Depuis plusieurs années, le cashprize des Worlds est identique et s'élève à un montant total de 2.130.000$. Au premier coup d’œil, cette somme peut paraître faible en comparaison des récompenses versées sur des jeux tels que Dota 2 ou CS:GO, mais la réalité est tout autre.
L'eSport par Riot : un modèle unique
League of Legends est le free to play le plus rentable de 2014 avec près d'un milliard de dollars de revenu pour son possesseur. En comparaison, le cashprize accordé pour le plus gros évènement de l'année peut paraître ridicule. Il faut cependant tempérer cette affirmation. En effet, le cashprize, financé entièrement par Riot, n'est qu'une petite partie de la facture totale de la compagnie.
Riot Games est véritablement un des pionniers du développement de l'eSport et s’emploie chaque jour à élargir son activité. Présente dans plus de 145 pays, l'entreprise investie énormément dans les régions en pleine croissance telle que le Brésil. On peut notamment citer l'incroyable cérémonie d'ouverture des playoffs brésiliens pendant laquelle ont été jouées sur scène des musiques appartenant à l'univers de League of Legends, et ce pendant près d'une demi-heure. C'est avec cet aperçu des moyens mis pour la région, encore considérée comme « petite », qu'on réalise que le Brésil est en pleine expansion et qu'il devrait prochainement rejoindre les régions dites principales. L'équipe de Riot Brésil est même allée jusqu'à ériger une tourelle de 9 mètres de hautdans un parc de São Paulo le temps d'un weekend.
Cette tourelle est indéniablement le symbole de la popularité grandissante du jeu à travers le monde
Ses investissements sont colossaux, mais permettent aux joueurs du monde entier de parcourir librement la Faille de l'invocateur. De plus chaque région possède des championnats professionnels comme les LCS EU & NA, LPL et LCK ainsi que les championnats semi-professionnels que sont les Challenger Series. Chaque année Riot organise aussi le Wild Card qui donne la possibilité aux régions mineures de se qualifier pour les Worlds. Sans oublier les tournois comme les All-Stars ou le Mid-Season Invitational pendant lesquels les équipes du monde entier ont pu s'affronter. Néanmoins, toutes ces compétitions ont un coût. En effet, en plus des frais liés au bon fonctionnement du studio, une machinerie bien huilée est nécessaire pour garantir le show: cela passe d'une part par les équipes techniques en arrière-plan et d'autre part par les présentateurs et commentateurs qui sont sur le devant de la scène.
Ainsi, lors des Worlds, Riot Games dépense énormément pour assurer le spectacle. Les lieux choisis sont prestigieux, on peut faire référence au Stade Sang-am de Séoul pour la finale de 2014, ce lieu a accueilli certains des évènements sportifs les plus importants de Corée. Pour 2015, le choix s'est porté sur la Mercedes-Benz Arena de Berlin, un lieu tout aussi noble. De plus, l'entreprise doit allouer une partie du budget à l'animation, on ne saurait oublier la performance d'Imagine Dragons sur son titre « Warriors » l'année passée.
Les Worlds 2014, à la hauteur de n'importe quel évènement sportif
Un compromis entre eSport et stabilité professionnelle
Dans l'eSport la stabilité n'est qu'illusion. C'est une discipline impitoyable qui ne laisse rien aux perdants, seuls les vainqueurs sont récompensés. Par conséquent, les joueurs s'entrainent nuit et jour pour repousser leurs limites, mais malheureusement le succès est souvent éphémère et les carrières s'arrêtent aussi vite qu'elles ont commencé. League of Legends semblerait être le nouveau modèle qu'il manquait à ce monde pour se professionnaliser encore plus.
Les locaux de Riot Games, à la hauteur de la professionnalisation en marche
La scène professionnelle de League of Legends est encadrée par des règles strictes établies par Riot. Une d'entre elles concerne les sommes versées par Riot aux structures et aux joueurs. En effet, chaque structure doit distribuer une compensation minimale de 10.000€ par split (NDLR Un split dure 3 mois) par joueur. Sachant qu'une saison compte deux splits, les joueurs reçoivent donc un salaire minimal de 20.000€ par an. Une rémunération contrôlée et régulière apportée par la compagnie aux joueurs professionnels qu'elle considère donc indirectement, grâce à cette pratique, comme des employés à la même enseigne que les commentateurs. Il faut également prendre en compte que le salaire présenté n'est que la première pierre de l'édifice. Les joueurs reçoivent des sommes supplémentaires des structures et des sponsors. Selon la région, elles peuvent être astronomiques, on peut notamment faire référence aux montants exorbitants, des joueurs coréens rachetés à prix d'or dans le monde entier et particulièrement en Chine.
