C’est au pied du mur…
Comment alors Elements a-t-elle pu passer d’une équipe vainqueur des LCS Summer à une équipe qui ne parvient même pas à se qualifier pour les play-offs ? La principale raison est avant tout un refus d’évoluer. Si l’on compare Elements à Fnatic et SK Gaming, les deux autres formations qui ont représenté l’Europe aux Worlds en 2014, ce refus du changement est flagrant. Fnatic a décidé de repartir sur de nouvelles bases suite au départ des piliers de sa line-up, se trouvant instantanément un style de jeu efficace pour engranger des victoires et se créant une base de travail solide pour diversifier son jeu.
ReignOver et Huni, révélations du Spring Split chez Fnatic.
Loin d’être totalement aboutie, l’équipe présentant encore de grandes faiblesses lorsqu’elle ne parvient pas à dominer les quinze premières minutes de jeu, l’évolution est visible et offre une perspective d’avenir à une équipe que beaucoup enterraient à l’aube de la saison. Surtout, elle respecte à chaque match un plan de jeu simple : écouter YellOwStaR et suivre toutes ses décisions.
SK Gaming de son côté a décidé de s’appuyer sur ses points forts tout en remplaçant ses membres les moins convaincants. Exit donc Jesiz, qui n’a jamais vraiment convaincu, et CandyPanda, plus vraiment au niveau et largement dominé aux Worlds. Pour les remplacer, SK fait appel à Fox, un nouveau talent issu de son équipe challenger, et FORG1VEN, probablement le meilleur carry AD européen de par sa gestion de la phase de lane où il punit instantanément toute erreur de positionnement.
Mais plus que ces deux améliorations au niveau des joueurs, SK continue à se développer son propre style. Équipe qui disposait le moins de wards de la ligue l’année dernière, SK poursuit dans sa lignée, se contenant d’obtenir une vision totale sur la jungle adverse. Une fois les mouvements ennemis aisément détectables, la formation peut aisément trouver et enchaîner des objectifs incontestables par l’adversaire, sans être inquiété.
FORG1VEN, ici avec nRated, laisse éclater sa joie. Une image rare.
Au contraire, Elements n’a jamais su se trouver une véritable identité capable de leur faire gagner tous les matchs. Si la stratégie d’attendre une erreur adverse, mais sans jamais tenter de la forcer s’est montrée efficace l’année passée en LCS, elle a rapidement montré ses limites lors des Worlds, principalement lors de la défaite contre KaBum. À force de ne jamais prendre l’initiative, Elements se retrouve parfois dos au mur et sans moyen de contester l'hégémonie adverse, souvent plombé par une phase de draft peu réfléchie.
Pire, et au contraire des deux autres équipes citées plus haut, Elements ne s’est jamais montrée capable d’avancer comme un seul homme dans la même direction. Les décisions sont souvent contestées, et aucun leader ne s’est véritablement dégagé pour guider l’équipe.
… que l’on voit le mieux le mur
Sans doute alarmé par son piteux classement à mi-saison, Elements, par le biais de ses joueurs, mais aussi son management, a enfin décidé d’agir. Malheureusement pour eux, des décisions maladroites telles que celle d’écarter Wickd pour kev1n, un joueur qui sort d’une saison ratée avec Millenium où il a certes été l’arbre qui cachait la forêt, mais souvent loin du haut niveau, ont tué dans l’oeuf tout espoir de changement rapide. Jamais à l’aise et enchaînant les mauvaises décisions comme lors de la défaite contre les Giants où il part se suicider en espérant défendre seul contre 4 adversaires, son apport aura été plus proche du négatif.
L’électrochoc recherché avec ce changement n’a d’ailleurs pas eu lieu, et l’équipe a dû rapidement changer de stratégie. Alors que certains joueurs se contentaient souvent d’enchaîner les matchs pour progresser, quitte à jouer 15 heures par jour et négliger leur santé, la formation a semblé enfin ouvrir les yeux sur certains de ses problèmes.
La décision a donc été prise de rappeler Krepo afin qu’il joue le rôle de leader en jeu. Un choix certes étonnant, tant le joueur n’a jamais été réputé pour ses décisions en jeu ni par sa capacité à être écouté lors de son aventure chez Evil Geniuses, mais qui fait preuve d’une certaine prise de conscience. Les joueurs acceptent de se fier entièrement à son jugement, sans pour le moment broncher, et espèrent devenir une véritable équipe.
Si le changement n’a pas été transcendant et n’a pas permis aux Elements d’accrocher les play-offs, il a pour la première fois montré une équipe qui reste groupée et ne se perd pas dans des décisions contestables sans jamais s’y investir. Les calls ne sont pas toujours les bons, mais ont le mérite d’être suivis.
Ces changements permettront-ils aux Elements de se relever et d’atteindre les Worlds en fin d’année ? Rien n’est moins sur, car l’équipe reste fragile mentalement et la moindre mauvaise série peut s’avérer fatale. Cet effectif qui, poste pour poste, vaut aisément le top 6 sur le papier peut à tout moment craquer. Au management d’enfin prendre ses responsabilités et protéger ses joueurs d'eux-mêmes, comme lorsque Rekkles a maladroitement admis être déçu au sein de l’équipe qu’il a rejointe, espérant meilleurs ambiance et encadrement.
Elements va également devoir se trouver une identité viable avant d’envisager un nouveau changement de joueur, tout aussi prometteur soit-il. Les récentes rumeurs évoquant un retour de Tabzz ou une arrivée de dexter prouvent d’ailleurs que l’équipe est loin d’avoir réglé tous ses problèmes et risque fort de traverser une nouvelle période trouble. Car si les LCS ont démontré quelque chose en plus de deux ans d’existence, c’est qu’empiler des joueurs talentueux ou à potentiel, sans jamais s’attaquer aux problèmes de fond ni un encadrement digne de ce nom, ne mène jamais au succès.
Crédits photos : ESL & Flickr lolesports