Mise à jour du mardi 28 avril : Dernier rebondissement dans l'affaire des mods payants sur Steam : Valve renonce purement et simplement à faire payer les joueurs. Voici la traduction du long post d'Alden sur le Workshop :
Alden à propos du retrait des mods payants de Skyrim
Nous allons retirer le système de paiement lié au Workshop de Skyrim. Quiconque aura dépensé de l'argent dans un mod sera remboursé en intégralité. Nous avons discuté avec Bethesda et ils sont d'accords.
Nous avons pris cette décision parce qu'il nous a paru clair que nous ne savions pas ce que nous faisions. Ces dernières années, nous avons mis en place de nombreuses features visant à permettre aux créateurs de la communauté de recevoir et de partager une partie de des profits engendrés et cela a toujours été bien reçu. Il est évident que ce cas précis est différent.
Pour vous aider à comprendre pourquoi nous pensions que c'était une bonne idée, notre but principal était de donner l'opportunité aux modders de travailler à temps plein sur leurs créations s'ils le souhaitaient et d'encourager les développeurs à mieux soutenir leurs mods. Ainsi nous pensions que des mods mieux finis pour tout le monde verraient le jour, qu'ils soient gratuits ou payants. Nous voulions plus de mods de l'étoffe de Dota, Counter Strike, DayZ ou encore Killing Floor et nous voulions que cela se passe de manière organique pour tous les modders qui souhaitaient tenter le coup.
Mais nous avons sous-estimé les différences entre nos précédents modèles de partage et le système de paiement pour les mods du Workshop de Skyrim. Nous comprenons très bien la communauté des gamers, mais bousculer une communauté aussi dense que celle des modders de Skyrim n'était peut-être pas la meilleure façon d'aborder la chose. Nous pensons que nous avons loupé le coche bien comme il faut, même si nous sommes convaincus qu'il y a du bon aux fondations de cette feature.
Jeudi 26 mai : Steam lève le voile sur un nouveau service de mods payants qui permet aux modders d'être rémunéré pour leurs efforts. Premier sujet de test de cette nouvelle fonctionnalité : Skyrim, ce qui est loin d'être un hasard puisque le jeu de Bethesda est peut-être celui qui dispose de la communauté de modders la plus vive avec Minecraft (une situation plutôt ironique lorsqu'on se souvient qu'Oblivion fut un des pionniers du DLC sur consoles avec leur fameuse armure pour cheval). À cet effet, Valve propose un pack vendu un peu plus de 25€ et regroupant plusieurs mods. En regardant un peu plus attentivement le règlement du service, on se rend compte que seulement 25% des bénéfices reviennent au développeur, les 75% restants tombant directement dans les poches de Valve et de l'éditeur du jeu concerné (35% pour le premier et 40% pour le second).
Une multitude d'éléments qui suscitent de vives réactions sur la toile depuis maintenant cinq jours : pour beaucoup, ce fameux test à ciel ouvert que Valve est en train d'effectuer est tout simplement la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Les moins renseignés se plaignent alors de cette nouvelle façon de soutirer de l'argent au consommateur ("bonus de précommandes, contenus téléchargeables, micro-transactions, et maintenant ça"), tandis que les joueurs au fait de l'actualité ne manquent pas de soulever quelques aberrations apportées par ce système : par exemple, rien n'empêche un inconnu de subtiliser le mod d'un développeur et de le publier sur le Workshop de Valve en se faisant passer pour lui.
Il est possible de se faire rembourser un mod acheté sous 24h.
Ainsi, un des mods les plus mis en avant par Valve, "Art of Catch", utilise des assets créés par un modder (Fore), qui ne souhaitait tout simplement pas que ces derniers soient à vendre sur Steam. Depuis, le mod a bien entendu été retiré de la vente, mais le mal était fait. Ce n'est pas la seule incongruité du service puisque pour l'instant, rien ne garantit le suivi des modders : on peut alors imaginer des mods entrant en conflit après une mise à jour du jeu, ou encore le fait que cette monétisation mette en exergue l'individualisme. Enfin, éthiquement, ce procédé est tout simplement au ras des pâquerettes : difficile de se dire qu'à l'avenir, il faudra mettre la main à la poche pour améliorer l'interface utilisateur d'un titre vraisemblablement pensé pour le jeu à la manette. Quelques preuves que le service est encore loin d'être au point et que des dérives naitront forcément de ce système, comme toujours lorsque l'argent entre dans l'équation. En allant un peu plus loin, on peut imaginer le tort causé par un tel service sur des sites communautaires entièrement dédiés au modding, comme le Nexus.
