Ce dimanche 21 mars, à l'heure où les fêtards rentraient de leurs périples nocturnes, se déroulait la finale la plus attendue de l'année, la finale de la GSL Saison 1. Elle mettait aux prises Lee « Life » Seung Hyun et Won « PartinG » Lee Sak. À l'issue d'un combat dantesque, c'est Life qui l'a emporté sur PartinG, et qui devient le champion GSL après une saison riche en émotions.
Vidéo de présentation des finalistes
Le retour des fils prodigues
L'année 2015 a vu Blizzard réorganiser complètement le circuit WCS, forçant quasiment les Coréens qui avaient trouvé refuge en Europe ou en Amérique à retourner dans leur pays d'origine pour avoir le droit de participer aux compétitions les plus prestigieuses, et en l'occurrence à la GSL. Avec cette nouvelle organisation, la GSL s'est vue adjoindre un second tournoi, la NSSL, qui a vocation à grandir et devenir le pendant kespien de la GSL. Et bien évidemment, toutes ces stars sur le retour ont tenté les qualifications pour le Code S et la StarLeague et ont pour la plupart réussi à se qualifier dans l'un ou l'autre des tournois.
Ainsi le retour d'un grand nombre de joueurs expatriés a-t-il eu pour conséquence de redistribuer les cartes, avec le retour en Code S de monstres sacrés du Pays du Matin Calme comme MMA, MC, TaeJa et autres Bomber. Leur sort était toutefois scellé dès le départ d'après les observateurs, et les participants réguliers du Code S devaient leur rouler dessus. Ce fut loin d'être le cas, avec MC et YoDa qui se qualifièrent pour la seconde phase de groupes, et surtout MMA qui arriva jusqu'en demi-finale, éliminé par PartinG. Une véritable surprise, mais les joueurs habituels du code S, et notamment les cadors, étaient là pour débuter les playoffs qui se révélèrent des finales avant l'heure.
Le trophée tant convoité
Les effectifs sur la ligne de départ se répartissaient plutôt équitablement entre Protoss et Terrans (12 et 13), mais les Zergs étaient minoritaires (seulement 7). On pouvait raisonnablement penser qu'un Terran et un Protoss se fraieraient un chemin jusqu'en finale. Et si les Protoss sont bien représentés en finale, c'est un Zerg, la race la moins représentée numériquement qui le rejoint. Les premières phases de groupe ont confirmé que les Zergs qualifiés étaient bien des top joueurs, puisque 5 sur les 7 accédaient à la phase de groupe 2, avec 5 Protoss et 6 Terrans. À l'entrée en playoffs, les Zergs étaient majoritaires, au nombre de 3, tout comme les Terrans, et 2 Protoss.
Les affiches des quarts de finales étaient toutes plus belles les unes que les autres (Life - INnoVation, un duel entre deux ennemis au sommet de leur art), engendrant des demi-finales tout aussi indécises, et une finale qui s'annonçait fort alléchante, Life contre PartinG, le meilleur joueur du monde contre le joueur le plus controversé.
La seconde phase de groupe
Life, la rédemption
Que dire de plus qui n'ait été déjà dit sur Life ? Génie précoce du jeu, vainqueur d'une GSL à 15 ans, le joueur aura vécu une traversée du désert (toute relative) entre 2013 et la fin 2014. Subissant le contrecoup d'une éclosion trop rapide, il restait toutefois le seul Zerg capable de remporter un tournoi. La fin de l'année 2014 l'a vu revenir au top, et de la plus belle des manières puisqu'il a remporté le tournoi de la BlizzCon qui le couronne Champion du Monde. Depuis, Life enchaîne les performances de haut-vol, que ce soit en SSL et GSL (seul joueur à participer aux demi-finales dans les deux cas), ou en Proleague (avec 5 victoires pour 4 défaites, il aura permis à son équipe de StarTale-yoe Flash Wolves de se qualifier pour les playoffs).
Ces performances ont bien entendu attiré les regards des grosses écuries, comme KT Rolster, qui l'a embauché pour compléter son roster le plus faible, Zerg (et accessoirement permettre à ses joueurs Terran d'améliorer leur match-up). Si pour l'instant Life ne leur a pas rendu leur confiance, nul doute que lorsque sa phase d'acclimatation sera terminée, il redeviendra le meilleur joueur du monde. Déjà au sommet de la hiérarchie, si Life devient meilleur encore, nous tiendrons peut-être enfin le second Bonjwa de Starcraft II (après MVP, paix à ses poignets).
