Le millésime 2015 des Worlds de League of Legends a déjà marqué les esprits par une série d’évènements inattendus, allant de la déroute chinoise à la chevauchée fantastique des Origen en passant par la brutale élimination des Fnatic par les KOO Tigers. Les nombreuses déconvenues subies par les grosses équipes tout au long de la compétition ont fait mentir les analystes à maintes reprises, jusqu’à remettre en cause la validité de ce type d’exercice. Dans cet océan de doute, il reste néanmoins une dernière lueur de certitude qui réconforte les experts meurtris : SK Telecom T1, sur le point de réaliser un parcours parfait vers un deuxième titre déjà promis à Faker et ses coéquipiers.
Un parcours sans faute
La Corée du Sud devait arriver amoindrie à ces Worlds, diminuée par l’exode de ses joueurs vers des régions aux sponsors plus généreux. SK Telecom T1 était vu par certains comme le dernier représentant d’une espèce en extinction, ultime héritier des Samsung de 2014 revenu sur le devant de la scène par défaut de concurrents valables. Mais comme les équipes américaines et chinoises nous l’ont montré, il ne suffit pas d’importer des bons joueurs pour faire une grande équipe. C’est encore une fois les organisations coréennes qui sont revenues prouver la valeur de leur doctrine, rappelant à tous que même blessée, la bête peut encore balayer ces imitateurs étrangers d’un revers de la main.
Après avoir mis fin au conte de fée de xPeke en détruisant les Origen 3-0 en demi-finale, SK Telecom T1 arrive en finale avec 12 victoires d’affilée au compteur. Les champions coréens n’ont pour l’instant jamais été vraiment inquiétés par leurs différents adversaires, affichant une nette supériorité tactique tout en s’étant adapté à la perfection au nouveau patch. Alors que Faker est considéré de manière quasiment unanime comme le meilleur joueur du monde, kkOma n’a pas hésité à le placer en retrait du dispositif puisque Faker ne concentre qu’une part mineure des ressources de son équipe, avec 22,3% de l’or collecté par les SKT T1 soit le score le plus faible de tous les midlaners de la compétition !
kkOma, le coach historique des SK Telecom T1.
C’est MaRin qui est la star de SKT T1 pour ces Worlds, dominant la toplane à l’heure où elle est au centre de toutes les attentions. S’il continue à jouer Rumble, il a délaissé son cher Maokai sur lequel il est invaincu depuis janvier pour se tourner vers les champions à la mode du patch 5.18 : Fiora, Darius mais aussi Renekton qu’il affectionne particulièrement.
On peut aussi revenir sur la performance de Bang qui affiche un KDA de 19,9 sur l’ensemble de la compétition tout en revisitant le concept du jeu en solo queue pendant son temps libre – Challenger 775 LP en 109 parties, 84,4% de victoires. Bref toute l’équipe semble au faîte de sa puissance, jusqu’au remplaçant Easyhoon qui vient complémenter le style agressif de Faker lorsque le besoin s’en fait sentir, ou simplement apporter sa maîtrise inégalée de certains champions comme Azir.
Les SK Telecom T1 aux MSI, alors défaits par EDward Gaming.
Origen avait réussi à bousculer les SKT T1 lors de la première partie, en essayant de les prendre de vitesse dans la prise d’affrontements. Malheureusement, contrairement à Fnatic pendant ces Worlds, SKT T1 joue un jeu très calculé en choisissant les options les moins risquées et les plus rentables : cette stratégie permet de capitaliser sur la moindre erreur de l’adversaire sans pour autant s’exposer.
Une finale plus compliquée que prévue ?
De la même manière qu’il paraissait insensé d’imaginer LGD éliminée en phase de poule, ne pas annoncer la victoire de SKT T1 serait une hérésie au regard de leurs performances passées. Au-delà de leur parcours parfait pendant ce Mondial de League of Legends, les SKT T1 restent sur quatre victoires pour zéro défaite face aux KOO Tigers cette saison. Les vainqueurs de Fnatic ont néanmoins quelques cartes à jouer et peuvent espérer créer la surprise.
Si le nom de GE/KOO Tigers n’est connu que depuis le début de la saison 5, les joueurs sont dans le circuit depuis bien longtemps. Cette escouade de vétérans a les nerfs solides, suffisamment en tous cas pour venir chercher des KT Rolster en pleine forme puis pour humilier les Fnatic en demi-finale. Dans ce domaine, nul doute qu’ils pourront rivaliser avec les SKT T1 déjà champions du monde en 2013 et il ne faut à priori pas compter sur les KOO Tigers pour perdre leurs moyens dans cette étape ultime.