Quel intérêt les modders trouveront-ils à publier leurs mods gratuitement sur le Nexus alors qu'ils peuvent être rémunérés pour leur travail en les "vendant" sur Steam ? Avec cette nouvelle boutique, Valve va tout simplement à l'encontre de la définition même du modding, une communauté de passionnés amoureux des jeux vidéo et de développement qui a a engendré quelques-uns des jeux les plus populaires de notre époque comme DOTA (mod de Warcraft 3) ou Counter Strike (mod de Half Life). Cependant, un cas fait exception : le Garry's Mod de Garry Newman, un mod de type sandbox basé sur le moteur de Half Life 2 et rendu payant après la mise en ligne de la version 10 du Gmod. Le créateur de ce dernier s'est d'ailleurs exprimé au sujet du nouveau service de Steam :
Gary Newman à propos des mods payants
Il y a beaucoup de bruit autour de ces mods payants, beaucoup de gens ne savent pas quoi en penser. Ce n'est probablement pas une surprise, mais je suis totalement pour. J'ai vendu un mod une fois, et tout le monde était en colère après moi, jusqu'à ce qu'ils obtiennent un bien meilleur produit que s'il était resté gratuit. Ça fait dix ans, et il m'a donné une carrière, m'a acheté deux maisons et plusieurs voitures. Il a aussi créé une compagnie qui embauche plus de trente personnes.
Une déclaration un brin biaisé puisque les circonstances de la mise en vente du Garry's Mod furent bien différentes : seul sur son créneau, le mod de Gary Newman a eu le droit à une bien meilleure mise en avant sur le store de Valve que n'importe lequel de ces mods payants de Skyrim entassés dans une boutique qui sera probablement surchargée à moyen terme. Quelle serait alors la meilleure solution pour que les modders touchent de l'argent pour leurs créations sans flouer les consommateurs ?
La solution la plus logique et la plus avancée par les internautes sur les réseaux sociaux serait tout simplement de mettre en place un système de dons à la manière des Humble Bundle. Une bonne idée qui oublie pourtant une donnée essentielle : l'éditeur du jeu sujet au modding. Car même si Valve avance le fait qu'il s'agit bien de récompenser les modders et leur travail, il y aussi les fameux 40% adressés à Bethesda : vu la quantité faramineuse de modifications effectuées sur son jeu au cours de ces dernières années, on peut penser qu'il s'agit d'un sacré manque à gagner pour l'éditeur de Fallout et des Elder Scrolls.
Réaction de Notch sur les mods payants
On peut alors se demander s'il ne s'agit tout simplement pas d'un compromis afin de laisser la communauté des modders continuer de s'exprimer librement, les jeux interdisant formellement la moindre modification étant de plus en plus nombreux ces dernières années. En échange d'outils de création avancés et d'une totale liberté sur le code du jeu, les éditeurs recevraient alors quelques royalties pour ce droit d'exploitation. En continuant sur cette hypothèse, on ne s'étonnera plus de savoir pourquoi les développeurs de Dying Light ont tout simplement offert leurs outils de développement à la communauté. Mais attention, il ne s'agit ici que de suppositions, et Gabe Newell s'est de toute façon empressé de venir calmer le jeu sur Reddit et lors d'un AMA (Ask me Anything).
Le Président de Valve a bien entendu tenu à défendre son bifteck en déclarant que les revenus générés par les mods ne s'élevaient qu'à 10 000$, une somme dérisoire pour un mastodonte tel que Valve. Enfin, il a tenu à rassurer les joueurs : si les mods payants ne permettent pas d'améliorer la condition des modders, il retirerait purement et simplement cette fonctionnalité. On ne demande qu'à le croire, mais il est cependant très difficile de ne pas imaginer que les gros éditeurs ne font pas pression sur l'entreprise de Bellevue pour monétiser des contenus qui échappent totalement à leur contrôle et qui sont souvent de bien meilleure facture que des DLC très souvent vendus à des prix exorbitants. À ce jour, la pétition exigeant le retrait du service de mods payants en est à plus de 120 000 signatures.