Après deux phases de groupes maîtrisées pour débuter la GSL, le quart de finale contre INnoVation était la grosse affiche du Ro8, que Life a remporté au prix d'une lutte de tous les instants contre son meilleur ennemi. En demi-finale, il a dû se battre pour gagner contre le meilleur Protoss actuellement, herO, ce qui l'a fait craquer quand il a compris qu'il venait d'accéder à la finale.
Life est en effet apparu très ému après sa victoire en demi-finale, n'hésitant pas à pleurer, ce que nous ne l'avions jamais vu faire auparavant. Car au-delà de ces résultats stratosphériques, il semble que Life avait une raison particulière pour vouloir remporter cette GSL bien qu'il ne souhaite pas en faire part à l'heure actuelle.
Ainsi, Life, le meilleur Zerg du monde et probablement le joueur le plus solide à l'heure actuelle, reste un adolescent qui a du mal à contenir ses émotions. Cela ne l'a pas pour autant empêché de remporter la finale sur le score très serré de 4-3. Son émotion s'est particulièrement faite sentir dans la dernière game, où il a tenté un cheese, avec un pool 10 qui a surpris PartinG et lui a permis de s'envoler vers la victoire.
Être ou ne pas être un troll
Son adversaire PartinG, n'a pas démérité, loin de là, mais Life était juste habité pour cette finale et PartinG n'a rien pu y faire, malgré ses tactiques contre Zerg, toujours aussi efficaces.
Pour accéder à cette finale, PartinG a dû changer complètement sa façon d'aborder la compétition. Pour sa treizième participation consécutive en code S (Nestea award easy), PartinG a bousculé toutes ses habitudes. Lui qui ronronnait depuis des mois dans l'équipe SK Telecom T1 sans jamais réussir à dépasser les demi-finales de la GSL, a pris le risque de s'expatrier chez yoe Flash Wolves, pour découvrir un nouvel environnement, de nouvelles méthodes d'entraînement, et se forcer à changer ses habitudes. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que cela lui a réussi puisqu'il a atteint la finale, sans toutefois réussir à gagner. Le changement lui avait fait du bien puisqu'il avait auparavant remporté la HSC X après près d'un an sans victoire.
Le joueur, connu pour ses célébrations de victoire détonantes (contre Flash ou TY par exemple), son sens de la répartie ou ses trolls contre toute la scène, est devenu plus mature après son départ de SKT T1, sachant qu'il jouait son avenir sur la scène. Une absence de performance l'aurait envoyé rejoindre la longue liste des joueurs qui ont voulu aller voir ailleurs et qui se sont ratés. L'absence de visibilité que profère la Proleague est un problème dans le petit monde de Starcraft II et aller le plus loin possible en GSL est une manière de rester visible et pouvoir participer aux tournois. Mais cette nouvelle phase de réflexion lui a permis de se remettre en question, même si son côté show-man n'a pas totalement disparu.
Ainsi, dans la sélection des groupes pour la phase 2 de la GSL, il s'est exprimé longuement pour aller dans le groupe D, sans que personne ne sache pourquoi il y tenait absolument. La raison était simplement qu'il savait que son match-up le plus faible était contre Zerg, et ce groupe était le seul à ne pas en contenir. Un nouveau PartinG, qui connaît ses faiblesses et les assume, est donc apparu durant cette GSL, lui qui avant n'aurait rien demandé et juste annoncé qu'il allait écraser tout le monde. Et le ZvP a failli lui coûter sa place en finale, puisqu'en quart il affrontait Solar. Heureusement qu'à l'heure actuelle ce dernier est dans une spirale très négative (même s'il commence à en sortir), et PartinG a bataillé ferme mais est passé grâce à ses fameuses stratégies sur 2 bases contre Zerg. La demi-finale contre MMA n'a été qu'une formalité, PartinG voulant absolument gagner une GSL pour prouver qu'il a changé, qu'il a mûri.Quand il a vu que son adversaire serait Life, nul doute que PartinG a dû faire une grimace et des cauchemars.
