The Voices s'invite dans les salles obscures le 11 mars, et dans le genre acidulé il risque de donner quelques suées aux plus réfractaires des films du genre. Catégoriser The Voices est assez compliqué, le film navigue sur le fil tendu du frisson entre brumes éclairées par les vapeurs chaudes du rire et le couperet glacial de l'horreur. Humeur, humeur....
Marjane Satrapi est aux commandes du long métrage, elle que l'on connaissait plus pour Persepolis, a traversé l'océan Atlantique pour mettre en lumière un scénario made in Hollywood. The Voices dévoile ses galeries de personnages pittoresques, dépeint les relations particulières du monde de l'entreprise, tout en habitant son univers du bruit sourd de la solitude. Dit comme ça, rien de neuf sous le soleil, pourtant le film de la réalisatrice franco-iranienne a du chien, au sens littéral.
Tout commence dans le calme péri-urbain d'une fabrique de baignoires, Jerry (Ryan Reynolds) semble un gars tranquille, sans ambition, en plus d'être maladivement timide. Il est pourtant tombé sous le charme de Fiona (Gemma Aterton) la pulpeuse « nana de la compta » à l'accent anglais. Si la trame semble absconse et linéaire, The Voices n'oublie pas d'introduire un élément dramatique à son récit en multipliant les pistes et en triangulant les relations entre ses personnages. Car Jerry - tout simple qu'il est - cache un secret héréditaire, il est du genre schizo, ne prend plus ses médocs et parle souvent avec son chat et son chien quand il rentre après une journée de boulot.
De là naît le film, cinématographiquement parlant. C'est cette ambivalence entre le réel et le fictif, cette altération des personnalités de Jerry polarisées par des filtres couleurs dans le traitement de l'image de The Voices, ses intentions multiples quand il fait surgir sa galerie de personnages fantasmés ou non, qui font que le long métrage de Marjane Satrapi accroche au fauteuil. Aux dialogues parfois potaches, situations banales, ou humeur romantique vient s'ajouter le sentiment extravagant et inquiétant de la personnalité de Jerry.
Car ce qui est drôle à l'écran, avec du recul, ne l'est pas vraiment. Dans le fond noir, sordide et pesant, The Voices trouve un ton, une approche, grâce à la mise en scène contrastée de sa réalisatrice qui apporte une surcouche intéressante au matériau fictionnel originel du film. Un peu l'impression d'être parachuté dans un Burton minimaliste qui aurait des envies de slasher. Assez percutant pour rester dans la mémoire, The Voices donne la parole à des animaux qui sont les symboles du côté loufoque de l'intrigue. On rit jaune et on aime souvent ça. Les canaux d'interprétations laissent toujours la place à l'idée que le long-métrage ne se situe pas toujours où il se trouve, laissant le libre choix au spectateur de le lire littéralement ou d'en chercher le sens allégorique. Son embonpoint rectiligne ne lui donne pas la possibilité de traiter du pathos et de la psychologie complexe de ses personnages, pourtant certaines scènes viennent sensiblement exploser le visage aliénant du film, lui octroyant ci et là une profondeur inespérée mais bien trop marginale pour lui donner un twist inattendu sur ces dernières minutes.
Bon Marjane, tu sais Peter Jackson a commencé avec Bad Taste (<3), il a poursuivi avec Meet the Feebles et surtout Braindead (chef d'oeuvre), nous ne savons pas si Hollywood te veut, mais en tout cas The Voices est un charmant cauchemar, bien amené, bien joué et plutôt raffiné quand il propose son idée du glauque le sourire assassin accroché au visage. Pas mal du tout, à regarder en famille avec ses potes imaginaires.