Les KOO Tigers, nouvelle équipe excentrique constituée de joueurs vétérans.
Le style de jeu des KOO est très porté sur le milieu de la partie, où ils rivalisent de prouesses tactiques pour anéantir leurs adversaires dépassés par une exécution chirurgicale. On l’a vu contre Fnatic, il est fréquent que GorillA et ses coéquipiers soient en retard dans les premières phases de jeu pour revenir de plus belle lorsqu’ils décident d’appuyer sur l’accélérateur en jouant sur les forces et les timings de leur composition. Il sera cependant dangereux de donner le même type davantage à SK Telecom T1, qui risque de ne pas faire les mêmes erreurs de jeunesse qu’a pu faire Fnatic en jouant la carte de l’agressivité à outrance.
Les SK Telecom T1 ont à priori l’avantage, mais le rapport de force devrait s’équilibrer si une manche devait atteindre les vingt minutes sans trop d’écart. Les KOO Tigers sont connus pour leurs prises de décisions et leur force en teamfights, il ne faudra simplement pas donner trop de leste au début de partie terrifiant des SKT T1 : 83% de Premier Sang, 97% de prise de Baron Nashor et 85% de prise de Dragon.
Les individualités de cette équipe sont souvent oubliées lorsque l’on parle des KOO Tigers, effacées par l’excellence du collectif. Cependant certains des joueurs commencent à s’imposer comme des références à leur poste au niveau mondial, à commencer par Smeb qui cherche lui aussi à prétendre au titre si disputé de meilleur toplaner mondial : il excelle en lane, sait apporter sa présence rapidement sur la carte et surtout profite à plein régime de la méta. On l’a vu contre Fnatic, Smeb peut détruire la toplane avec n’importe lequel des champions du moment, aussi bien Riven que Fiora en passant par Darius ou Hecarim. L’opposition avec MaRin sera à n’en pas douter le point névralgique de cette finale à Berlin.
Smeb, le joueur emblématique des KOO Tigers.
La botlane n’a à priori rien à envier à celle des SKT T1, GorillA et PraY étant tous les deux des vétérans dont le talent a éclaté de plus belle depuis leur arrivée chez les Tigers. Les points faibles de l’équipe sont la midlane et la jungle. Hojin semble plus en confiance qu’à la saison de printemps où il était apparu hésitant aux IEM Katowice, mais il reste moins impliqué dans les combats que les autres junglers de la compétition, avec seulement 62% de participation aux kills – devançant seulement loulex et TBQ (respectivement chez H2k et LGD). Il se concentre avant tout sur la pose de Balises de vision (1,08 par minute) sans pour autant éliminer celles de l’adversaire puisqu’il se place à la dernière place des junglers de la compétition en terme de balises détruites !
kurO est la principale inquiétude pour cette finale, lui qui affiche en moyenne un déficit de -127 d’or à dix minutes contre +416 pour Faker, numéro un de ces Championnats du Monde. Cet écart risque d’être exposé au grand jour et pourrait se révéler problématique pour les KOO Tigers dans le cas où kurO se ferait désintégrer dès sa phase de lane. Il faut néanmoins relativiser cette opposition, Faker n’ayant pas été particulièrement impressionnant depuis le début de la compétition. Le midlaner des SKT T1 semble avoir un petit faible pour Ryze, qu’il a joué quatre fois en huit matches, ce qui sous-entend qu’il juge ce champion supérieur à la concurrence – il a d’ailleurs fait étal de sa puissance à de multiples reprises en allant chercher ses vis-à-vis avec un flash agressif. Peut-être qu'un contre à ce champion devra-t-être prévu par les KOO Tigers ?
Faker aura à coeur de briller pendant cette finale, jusqu'alors éclipsé par les performances de MaRin.
Si le parcours des SK Telecom T1 a ressemblé jusqu'à présent à une promenade de santé, cette finale devrait être leur épreuve la plus difficile de ces Worlds. Les KOO Tigers arrivent en pleine forme et sûrs de leur jeu, ce qui devrait donner lieu à l'affrontement le plus intéressant de la compétition sur le plan stratégique. Certes Faker et ses coéquipiers ont l'avantage et semblent en marche vers un deuxième sacre, mais rien n'est encore joué. Si ces Worlds nous ont appris quelque chose, c'est que les favoris ne sont jamais en sécurité...
Interview de Faker aux Worlds de LoL par Callystoo. | |