La consécration
Si les deux joueurs ont changé d'équipe, ils ont aussi changé de style de jeu. Life, connu pour son hyper-agressivité, a commencé, probablement sous la houlette des entraîneurs de KT Rolster, à jouer de manière plus safe, abandonnant quasiment ses stratégies sur 2 bases. Mais dans les temps durs, le naturel revient au galop, et les agressions à base de Zerglings speed ressortent du placard et surprennent en général l'adversaire (n'est-ce pas herO ?). De son côté, PartinG est connu pour son style totalement imprévisible. Adepte des stratégies all-in contre les Terran ou les Zerg (le soul train restant son œuvre principale), mais capable de jouer macro et d'y réussir plutôt bien, PartinG a fait évoluer son jeu vers plus de sécurité, en privilégiant la macro.
Le duel tant attendu
Le joueur Protoss n'a pourtant pas tout oublié de ses habitudes passées. Ainsi PartinG débute-t-il sa finale par un double Portail en proxy dans la base de Life. Ce dernier le scoute et défend facilement. À partir de là, c'est la victoire assurée pour Life. La deuxième carte ? Rebelote, PartinG démarre sur un Photon-rush qui, s'il réussit à annuler les B2 et B3 de Life, ne permet pas de finir la partie. En effet, Life arrive à poser une base, puis tente une proxy Hatch chez PartinG qui lui permet de gagner du temps pour mettre en place sa véritable stratégie : un canal de nydus accompagné de Swarm Hosts. PartinG acculé sur deux bases et en retard économiquement n'arrivera pas à défendre et finira par lâcher le GG. Le score est à 2 - 0 en moins de trente minutes et la sensation d'une finale expédiée flotte dans l'air.
C'est sans compter sur le comité de soutien de PartinG, composé des membres de son équipe et de ses amis, qui l'incitent certainement à jouer plus macro.
PartinG et son crew : San, Leenock, StarDust, Daisy (Polt est caché sur cette photo)
Et grand bien lui en a pris, puisque sur les 4 cartes suivantes, il en remporte 3 pour revenir à égalité. Le style macro perturbe complètement Life, qui tente en vain à chaque fois de briser les défenses de PartinG, et se retrouve immanquablement derrière économiquement. La finale tient donc toutes ses promesses, et nous allons avoir droit à une septième manche sur Iron Fortress.
À ce moment de la rencontre, l'observation des joueurs nous montre un PartinG euphorique, sûr de son fait, avec une confiance retrouvée et pouvant compter sur le soutien de son équipe et ses amis. De son côté, le box de Life semble immense et le joueur complètement perdu. Ayant demandé à rester seul pendant son match, Life ne peut compter que sur ses propres ressources... PartinG semble avoir compris qu'il doit s'appuyer sur un style macro pour abattre Life, il ouvre donc sur un Nexus first. De son côté, Life, complètement désorienté, retourne dans son cocon protecteur de stratégies hyper-agressives et s'oriente sur une Pool à 10, suivie d'une agression rapide. Et cela fonctionne ! PartinG est surpris, et se fait annuler son expansion plusieurs fois. Pendant ce temps, Life développe son armée de Cafards et d'Hydralisks. Il tente l'agression à 200 de population une première fois, PartinG repousse. Une seconde fois, là encore repoussée, mais PartinG voit sa population et son économie être légèrement affectée. Mais comme la marée et le Swarm, Life ne s'arrête pas et continue à pousser. PartinG est à la limite de la rupture mais repousse au sacrifice de la plus grosse partie de son économie. Life se décide à porter l'estocade finale : il remaxe sa population, attaque et brise PartinG. D'un côté, c'est le soulagement, Life a réussi à gagner, et de l'autre, la déception.
Une joie toute mesurée
Crédits : Fomôs
Parting reste beau joueur dans la défaite, et ne s'apitoie pas sur son sort. Il a prouvé à tout le monde qu'il était capable de rivaliser avec les meilleurs, que le changement d'environnement lui avait fait du bien. De son côté Life peut exulter, il vient de devenir le premier joueur à remporter une GSL sur Wings of Liberty et Heart of the Swarm. L'avenir s'annonce radieux pour les deux joueurs, et si le niveau de GSL progresse encore les saisons prochaines, nul doute que les deux protagonistes iront très loin.
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