Le 23 janvier dernier, en publiant une décision empêchant Echo Fox d'aligner une équipe le samedi pour des problèmes de visa, Riot a changé les règles du jeu pour les équipes LCS. Ce qui était inévitable est devenu réalité pour les joueurs étrangers. Plus question de jouer sous un visa tourisme, il faut désormais avoir un permis de travail.
Par effet boule de neige, de nombreux autres joueurs ont dû déclarer forfait pour la deuxième semaine des LCS, comme Freeze chez Renegades ou Ryu chez H2k. Ce problème est devenu public suite à un tweet de Reginald (propriétaire de TSM) – effacé depuis lors – qui se demandait comment des joueurs fraîchement arrivés aux États-Unis pouvaient être en règle. Cela a fortement énervé Montecristo (propriétaire de Renegades) lors de l'émission Summoning Insight. Ces problèmes de visa qui d'habitude étaient gérés en privé se sont retrouvés sous les feux de la rampe.
Une évolution logique
Jusqu'ici, s'il était en théorie nécessaire pour ces joueurs d'avoir un permis de travail, la réalité était toute autre. On se souvient par exemple des allers-retours de Bjergsen ou de Dexter à leurs débuts chez TSM et CLG. Un visa tourisme n'étant que temporaire, ils devaient revenir en Europe pour le renouveler.
De même, les Gambit avaient de nombreux problèmes à ce niveau-là. Avec un visa Schengen qui ne durait que 90 jours, ils ne pouvaient rester en Allemagne s’entraîner et devaient faire de nombreux allers-retours entre les studios et leur gaming house en Ukraine.
Si Riot a fermé les yeux pendant les premières années, en faisant confiance aux équipes et en ne regardant pas en détail, on peut imaginer que c'était pour garantir l’intérêt des LCS et l'équité sportive. Malheureusement, la professionnalisation de l'esport les a rattrapés.
Les transferts interrégionaux sont aujourd'hui de plus en plus nombreux, comme le dernier exode européen l'a démontré. Sous la pression des équipes et de certains propriétaires, Riot a dû revoir sa politique et appliquer à la lettre son règlement, donnant lieu à tous les remplacements que l'on a connus ces quinze derniers jours :
Joueurs touchés par le changement de règle | ||
Aux États-Unis | En Europe |
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Froggen (FOX) | Procxin (TIP) |
Ryu (H2K) |
Kfo (FOX) |
Pirean (TIP) |
Diamondprox (UOL) |
Hard (FOX) |
Freeze (RNG) |
Edward (ROC) |
Aujourd'hui les joueurs LCS sont de véritables professionnels. Sous contrat officiel avec leurs équipes, ils reçoivent un salaire pour le travail qu'ils fournissent. Jouer avec un visa tourisme les place dès lors dans l'illégalité et leur fait prendre des risques importants. Si les services américains de l'immigration venaient à s'en mêler, ces joueurs pourraient se voir expulsés et leurs carrières aux États-Unis seraient terminées. Les services européens pourraient être plus magnanimes, mais cela reste dangereux pour les joueurs.
Une législation inadaptée
Mais encore faut-il que la loi permette à ces joueurs d'obtenir ce fameux permis de travail. S'il est possible aux États-Unis depuis 2 ans d'obtenir un visa athlète pour les joueurs esport, les pays européens sont bien plus en retard. En France le gouvernement commence à peine à s’intéresser à la question et en Allemagne, où se déroulent les LCS, il est impossible d'obtenir un permis de travail en tant que joueur esport. Une concertation est prévue à Berlin à la fin du mois, mais il reste sans doute des mois de procédures législatives.
Cela complique fortement les choses pour les équipes européennes. Aux États-Unis, tout cela n'est qu'une question de temps. Freeze a enfin reçu son visa et a pu jouer la semaine 3 et on imagine que Froggen l'aura prochainement.
Froggen, sur le banc en attendant son permis de travail..
Les cas de Ryu et Diamondprox sont bien plus problématiques. H2k va devoir obtenir un visa permettant à Ryu de travailler légalement en Allemagne alors que la loi ne prévoit pas son cas. G2 et Fnatic ont réussi pour leurs joueurs coréens, mais les détails ne sont pas connus du grand public. Diamondprox, lui, a encore d'autres difficultés. La Russie ne possède pas d'accord avec l'espace Schengen et la situation politique n'arrange pas les choses. Il est certain qu'il lui faudra beaucoup de temps pour surmonter ces problèmes et obtenir un visa longue durée en Allemagne.
Conséquences sur le long terme
Cette différence entre les deux continents risque d'accentuer le problème d'attractivité dont souffre l'Europe vis-à-vis des États-Unis. Avec une puissance économique moindre et des problèmes administratifs supplémentaires, il sera encore plus difficile d'attirer la crème des joueurs étrangers sur le vieux continent.
Cela réduira aussi la fenêtre de transfert pour les équipes LCS. L'obtention d'un permis de travail se compte au minimum en semaines. Dès lors, impossible de recruter un joueur étranger en plein split, cela signifie qu'il louperait plusieurs semaines de la compétition. Il faudra, à l'avenir, prévoir ses recrutements à l'avance si l'on veut éviter que ce genre de situation se reproduise.
Il ne faut cependant pas oublier que cette nouvelle application des règles est là pour protéger les joueurs et que c'est un mal nécessaire à la professionnalisation de l'esport à laquelle nous assistons depuis plusieurs années. Il est désormais nécessaire pour l'industrie de mettre la pression sur les politiques, afin que l'esport soit reconnu comme une profession en soi.
H2k avait joué en petite finale des Playoffs Summer contre UoL LoL - League of Legends | |