Ce système est très avantageux : d'une part, dans un milieu aussi impitoyable que l'eSport, ce sont souvent les mêmes équipes qui finissent sur le podium. Conséquence évidente, les plus petites équipes sont inévitablement vouées à disparaitre par manque de moyen. Le système de Riot permet cependant aux équipes, grâce à la régularisation des joueurs, de survivre le temps d'une saison, même avec une absence de résultats. D'autre part ce système permet aux joueurs d'avoir une évolution viable à moyen terme. Il ne faut pas oublier que leur présence sur la scène est le résultat de beaucoup de sacrifices, ils sont jeunes et beaucoup abandonnent leur famille et leurs études pour vivre leurs rêves. Ce salaire minimal instauré par Riot leur assure une sécurité que l'on ne retrouve nulle part ailleurs pour l'instant.
Tweekz, à propos du cahsprize
Un cash prize de 2.130.000 $ ne me semble pas faible du tout, si l'on considère évidemment les investissements régionaux, qu'il s'agisse des récompenses des différents tournois (même s'ils ne sont pas forcément régis par Riot Games), et surtout la volonté de professionnaliser le milieu en offrant une évolution moyen terme viable aux joueurs, ce qui fait un peu moins ressembler l'eSport LoL à de la loterie.
Néanmoins, les équipes les plus performantes de League of Legends gagnent beaucoup moins d'argent que celles du même calibre sur des titres tels que CS:GO ou Dota 2. En effet, les autres opus eSportifs populaires du moment regroupent un plus grand nombre de tournois avec des cashprize similaires à ceux de Riot. En effet, cette saison une équipe League of Legends professionnelle ne peut participer dans le meilleur des cas qu'aux LCS de sa région, aux playoffs, au Mid-Season Invitational ainsi qu'aux Worlds (et aux IEM) alors qu'une équipe CS:GO pourra participer à plusieurs dizaines de tournois avec des cashprizes allant de 50.000 à 250.000 dollars.
Au final, le cashprize est-il justifié ?
Afin de prendre en compte les différents points de vue nous sommes allé à la rencontre de Dioud, joueur français de l'équipe brésilienne paiN Gaming, qualifiée aux Worlds, pour lui demander son avis sur le cash prize.
Je n'ai pas à me plaindre du cash prize. Il n'y a certes pas eu d'évolution, mais ayant le point de vue d'une personne vivant dans un pays en pleine croissance (NDLR Le Brésil), je considère que Riot investit énormément d'argent dans ces régions. Je suis content qu'il le fasse. Il est sûr en revanche que si le cash prize était un crowdfounding on atteindrait des sommes immenses, mais ce n’est pas la première fois que Riot tient à ne pas faire un « Dota like ».
Certaines compagnies font appel au Crowdfunding pour financer leurs championnats du monde comme Valve pour Dota 2 ou Hi-Rez Studios pour Smite. The International, l'équivalent des Worlds pour Dota 2 s'est vu attribuer en 2015 un cashprize de plus de 18 millions de dollars. Toutefois, Valve n'a injecté que 1,6 million de dollars, le reste provient de la communauté à travers des achats spéciaux dans le jeu. Il faut également noter que The International est le seul tournoi de Dota 2 organisé par Valve, qui projette de se calquer sur le modèle de Riot Games en ajoutant des « splits » pour l'année 2016.
L'année dernière Riot s'était exprimé sur le crowfunding. La firme estime que d'une part ce n'est pas aux fans de payer pour cet évènement et que d'autre part il est préférable de réinvestir cet argent dans le jeu ainsi que dans les infrastructures liées à celui-ci. Riot croit que la longévité de son jeu est liée à l'eSport en lui-même et non aux profits générés par un tel évènement. Riot Magus, s'était d'ailleurs exprimé à ce sujet lorsque la communauté s'était indignée de l'absence probable de concert lors des Worlds 2015, estimant que la beauté de l'évènement était intrinsèque à l'eSport. De plus, en toute logique, la compagnie préfère faire des évènements réalisables à la hauteur de ses moyens plutôt que de risquer de détruire un modèle stable.
Samsung White, vainqueur des Worlds 2014
Pour conclure, si l'on considère tous les investissements opérés par Riot Games, qu'il s'agisse des récompenses des différents tournois ou de la volonté de professionnaliser l'eSport en offrant une évolution viable à moyen terme aux joueurs, on peut estimer que le montant du cashprize des Worlds est parfaitement justifié.
Redécouvrez le best of des Worlds 2014 | |