeu, Riot ne pouvait pas prévoir cette situation, mais leur politique est aujourd’hui plus discutable. La suppression des ranked 5v5 laisse encore moins de possibilités aux joueurs. Ce mode permettait à tout le monde de jouer à League of Legends différemment : on essayait une panoplie de stratégies, on réfléchissait à des compositions d'équipe… bref, on jouait ensemble. C'était aussi une rampe d'accès (certes imparfaite) au haut niveau pour certaines équipes amatrices. L’introduction de la Dynamic Queue comblera-t-elle ce vide ? Pas sûr. Espérons cependant qu'elle améliorera la situation en soloQ.
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